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Billet de blog 15 décembre 2012

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BLOGUEUSE IV

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jeanne a fini ses photos. Elle est à son ordi, écrit :
Bertrand, voici un "film photographique" très réaliste, le titre :

"Une petite part de moi"
Il est 7 heures...
1. Mon bureau (tout petit)
2. Mon verre de vin (sur la table)
3. Ma pizza au chèvre (pour ce soir)
4. Le canapé près de la cheminée (pour faire l'amour)
5. Mon escalier (qui monte à...)
6. L'atelier (qui ne sert plus)
7. Ma chambre (toute blanche)
8. Ma table de chevet (bordélique)
9. Mes fringues (trop)
10. Moi qui vous sourit (sur mon lit)
J'adore votre tête de moine bouddhiste...
j'attends votre réponse...
suite demain ou tout à l'heure
Jeanne
Le téléphone sonne.
- Allo
- Bonsoir Jeanne, c'est Alice, je ne vous dérange pas?
- Non, pas du tout
- Je dois vous faire signer des papiers pour l'expo, c'est pressé...j'aurais dû vous appeler avant mais...
- C'est pas grave, Alice, quand veux-tu venir?
- Ce soir, si possible, je peux passer? Demain je suis à la galerie toute la journée
- Ca m'dérange pas, passe!
- Merci, je suis là dans 1 heure, à tout à l'heure!
- D'accord.
Jeanne raccroche, va à son bureau, télécharge les photos, envoie.
Elle se lève, va chercher son verre, s'allonge sur le canapé, réfléchit.
Alice pourrait être sa fille, pas physiquement bien-sûr, trop dissemblables. Elle adore sa tête, étonnante, une peau blanche, des
tâches de rousseur, les pommettes saillantes, petite bouche, petites oreilles, petit nez, petit strabisme aux yeux très bleus, cheveux blonds, très courts, un visage vivant, animé en permanence. Alice mime de façon très spectaculaire avec son visage tout ce qu'elle dit, tout ce qu'elle ressent, tout ce qu'elle aime, tout ce qu'elle n'aime pas, elle sourit beaucoup, éclate de rire, parle fort, chuchote, siffle, souffle, gronde, fait des clins d'oeil, ferme les yeux, les ouvre trop, dévisage les gens, s'étonne, elle se tape souvent la tête avec une main, touche ses cheveux, se décoiffe, triture des petites mèches entre ses doigts. Bref plus expressif que le visage d'Alice, elle n'avais jamais vu! Observer ce petit visage fascinant était passionnant. En plus, comme elle se fout pas mal de son apparence, pour ça aussi elle pourrait bien être sa fille. 
 
Jeanne entend la sonnerie. Elle s'était un peu endormie, elle se lève, renverse son verre.
-Merde, c'est malin!
le vin s'est répandu sur le canapé Muji beige, elle en a aussi un peu sur sa chemise à petits carreaux bleus. Elle la déboutonne en se dirigeant vers la porte.
- Rentre, je viens de renverser du vin, j'en ai mis partout!
Alice grogne, fait une grimace de dégoût, elle est très belle dans son manteau rouge, serré à la taille, un bonnet rouge aussi, qui fait ressortir son teint pâle. Un blue-jeans, des chaussures Kickers d'enfant, marrantes.
- Je vais vous aider, Jeanne! Il faut mettre du sel!
- Mais non, viens on monte dans ma chambre, je vais me changer! Non attends, il faut en mettre sur le canapé par contre!
- Montez, Jeanne, je m'en occupe!
- Ok,
Jeanne monte les marches quatre à quatre, jette sa chemise sur son lit, ouvre son armoire, prend un pull en V, referme la porte, se retrouve devant le miroir, se regarde, elle est toute décoiffée, extirpe un élastique de sa poche de jeans, se fait un chignon rapide. Elle se trouve l'air fatiguée. Je ne dors pas assez, pense-t-elle. Il faut que je fasse craquer Bertrand et vite et qu'il me demande de venir.
Au moment où Jeanne redescend, Alice déboule comme une fusée en haut de l'escalier, bouscule Jeanne. Elle tend les bras pour la retenir, l'attrape par son pull, lui évite la chute, elle s'écrie le visage déformé par la peur :
- Attention Jeanne! Ouf!...  ça va?
Jeanne éclate de rire, remet son pull en place :
- Merci Alice, tu es géniale, j'ai de la chance que Jacques t'ait engagée à la galerie! viens voir s'il y'a des fringues qui t'intéressent dans mon placard.
- Jeanne, vous m'avez déjà donné ce manteau rouge il y a un 15 jours, 2 pulls en cachemire et...
- Regarde, j'ai encore trop de jeans, qu'est-ce qui te plait comme couleurs?
- Toutes, vert, rouille, c'est vous qui savez, depuis que je m'habille chez vous, tout le monde me remarque dans la rue!
Jeanne sort une pile de pantalons, s'installe confortablement sur son lit, couchée sur le dos, la tête calée assez haut sur les oreillers. Elle est prête pour assister à l'essayage. Alice s'y prête avec délectation. Jamais, ni l'une ni l'autre n'avaient eu de tels moments de complicité avec leurs mères.

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