Isabelle Mayault (avatar)

Isabelle Mayault

Journaliste

Abonné·e de Mediapart

78 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 août 2010

Isabelle Mayault (avatar)

Isabelle Mayault

Journaliste

Abonné·e de Mediapart

Liban : l'été en pente raide

Isabelle Mayault (avatar)

Isabelle Mayault

Journaliste

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Dans le temps, pour déclencher une guerre, il fallait quand même tuer un archiduc ! Aujourd'hui, il suffit de déraciner un arbre ». L'ami journaliste libanais qui s'adresse à moi emploie depuis le début de la semaine un ton inhabituellement amer, et inquiet. Et pour cause.

L'échange de tirs qui a eu lieu mardi dernier à la frontière libano-israélienne a rapidement été qualifié par la presse libanaise et internationale de « plus grave incident entre l'armée libanaise et Tsahal depuis la guerre de 2006 ». Comprendre : sans que le Hezbollah ne soit directement impliqué, ce qui est effectivement rare, surtout dans le sud du Liban.

Le débat qui a agité le pays toute la semaine est le suivant : l'arbre que l'armée israélienne essayait de déraciner était-il sur le territoire israélien ou libanais ? La question est d'importance, puisque ce sont des soldats de l'armée libanaise qui ont ouvert le feu – tirant en l'air, mais tirant quand même – en voyant la pince d'un bulldozer israélien dépasser ce qui d'après eux constituait la frontière méridionale de leur pays.

Or, depuis 2006, c'est la « ligne bleue », dessinée par les autorités onusiennes selon un tracé que le Liban n'a cessé de contester depuis, qui fait office de frontière. Que cette ligne ait placé une partie du territoire libanais (entre autres, celui, notablement problématique, des fermes de la Chebaa) sous occupation israélienne pose aujourd'hui problème. Du point de vue de l'ONU, l'arbre était bien en territoire israélien. Mais du point de vue libanais, la ligne bleue n'est à la base pas légitime.

In fine, cet échange aura provoqué la mort de trois soldats et d'un journaliste libanais – correspondant local venu couvrir la montée des tensions à la frontière – et d'un officier israélien. C'était mardi. Depuis, la guerre n'a pas éclaté et les analystes s'empressent d'affirmer que ni le Hezbollah ni Israel ne sont prêts pour un nouveau conflit, qu'il s'agit « seulement » d'une phase de test permettant d'affirmer graduellement leur puissance.

Mais la tentation est là, permanente, et quand on entend le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, multiplier les discours et exhorter à la résistance armée, il est difficile de ne pas se demander combien de temps encore ce fragile équilibre va tenir. Et ce n'est pas la prétendue inquiétude des voisins, le dictateur syrien et le roi saoudien, venus en grande pompe à Beyrouth il y a une semaine pour « appaiser les tensions », qui va y changer quelque chose. La preuve.

« Imagine si en temps de paix, on commence à perdre quatre hommes par arbre, ce que ça va donner s'il y a une guerre ! » conclut mon ami journaliste avec morosité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.