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Billet de blog 5 juin 2025

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Pas de destin, mais ce que nous faisons de nous... ou pas — partie 2 épisode II

Le monde s'enfonce dans le chaos... mais un espoir existe, un collectif et une IAI.

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PAS DE DESTIN, 
MAIS CE QUE NOUS FAISONS DE NOUS... OU PAS

Deuxième partie

II
- Tendresse -


Il est 4h17 lorsqu’Isla est réveillée par des contractions irrégulières, distinctes, basses et sourdes, toutes les quinze à vingt minutes.
Allongeant la main au-dessus d’elle, elle allume un éclairage doux, puis elle active une interface de suivi bio-médical domestique, juste à côté de l’interrupteur, par une biofeuille murale.
Elle touche son ventre avec un amour infini, en respirant calmement.
— Zut, où est la théière ? dit-elle à haute voix.
Elle finit par se rappeler qu’elle est de l’autre côté du lit. “Une bonne infusion non théinée... rien de mieux”, pense-t-elle.
Le système enclenché reconnaît le début du travail. Un message sonore particulier est envoyé au docteur Belpierre, qui dormait profondément dans la chambre d’amies. La même chose pour sa garde du corps, Róibhín Sands.
Cette dernière, au fait de ce genre de situations, s’était installée sur le divan du rez-de-chaussée. Elle se lève, sans précipitation, mais sans perdre de temps. Quand elle ouvre la porte, le doc est déjà là.
Ce n’est que vers 8h45 alors que les contractions s’intensifient vraiment, après ce délicieux petit-déjeuner irlandais ; gruau d’avoine aux graines et baies citronnées, avec des prunes de saison écrasées et de la confiture de myrtilles maison, un petit yaourt végétal nature, une tisane d’aubépine et mélisse ; le tout accompagné d’une belle poire bien mûre en tranches fines.
— Viens Isla, on va faire un tour dans la véranda, ça te fera du bien de marcher un peu, dit Róibhín.
— Tu es une adorable sage-femme munie d’un... Kahr S19 Nova, 9 mm, sourit Isla.
— Ouaip, ben faut bien ça au cas où... c’est pas avec un stéthoscope que je vais te protéger.
La véranda est déjà dans la douce lumière du matin, entourée de grandes plantes vertes, avec ce sol de mousse naturelle biorégulée lorsque les accents de la musique africaine que lui a laissée Selamawit avant de partir la bercent tranquillement.
Elle se concentre pour être en relation avec Sana.
“Sana ?...”[1]  
À peine un instant plus tard, Sana “répond” dans l’esprit même d’Isla.
“Oui Isla ? Ce matin comment te portes-tu ? L’accouchement est pour bientôt.”
*
Toujours dans la piscine, à température corporelle, installée dans la grande pièce vitrée face à la mer d’Irlande, Liyara naît dans l’eau, en douceur, les yeux encore fermés, le cordon flottant.
Róibhín aide la petite fille et la pose sur la poitrine d’Isla, qui pleure de joie après tant d’efforts. Sa pensée va immédiatement à Sana pour qu’elle transmette son amour à Selamawit et la bonne nouvelle.
“Sela est déjà endormie pour son long sommeil Isla, mais je lui raconterai toute ta vie. Puis-je te demander si tu veux bien de moi, comme une extension de Sela ?”
”Avec joie...”
Róibhín, émue, ainsi que le docteur Belpierre, laissent le couple tranquille, à se découvrir.
Les pleurs se mêlent à l’eau tiède, et le grand sourire d’Isla face à leur fille est comme la transmission du “toujours avec toi”.
*
Les hostilités ont cessé entre l’HAYL et certains États, surtout depuis “la punition” infligée par l’HAYL aux USA et à la Russie.
D’autres États décidèrent, après le 4 et le 12 juillet, de soutenir le collectif et d’intégrer ses principes à leur propre pays. Le premier fut l’Irlande (unifiée en 2061)[2] , suivie des pays nordiques, puis le Groenland, l’Écosse indépendante[3]. “L’Arc asiatique”, un collectif de nations[4] réunissant la Corée unifiée, le Japon, Taïwan et les Philippines, prit un peu plus de temps avant de rejoindre l’ensemble en août 2080. La Kanaky[5] suivit fin août, puis l’Australie ainsi que les autres pays d’Océanie, enfin, le 11 septembre 2080.
*
15 novembre 2080.
Palais des Nations, Genève.
C’est la délégation russe qui arrive en premier. Le tsar Alexeï II lui-même descend de sa limousine blindée électrique, une Kamaz[6] “Imperator HE-VX”. Il est entouré de six gardes du corps et de son interprète personnel, la redoutée Vassilia Natchev. Le pavé de l’esplanade est encore mouillé de la veille ; Vassilia tient le chef d’État russe, discrètement, par le coude. Le portail imposant, en métal anthracite, s’ouvre devant la “délégation”.
Alors que l’énorme limousine se retire pour aller se garer ailleurs, la Cadillac rouge, flambant neuve, de la présidente des USA, Abigail Walton, arrive sur l’esplanade à bonne vitesse, et soudainement le chauffeur fait hurler le moteur au régime élevé, en faisant ronfler le V8 bien gras et rauque.
Les gardes de chaque côté du palais en restent médusés.
Un type en redingote, chapeau de cowboy sur la tête, sort de l’autre côté et vient ouvrir à la présidente en se baissant à quarante-cinq degrés.
La délégation étasunienne est composée d’Abigail, de son pitbull femelle avec un collier en diamants, et de son interprète favori, un ancien catcheur d’origine russe, Sergei “Icebreaker” Kane.
Une fois rentrée, la Cadillac repart en faisant tourner les pneus et disparaît.
La délégation européenne suit, après plusieurs mois de négociations entre les États de la toute nouvelle Union Industrielle des Nations Européennes (UINE). L’énorme Aston-Peugmercefia “Nazion XR-9” roule doucement sur le pavé qui semble souffrir du poids du véhicule.
Les six portes de l’autre côté s’ouvrent, laissant apparaître, en costume de ville, les aides-de-camp des six chefs d’État.
C’est François Molineux, président français depuis 2072[7], qui sort en premier ; Isabella della Forza, l’Italienne ; le roi d’Espagne Juan Martinez III ; Hans Grethenshmidt, le führer allemand ; le jeune László Komorfi, président à vie hongrois depuis la mort de Viktor Orbán dans son palais présidentiel en 2052 ; et enfin, le Roumain Bogdan Stănescu, le “Visionnaire de Transylvanie”.
Une fois tout ce petit monde dans le hall du Palais des Nations, le temps s’écoule doucement.
— Vous savez où est la Rolls de madame Constance Thatcher ? demande à un des gardes, le maître de cérémonie, le Président de la Confédération suisse, le jeune Léonard Dupont-Fischer, un peu inquiet.
— On vient de m’indiquer qu’elle venait de finir son thé, et qu’elle se mettait en route avec le roi George VII, dans leur Rolls-Packard “Magna-carta”.


