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Billet de blog 3 mai 2013

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Au pays des maîtres de la renaissance

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Attention, vous marchez dans un champ de distorsion du réel.

C'est un champ qui ressemble à un pays qui s'appelle l'Egypte mais qui n'est pas l'Egypte et qui a la couleur du Triangle des Bermudes. 

Vous dites ? Le Triangle des Bermudes n'a pas de couleur ? Mais si. Une couleur, une odeur et une texture même. Celle de la désagrégation.

Pas de la désintégration, il y a une nuance, j'espère que vous la voyez. 

Dans ce champ, les faits se désagrègent au profit de théories, de rumeurs. Elles sont attachées les unes aux autres avec une harmonie brouillonne, comme des pâquerettes dans un collier de pâquerettes.

Dans ce champ, on accuse, on soupçonne. D'occidentaliser l'espace, entre autres choses, et le champ n'a pas du tout envie d'être occidentalisé, il y a des règles. 

Les maîtres du champ détiennent les clés de l'utopie collective à laquelle une moitié relativement égale des habitants du champ souscrit. Les autres occupent le champ mais c'est comme s'ils n'y étaient pas – il faut bien que cela serve à quelque chose, de tordre le réel.

Les maîtres portent des accessoires. Toute une gamme de pastiches et de robes, ils sont bien décorés. Ils promettent la Renaissance de la terre et une enfilade de moussons. Tout le monde n'y croit pas mais personne ne fait de pronostic. Il faudrait beaucoup d'audace pour en faire.

Il y a deux ans, le champ a été brûlé. Certains pensaient qu'il n'y pousserait plus rien. D'autres ont cru que des baobabs allaient sortir de terre. Des framboisiers, des camélias. (Pourquoi pas des camélias ?)

Dans ce champ, il pousse plein de choses, mais certainement pas de baobabs, ni de fleurs. Il pousse des conspirations, il pousse des ennemis imaginaires, il pousse une classe de fabricants du futur qui descend rarement de son arbre.

Ils sont susceptibles, dans cet arbre. Ils n'aiment ni la désobéissance, ni l'humour, ni les juges. Ils n'aiment pas trop les journaux non plus, quand ils critiquent le champ, et leur discours. 

Comme, en revanche, ils aiment bien jouer avec le réel, ils disent : cet arbre n'est pas en bois, cet arbre est en ciment. Ils affirment même qu'il peut tenir à la verticale du champ pendant plusieurs décennies, hop, sans les mains. 

Le croient-ils, ou pas ? Personne ne peut le dire, mais l'effet reste le même tant que les autres restent convaincus.

http://arabist.net/blog/2013/4/29/disinformation-and-egypts-multiple-realities

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