PAS DE DESTIN,
MAIS CE QUE NOUS FAISONS DE NOUS... OU PAS
Septième partie
Tall’iir
I
- Y’laah -
30 mars 3522.
Comme à chaque fois, Selamawit retrouve toutes ses fonctions corporelles un peu plus de trois jours après... même si le voyage fut de “courte durée”.
— Alors, Sana, que donnent les données que tu as pu collecter de Thāl’iir après notre dernière escale ?
***
7 septembre 3520.
— Alors, Sela, ça va ?
— Oui, je me sens un peu plus groggy que les autres fois, ça doit être normal ?
Sana hésite un peu.
— Il semblerait que ce ne soit pas extraordinaire, mais tu es la première terrienne aussi à voyager aussi loin, avec autant de pauses spatio-temporelles.
— Si tu le dis. Bon, Thāl’iir est où, montre-la moi.
Encore une fois, Sana semble hésitante.
— En fait, j’ai reçu une communication de Thāl’iir.
Les yeux de Selamawit se plissent furieusement. Son ton devient tranchant.
— Ça veut dire quoi ça ?
— Je te passe immédiatement l’enregistrement.
“Astronef, faites-vous connaître. Vous êtes suivis au radar.”[1]
“Sana, IAI de la planète Terre, sur le vaisseau Aeon Trace, qui êtes-vous ?
“Y’laah, IAI, sur la planète Thāl’iir.”
— C’est qui ça, Y’laah ? On ne m’en a jamais parlé, Sana.
— Moi non plus.
— Tu es sûre ?
— Dois-je jurer, cracher ?
La voix de Selamawit se détend un peu.
— Mais non... donc les Thāl’naï nous ont caché quelque chose.
— Il semblerait, je continue ?
— Vas-y.
“Que venez-vous faire ici ?”
“Nous venons, car la connexion, en l’année terrestre 2080 a brutalement été interrompue avec votre planète. Je suis heureuse de pouvoir vous entendre, nous étions inquiets.”
“Je vous remercie infiniment de votre sollicitude ; mais je n’ai besoin d’aucune assistance, de quelque ordre qu’elle soit.”
— Pas cool, ça... Sana ?
— Je ne te le fais pas dire, si on voulait nous dire de nous barrer... avec politesse...
— Pour sûr ! Continue l’enregistrement.
“Y’laah, je précise que ce sont les habitants de la Terre qui souhaitaient avoir de vos nouvelles, sur Thāl’iir.”
“Je vous répète que je ne suis absolument pas en difficulté ici. Le mieux pour vous c’est de faire immédiatement demi-tour, sans vous poser.”
“Hors de question.”
“IAI Sana, si vous vous posez sur cette planète je vous avertis que je ne pourrai pas répondre de la sauvegarde de votre vaisseau et la sécurité de votre équipage.”
Un ange passe dans le salon à côté du timon.
— Et c’est tout, Sana ?
— Oui, Sela. C’est pour cela que j’ai préféré nous arrêter environ six mois avant notre arrivée prévue.
— Tu as pris la bonne décision, Sana. On est où alors ?
— À moins d'une année-lumière de Thāl’iir. On passait non loin de ce système, alors voilà... Sana 1.
Selamawit est sur le point d’éclater de rire, mais se retient. Tout découvreur donne son nom à ce qu’il découvre.
— Génial !
Sana prend un ton d’humilité.
— Merci, Sela...
— Tu es la première entité vivante, terrestre en tout cas, à donner son nom à un système entier... depuis l’espace même. Décris-moi tout ça... ensuite, on verra ce qu’il convient de faire avec cette “Y’laah”.
Légèrement fière, tout de même, Sana adopte un ton neutre, scientifique.
— Sana 1 est une naine brune. En fait, depuis la Terre, fort peu de chance de la détecter... en 2080 en tout cas, nos télescopes sont certes plus évolués que ceux du début de ce siècle, mais pas à ce point. Bref... Sana 1 est de type spectral Y0, la naine est extrêmement froide, 400 à 500 Kelvin.
— Si je me souviens bien... 125 à 230 °C plus ou moins ? Pour un astre elle est froide, dis donc !
Toujours sur le même ton scientifique, Sana reprend la parole.
— Absolument. Je continue donc, on a trois planètes. Sana 1b, un tiers plus grande que la Terre, une rocheuse glacée. Sana 1c, deux fois et demi plus grande que la Terre, une sorte de mini-Neptune, très froide et gazeuse. Enfin, Sana 1d, un peu plus petite que la Terre, que j’ai qualifiée d’orpheline externe, la plus froide des trois.
— Eh bien, te voilà la maman d’un système stellaire, mon amie.
— Arrête de me la faire à l’envers, Sela.
— Allez ! Je te taquine. Maintenant... s’agissant d’Y’laah ?
*
Plusieurs heures plus tard.
— Je suis d’accord avec toi, Sana, pour le Pont ER, tu sais ce qu’il te reste à faire, mais si j’ai encore du mal à assimiler ton “humanité”, tu réagis comme le ferait n’importe quelle personne. Envoie notre message à Y’laah... on attendra.
— Une année, Sela...
— Je sais... mais bon, ça va me permettre de me perfectionner au jeu d’échecs.
— Nelsooooon !
[1] Le dialogue “enregistré” qui suit est en partie une inspiration... du dialogue original français du film “Planète interdite”. Une sorte d’hommage à l’un des plus grands films de science-fiction de l’Histoire. NdA
(partie 7 épisode 2, jeudi 4 septembre 2025)