LE RÊVE
— Vous voyez, j’ai fait un rêve vraiment bizarre l’autre nuit... Je vais vous le raconter : j’étais sur l’eau, je veux dire que je marchais sur l’eau. Puis, je me suis aperçu que ce n’était pas de l’eau, mais du crémant de Bourgogne ! Bon, je me suis dit que j’en goûterais bien un peu, pour voir s’il n’avait pas trop le goût de pied. J’ai donc pris une flûte...
— Pardon, mais v... m’interrompit mon interlocuteur, mais je continuai.
(ici... imaginez un tableau de Francis Picabia — domaine public depuis... 2024)
— C’était une flûte de Pan. Moi qui ne sais pas jouer d’un instrument de musique, j’ai entamé le Concerto pour flûte, harpe et orchestre K.299 du célèbre Wolfgang Amadeus Mozart. Et c’est là que j’ai vu, sur une grande barque, que mon banquier était à la harpe, tandis que l’orchestre, dirigé par un cheval alezan à la chevelure rousse et bouclée, était composé de cafards à taille humaine.
Je me suis alors mis à uriner dans l’eau à travers un ancien Stradivarius original. Cependant, celui-ci n’a pas apprécié que je lui pisse dessus et s’est transformé en préfet de police. J’ai tourné la tête de l’autre côté, car j’avais entendu la voix de...— Non, mais je voul... dit mon auditeur, tentant de m’interrompre, mais je poursuivis.
— ...ma mère, qui me demandait si j’avais rangé ma chambre. Pourtant, je savais bien que j’avais tout bien rangé. L’eau s’est alors vidée dans un bruit de chasse d’eau à travers une bonde au milieu de... ma chambre ! Mais ce n’était pas ma chambre, c’était la Chambre des députés, juste devant la tribune du président de l’Assemblée. Ils étaient en séance, et moi, j’étais tout nu, avec pour seul habit un pagne.
C’est là qu’un chien s’est approché et m’a demandé l’heure. J’ai sorti d’une poche du pagne une montre à gousset, mais les chiffres étaient en chinois. Je lui ai donc donné...
— S’il vous plaît, Mons... tenta-t-on une nouvelle fois de me faire taire, mais je n’en tins pas compte.
— ...Je lui ai donné, disais-je, l’heure chinoise ! Il m’a répondu : « Merci, mais je n’ai pas soif. » Alors, j’ai pris la flûte de Pan remplie de crémant de Bourgogne, et avec tous les députés, nous avons chanté :
« Amis, il faut faire une pause
J'aperçois l'ombre d'un bouchon
Buvons à l'aimable Fanchon
Pour elle, faisons quelque chose
Ah, que son entretien est doux !
Qu'elle a de mérite et de gloire !
Elle aime à rire, elle aime à boire
Elle aime à chanter comme nous »
C’est là que je me suis réveillé. J’étais à mon bureau, et la bouteille de crémant vide est tombée par terre.
J’étais vraiment pas content, il y avait du verre partout ! Alors ? Qu’en dites-vous de mon rêve ?
— Justement... je ne sais pas, mais votre gigot est prêt.
Je me suis soudainement aperçu que j’étais chez mon boucher !