Jeanne enregistre ses photos sur l'ordinateur. Elle sont troublantes, même pour elle. Jeanne est totalement libérée, offerte. Elle a ressenti un plaisir, presque une excitation à réaliser ces photos pour Bertrand. Elle voit une femme nue se regarder dans un miroir. Elle a un air doux, presque timide. Et pourtant elle semble n'avoir aucun tabou, aucune gène. Elle prend des positions différentes avec un naturel déconcertant. Elle est debout, sa jambe droite est un peu écartée, genou plié, le pied pointant le sol à la manière d'une danseuse. Elle pivote vers la droite, sa taille se creuse. Elle est de dos, violoncelle parfait. Ses fesses sont un peu trop rondes. Elle s'assied sur le banc, les jambes croisées. Ses cuisses sont musclées et potelées. Ses chevilles, ses mollets, sa taille sont d'une finesse étonnante. Son ventre est plat. Ses hanches sont arrondies, bien dessinées, tellement féminines. Ses seins sont petits, presque juvéniles. Son corps est tout en contrastes, plein et fragile en même temps. Il dégage une sensualité singulière. Elle n'en avait pas conscience avant de se regarder pour trier les photos.
Elle a choisi 6 photos, les met en pièce jointe, commence à écrire :
De : Jeanne
Pour : Bertrand
Sujet : Jeanne
Bertrand,
Je viens de faire des photos pour vous. Jamais je n'ai fait ça avant.
Je veux vous montrer ce que j'ai envie de vous donner. Et avant de vous rejoindre, peut-être, je veux vous donner envie de moi. Je n'ai pas envie de vous donner que ça. Mais le désir que vous aurez de moi sera indissociable du reste. Et je veux que vous me donniez envie de vous.
Jeanne
Elle attend un peu. Elle veut savoir si Bertrand est à son ordinateur.
De : Bertrand
Jeanne,
je viens de recevoir votre mail, je regarde les photos et vous réponds tout de suite
Bertrand
Jeanne se lève, va à la cuisine, prend une bouteille de vin blanc, du cassis, se prépare un kir.
Elle a des gestes très calmes, presque lents. "Jeanne n'était pas femme à perdre la tête pour un message attendu. Elle se comportait comme si elle n'avait pas arrêté de recevoir des messages d'hommes depuis qu'elle avait atteint la puberté." Jeanne pense à cette nouvelle de Salinger dont elle a parlé à Bertrand, "Un jour rêvé pour le poisson banane". Elle sait qu'il y a quelques similitudes entre elle et la femme de Seymour.
Elle revient à son ordinateur. La réponse de Bertrand est là.
De : Bertrand
Jeanne, merci...
vos photos...surprenantes, envoûtantes...
vous êtes totalement belle...
nouveau ce que vous éveillez en moi...indéfinissable...
force d'attraction étrange... évidente pourtant!
vous faire partager ce désir... saurai-je?
j'ai envie d'essayer .... la photo c'est mon métier... ma vie ...
me prendre pour sujet... un défi!
Jeanne, à tout à l'heure...je reviens,
Bertrand
Jeanne se dirige vers la cheminée. Elle veut faire du feu. Les mots de Bertrand, elle les reconnait, les attendait. Elle n'est pas déçue. Bertrand à Berlin, elle à Paris, pourtant ils sont si proches.
Le téléphone sonne. Jeanne finit tranquillement de lancer le feu. A la dixième sonnerie, elle décroche.
- Bonjour Jeanne, c'est Alice.
- Oui, Alice, que se passe-t-il?
- Colin est parti. Quand je suis rentrée, il n'était pas là. J'ai trouvé un mot. Il m' a quittée.
- Je viens!
- Non, c'est moi! Je ne veux plus rester ici!
Billet de blog 27 janvier 2013
BLOGUEUSE VIII
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