[1] NdA : Je sais que le concept peut paraître aux yeux des rationalistes (pourtant certains étant “croyants”), une idée farfelue. Mais très profondément et tout en étant non-religieuse absolue, je crois que la pensée s’absout du temps, de l’espace, qu’elle est instantanée, quel que soit l’endroit de l’émetteur et celui du récepteur, quant à “après la mort”, je l’espère sans avoir là aucune certitude.
[2] Sous la première ministre (2051 à 2063), “thatchérienne”, Fiona McMillan.
[3] Depuis le référendum de 2037, et la guerre anglo-écossaise 2037-2039, sous le psychorigide Nadir Grantham (Premier ministre de 2032 à 2040).
[4] Constitution facilitée par le replit sur soi des USA depuis 2025, ainsi que par l’effondrement industriel et écologique de la Chine en 2057, sous Zhao Licheng.
[5] Indépendante depuis le quinquennat lamentable du président Retailleau (2037-2042).
[6] Kamaz, marque russe de camions (1969) et connu pour ses utilitaires militaires. En 2028, à cause de l’embargo occidental, la marque se diversifie en produisant des voitures aussi robustes.
[7] Le décennat unique a été institué par référendum en 2043, par Gabriel Attal, après le lamentable quinquennat de Bruno Retailleau (2037-2042).

(partie 2 épisode 3, samedi 7 juin 2025)

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