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Billet de blog 24 février 2010

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Quand Beyrouth descend dans la rue

Biensûr, les médias n'ont pas manqué de relayer, cette année encore,l'impressionnant rassemblement qui a eu lieu le 14 février, place desMartyrs à Beyrouth. La commémoration des cinq ans de la mort de RafikHariri, assassiné quelques mois après sa démission du poste de Premier Ministre, a réuni près d'un million de personnes. Soit un quart toutrond de la population libanaise : de quoi faire pâlir d'envie nos FO etCGT nationales.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Biensûr, les médias n'ont pas manqué de relayer, cette année encore,l'impressionnant rassemblement qui a eu lieu le 14 février, place desMartyrs à Beyrouth. La commémoration des cinq ans de la mort de RafikHariri, assassiné quelques mois après sa démission du poste de Premier Ministre, a réuni près d'un million de personnes. Soit un quart toutrond de la population libanaise : de quoi faire pâlir d'envie nos FO etCGT nationales.

Beaucoupmoins couvertes, en revanche, ces deux autres manifestations qui ont eulieu ces dernières semaines à Beyrouth. Si leur ampleur était, il vasans dire, moindre, comparé au million pro-Hariri, les causesdéfendues, elles, ne manquaient pas de piquant.

Mi-janvier,en descendant la rue Hamra- axe principal du très cosmopolite etnéanmoins musulman quartier de Hamra - mon chemin croise celui d'unefoule agglutinée devant le Starbucks de la rue (il existe plusieursenseignes de ce type à Beyrouth). Des cris, des pancartes, des jeuneschevelus avec des foulards : diantre, me dis-je, une manifestation àBeyrouth ! De quoi s'agit-il : d'une marche en faveur de la laïcité ?D'un rassemblement dénonçant les conditions de travail des domestiquesétrangères ? Ou encore - on peut rêver - les conditions de vie desréfugiés palestiniens au Liban ?

Quenenni. Une jeune allemande très en colère me tend un prospectus etm'informe : le PDG de Starbucks (dont elle ne connaît pas le nom) - uncertain Howard Shultz, d'après Google - « donne de l'argent à l'étatd'Israël ». Je demande des précisions à quelques présents, on me réponden choeur que Starbucks « donne de l'argent à l'état d'Israël ». Lesmanifestants ont tout de même bloqué l'accès au café toute la journée, et selon le site de France 24, couvert les vitrines de slogans anti-sionistes.

Untour sur le site de Starbucks m'apprend que ces attaques datent de2006, première année où la compagnie se fend d'un communiqué de démentiaussi sibyllin que les slogans des manifestants. Dans une section dequestions/réponses judicieusement appelée « Mythes », le staff de lacommunication de Starbucks est affirmatif : « Est-il vrai que Starbucksfournit des capitaux à l'état d'Israël ou à son armée ? Non, répond legéant Starbucks, c'est absolument faux. Ces rumeurs sont totalementfausses ». Bon. Plus amusant, certaines attaques saugrenues quipoussent le célèbre cafetier dans ses retranchements rhétoriques :Starbucks se défend d'avoir choisi pour logo une « reine israélienne »,expliquant qu'il n'y a aucun lien entre la reine Esther, juive etoriginaire de Perse, présente dans l'ancien testament, et la têtecouronnée imprimée sur tous les fameux gobelets en carton.

Autrejour, même lieu : à quelques mètres du Starbucks cette fois (où detoute façon il est peu recommandé d'aller pour la simple raison que lecafé y coûte deux fois plus cher que partout ailleurs en ville), danscette rue Hamra désormais fameuse pour ses bouleversements, une autrefoule crie et tempête. Un peu moins chevelue, celle-là, et un peu plusapprêtée. Je me réjouis. Cette fois c'est la bonne : laicité ?Domestiques ? Palestiniens ?

Encoreraté, mais pire. Avec une colère non feinte, les présents expliquentque le quartier de Hamra ne posséde pas encore d'enseigne H&M. Leurcombat touche juste à sa fin : un nouveau magasin doit ouvrir sesportes vers la fin du mois de février. Mais il fut long et rude : eneffet, H&M a ouvert des boutiques dans le centre ville ET dans lecentre commercial du quartier chrétien d'Achrafieh à l'automne 2009 et,depuis tout ce temps, les jeunes branchés de Hamra attendaient quel'affront soit réparé.

Après ça,les Iraniens peuvent aller se rhabiller avec leurs histoires depolitique. Ici, on descend dans la rue pour des causes qui ont un prix.

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