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Billet de blog 7 août 2025

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Pas de destin, mais ce que nous faisons de nous... ou pas — partie 6 épisode I

Le monde s'enfonce dans le chaos... mais un espoir existe, un collectif et une IAI.

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PAS DE DESTIN, 
MAIS CE QUE NOUS FAISONS DE NOUS... OU PAS

Sixième partie
Mentf

I


— Abomination –

23 juillet 3184.
Selamawit est réveillée depuis quelques jours lorsque le vaisseau s’immobilise en orbite de la lune de Kepler-61b.
Un “détail” saute aux yeux de Selamawit. La fameuse lune mesure un peu moins de trois fois la taille de la Terre, tandis que sa planète est sensiblement plus petite.
— J’en avais entendu parler de cette possibilité de différence entre une planète et une lune, mais j’avoue que le voir en vrai est très déconcertant.
— Ça va peut-être t’étonner, Sela, mais je ressens la même chose que toi... et j’avoue que c’est ça qui me déconcerte.
Selamawit s’habitue de mieux en mieux aux émotions cognitives de Sana, mais en reste toujours un rien inquiète... une sorte d’inquiétude primaire.
— Tant que tu maîtrises bien ces émotions, Sana, tout ira bien. Si un jour tu sens que cela te perturbe trop, n’hésite pas à me le dire.
— Bien ma’am Sigmund, répond Sana un brin sarcastiquement.
Selamawit rit de bon cœur de cette blague.
— Bon, trêve de plaisanteries, fais-moi un topo sur cette lune, s’il te plaît.
— Alors voilà, d’abord un portrait physique de cet astre ; la gravité sur cette lune est différente que sur Terre, environ soixante pour cent. Le sol, en certains endroits, est une croûte froide mêlant roches tendres et dépôts cristallins translucides, probablement des résidus glacés mêlés à des minéraux légers. L’atmosphère chargée d’azote est dense et lourde. Ce ciel d’orange pâle est caractéristique de son étoile rouge orangé, comme tu peux le voir. Il y a encore des traces de végétaux sur ce sol et même des forêts primaires. Je détecte aussi de douces brises qui soufflent sur la poussière des plaines ocres et rident les eaux silencieuses des lacs.
— Et alors... elle est sans vie ? Je croyais qu’il y avait une civilisation qui avait créé une IA planétaire et qu’iels avaient mis au point une imprimante à reproduction de matières ?
— Je suis tout aussi étonnée que toi Sela... il semblerait que cette civilisation se soit détruite elle-même. Je te mets les images sur l’holopan du salon.
En effet, Selamawit voit les restes de cités aux tours gigantesques fracassées sur le sol, des morceaux de voies restantes, balafrées de crevasses, des restes calcinés de forêts entières à côté d’autres, encore plus vastes, un peu comme les forêts vierges en Afrique du XXe siècle. Ici et là, lorsque Sana fait un zoom, on distingue des formes de vies primitives de très petite taille et rien de plus.
— Eh bé ! PLGPPUR[1] !
Sana rit de cet acronyme.
— En quelque sorte, Sela.
— Tu crois que la Terre aura le même avenir ?
— Je ne devine pas... pas encore. Mais je te dois la vérité, désormais, Sela. Je n’ai plus aucune possibilité de contact mental avec la Terre depuis ton premier sommeil.
— Tu me le dis un peu tard... je m’en doutais, mais je te remercie de ta franchise et surtout d’avoir si gentiment voulu m’épargner ce qui me semblait inéluctable. Cependant, crois-tu que nous pourrions inverser “l’Histoire” en communiquant grâce au PER[2] ?
— Qui sait, Sela... qui sait ! On verra, je ne suis pas loin de réussir à le recréer.
*
29 juillet 3184.
Sur la planète Mentf.
— Ah, merde !
— Qu’y a-t-il, Sela ?
— J’ai foutu mon pied dans une merde de... de je sais pas quoi d’ailleurs !
Sana rit légèrement.
— Ne t’inquiète pas, ta combinaison résistera. On verra à ton retour pour l’odeur.
Cette fois, c’est Selamawit qui rit de l’humour de Sana.
— Me fais pas rire ma grande, je dois rester concentrée !
— Tiens, tu m’appelles “ma grande”, Sela ?
— Oui... et c’était voulu, je te dois bien d’être humaine avec toi, après tout.
— Merci Sela... bon, dans ce labo, tu vois quelque chose qui ressemble à un ordinateur ? Si encore tu n’avais pas voulu y aller toute seule...
— Je sais, je sais, fifille... un drone... c’est moins drôle...
— Pffff
— Bon, sérieusement...
À cet instant, tournant la tête vers une autre pièce, elle voit un énorme objet avec des lumières qui clignotent encore. Elle s’avance prudemment en évitant les détritus et d'autres choses traînant au sol.
— Y a un gros machin !
— Tu peux être plus précise ?
— Pardon... on dirait bien un ordinateur, mais comme ces vieilles bécanes de la première moitié du XXe siècle.
— IBM a une succursale ici ?
— Je crois pas, Sana... mais sois sérieuse s’il te plaît.
— Encore pardon... ceci dit, fais attention... une IA n’est pas forcément sensible à certaines choses qui sont mortelles pour les espèces respirantes.
— Oui Sana. Je m’approche... Ça parle !
— C’est vrai ?...
Sana a ce ton des gens surpris sur le coup par une nouvelle incroyable. Elle continue son interrogation.
— ...Tu peux me faire écouter ?
— Attends, je branche le bidule...
Sana écoute avec attention une voix non corporelle.
— Je vais devoir traduire ce que ça dit, Sela... mais je t’en prie, s’il te plaît... reviens, je n’aime pas du tout le ton de cette voix.
*
Dans le sas à côté du Timon.
— Ouf ! La crotte semble ne pas avoir d’odeur.
— Tant mieux Sela, range vite la combinaison... j’ai réussi à traduire le message. Je crois que tu as bien fait de ne pas traîner dans ce labo.
— Ah ?
Quelques minutes plus tard, Selamawit est dans son fauteuil, face à la table basse, Nelson lui ayant servi un jus de citron bien frais.
— Oui, je te donne le texte ; “Étranger, que peux-tu faire là ? Pourquoi ne me réponds-tu pas ? Comment as-tu fait pour survivre au virus que j’ai insufflé contre les Crogs, cette espèce malfaisante ? Je vais t’anéantir ! Te pulvériser ! On oubliera jusqu’à ton arrogante visite !”


[1] “Plein la gueule pour pas un rond”.
[2] Surnom donné au Pont Einstein-Rosen.

(partie 6 épisode 2, samedi 9 août 2025)

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