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Billet de blog 11 novembre 2025

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LA TROISIÈME ESPÈCE (chapitre 24 — Colombo)

Alors que le monde est au bord de la guerre, en 1961, trois hommes à la poursuite d'un mythe...

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LA TROISIÈME ESPÈCE
Chapitre 24
COLOMBO

— Katunayake airport. Veuillez attacher votre ceinture et demeurer assis jusqu’à l’arrêt complet de l’appareil, je vous remercie.
Ce 23 mars au matin, l’aéroport de Colombo, à une trentaine de kilomètres du centre-ville est sous une petite pluie fine, alors que le soleil hésite entre nuages et ciel bleu.
C’est un aéroport au standing encore très militaire, même si quelques motels très “cheap” se sont déjà installés alentour.
L’escalier mobile, placé contre la porte ouverte du Lockheed, accueille la petite troupe.
Einar, l’œil aux aguets, un rien inquiet, scrute tout autour. Soudainement, il aperçoit, aux pieds de l’escalier, trois personnages.
— Ah ! Nos anges gardiens.
Le français, Paul Méchain, est un grand dadais dégingandé, rasé de près, crâne inclus. Habillé d’un short kaki plus ou moins propre, d’une chemise à fleur, type hawaïenne, sandales en cuir, chapeau de paille sur la tête et une paire de lunettes noires qui finissent de le ridiculiser.
L’allemand, Karl von Kirsch, est plus sobre, plus petit aussi, plus poilu avec ses favoris et sa moustache épaisse et fournie. Habillé d’un pantalon blanc immaculé, d’une chemise et d’une veste de la même couleur, une paire d’énormes chaussures noires cirées jusqu’à refléter le soleil matutinal, une casquette de l’Afrikakorps et pas de lunettes, lui. Juste les yeux mi-clos.
Enfin le kabyle, Amar Aït‑Idir est un homme de taille moyenne, de corpulence moyenne, de teint moyen et de rasage plus que moyen. Habillé d’une djellaba couleur sable ceinturée par une bande de cuir noir où pendent un attirail disparate de grenades, couteaux et fouets, pieds nus, sans rien sur le crâne aux cheveux crépus, roux. Il porte une paire de lunettes de vue rondes.
Einar et la petite troupe derrière lui vient les saluer.
— Bonjour messieurs, j’espère que votre seule présence refroidira les ardeurs meurtrières de nos ennemis.
— Y a intérêt, lâche froidement Karl.
— Ouaip, renchérit le français en commençant de mâchouiller un bâton de réglisse sorti d’une de ses poches.
— Pareil, précise Amar d’un air détaché, comme s’il n’était même pas concerné.
Einar reste silencieux quelques instants en les dévisageant.
— Oui... oui... on dira ça comme ça.
Théo qui était juste derrière, lance une pique.
— C’est drôle, on dirait que vous êtes abonné à ce genre de gugusses, Einar.
Ce dernier habitué désormais, ne relève pas. Il sourit.
— Vous savez, ce n’est pas avec des bonnes sœurs que nous serons en sécurité.
Samy se met à rire.
— Théo zéro, Einar un !
Théo bougonne.
— Oui, oui, je suis un chieur, mais avouez que vous aimez ça.

Toujours sur le tarmac, après les présentations d’usage, la troupe s’avance pour aller prendre une boisson chaude.
— Attendez ! J’ai oublié de prendre mon sac, crie Théo en faisant demi-tour.
Tout le monde stoppe pour l’attendre.
— Eh bien, ça nous permet au moins de profiter un brin d’air frais, dit Samy enjoué.
— Oui, en effet, confirme Einar.

Quinze minutes plus tard, Théo réapparaît tenant à bout de bras son sac.
— Voyez, j’ai fini par le retrouver.
À cet instant, une explosion détruit l’endroit où ils devaient être si Théo n’avait pas oublié son sac. Tout le monde se jette à terre tandis que les cinq portes-flingues sont en position de tir de tout côté.
— Bougez pas ! ordonne Paul Méchain, t’as vu quelque chose Amar ?
— Nan !
— Et toi Karl ?
— Que nibe !
— Et vous, les gonzesses ? se tourne-t-il vers Édouard Judel et Henry Hatford.
— Les gonzesses t’emmerdent trouduc, mais sinon j’ai rien vu d’bizarre, répond sèchement Édouard Judel.
— Pareil pour moi, dit Henry Hatford... des trouducs... on va s’entendre.
Un moment de silence complet passe avant que toute cette testostérone parte dans un rire commun.
— Au moins, ils ont le sens de la répartie, conclut Einar.

— Alors Einar ? demande Samy.
Revenant du bureau d’accueil de la Air India, avec un sourire d’une oreille à l’autre, il s’approche de ses compagnons.
— J’ai pu avoir Howard, il est un peu inquiet, mais il m’a assuré que ses “collaborateurs” étaient quand même à la hauteur et qu’il n’y aurait plus aucune lacune. Quant à Onassis, on a de la chance, son yacht est au large du Cap... Howard m'a parlé d'une réunion secrète au plus haut niveau, mais il ne m’en a pas dit plus, d’ailleurs ça ne nous regarde pas.
— Et quand repart-on alors ?
— Vers minuit, le temps de tout vérifier.
— Vérifier quoi ?... Tout va bien ! s’exclame Théo.

(chapitre 25, jeudi 13 novembre 2025 “Le Cap”)

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