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Billet de blog 23 mars 2013

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Le western sur la colline

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C'est le rodéo du jour, un western d'une après-midi. Au sommet d'une colline surplombant la mégalopole, une maison blanche entourée de camions bleus-marine attend qu'on lui jette des pierres. Le ciel brouillé par une tempête de sable imminente donne à la scène la couleur d'une dystopie de Terry Gilliam. Des groupes avancent dans les rues droites et poussiéreuses du Moqattam. Ils marchent au ralenti, sans détermination, comme pris par fatalité dans d'infinis allers et retours à travers les avenues ocres et grises. Personne ne semble trouver la chorégraphie monotone, et pourtant, il y aurait des raisons de confondre un vendredi avec un autre. Au tout début de l'après-midi, les petiots en première ligne attendent. On ne leur donne, à tort, aucune légitimité politique. Puis les grands arrivent, équipés de toutes sortes de choses excitantes – des sacs remplis de pierres, des cocktails molotov et même une vipère, qu'on attise avec des claquements de langue. Ce n'est pas encore l'heure de courir, ni de brûler des véhicules inflammables. De l'autre côté des trois rangées de jeunes gars, suant sous leurs uniformes de la couleur des camions, la maison - celle que les uns sont venus prendre, et les autres défendre. Un habitant du quartier se fait un plaisir de montrer aux étrangers les raccourcis derrière les barricades. On approche de la maison blanche – le siège des Frères Musulmans – beaucoup plus facilement que prévu. Des barbus, avec ou sans bâton, attendent debout que l'après-midi avance. Les minibus venus des provinces continuent à charrier leur lot de militants prêts à servir le parti en huile de coude. Des grappes en descendent, puis s'acheminent lentement jusqu'en haut de la colline tandis que sur l'autre flanc, des révolutionnaires reconnaissables à leurs cheveux longs marchent exactement dans la même direction. Le début des affrontements est prévu, comme tous les vendredis, pour le crépuscule. La chorégraphie est la même, mais personne ne s'en lasse, car sur cette colline comme dans le reste du pays, il y a toujours de bonnes raisons d'être en colère.

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