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Billet de blog 7 septembre 2010

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Ramadan marketing

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Seul le bourdonnement des postes de télévision qui diffusent une cinquantaine de séries télé spécial Ramadan brise le silence des chaudes après-midis du mois d'août.

A Beyrouth la turbulente, on peut faire pitance à toute heure. Aucun risque de situation embarrassante pour le touriste non averti qui aurait un petit creux dix minutes avant la rupture du jeûne : il passerait inaperçu. Ceux qui jeûnent jeûnent et ce qui ne jeûnent pas, ne jeûnent pas : à chacun sa croyance. Mais tout le monde en profite : les restaurants proposant des menus spécial Iftar (nom du repas de rupture du jeûne au coucher du soleil) sont légion, les stands à pâtisseries – spécialités de Ramadan truffées de crème – pullulent le long des trottoirs. Les gourmands sont servis.

Tout cela serait idyllique si des échos de frictions inter-communautaires ne s'étaient faits entendre. Une journaliste chrétienne du quotidien réputé An-Nahar a écrit il y a dix jours une chronique cinglante dans laquelle elle relatait s'être vu refuser la carte des vins dans un grand hôtel « géré par un chrétien maronite et dont la construction a été bénie par un prêtre ». Le responsable des lieux, pris à parti, a cru trouver une solution acceptable en proposant à la journaliste de « remplacer les verres transparents par des verres fumés ». Aux yeux de la journaliste, c'était la confirmation que le Liban s'était fermé comme une huître, à l'instar de certains de ses voisins, où les polices religieuses islamiques sévissent.

De cet article courroucé est né le débat. Le site d'actualités Now Lebanon a donc mené l'enquête : qui des grands hôtels beyrouthins refuse de servir de l'alcool ? Il apparaît que, pour des raisons purement commerciales, les managers, toutes confessions confondues, ont fait le choix de la tolérance, aménageant des espaces où l'on sert de l'alcool, et d'autres où l'on n'en sert pas. S'assurant ainsi de ne perdre ni les non-musulmans assoiffés, ni les musulmans qui ne supporteraient pas de voir boire leurs voisins de table. Au total, seuls deux grands hôtels servent de l'alcool partout et à toute heure, et un seul pas du tout, pendant tout le mois de Ramadan.

Un jeune interviewé par Now Lebanon résume : « Ce n'était pas comme ça avant. On a toujours vécu ensemble, et il n'y avait pas ce genre de problèmes. C'est la première année qu'on en parle ». Le problème, en effet, n'est pas tant que certains responsables d'établissements refusent de servir de l'alcool, mais plutôt qu'un simple incident fasse l'objet d'un débat enflammé. Ce qui prouve, s'il le fallait, à quel point la marge de manoeuvre est réduite entre une communauté musulmane de plus en plus soucieuse de faire respecter ses pratiques et une communauté chrétienne angoissée de perdre du terrain.

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