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Billet de blog 28 juin 2025

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Pas de destin, mais ce que nous faisons de nous... ou pas — partie 3 épisode IV

Le monde s'enfonce dans le chaos... mais un espoir existe, un collectif et une IAI.

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PAS DE DESTIN, 
MAIS CE QUE NOUS FAISONS DE NOUS... OU PAS

Troisième partie
Peloor

IV
- Discrétion -


2 décembre 2081. Londres,
Francis Crick Institute.[1]
Malik Hassan, conseiller en Santé globale et risques biologiques au Francis Crick Institute, est impatient. Il tourne en rond dans son labo. Soudainement, il se fige.
— Timothy, des nouvelles de Ingmar Johansen ?
— Non, pas encore, sir.
Quelques instants plus tard, le vieux téléphone fixe du docteur Malik se met à vibrer.
Il se précipite dessus.
— Allô... Ingmar ? Des nouvelles de Birmanie ?
— ...
— C’est bien ce que je m’étais dit. Combien de morts avez-vous constaté à ce jour ?
— ...
— Si peu ?
— ...
— Non, toujours le black-out, aucune communication sur ce fléau. On me l’a bien fait comprendre... si vous voyez ce que je veux dire. Et les informations que j’ai reçues de Paris à la fin du mois d’octobre dernier me disent que j’ai intérêt à rester discret.
— ...
— Oui, je comprends. Écoutez, cher ami, j’essayerai d’en toucher un mot au ministre, je le vois demain.
— ...
— Merci, vous aussi soyez prudent.
*
4 décembre 2081.
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière-Bricaire.
“Renowned health crisis advisor found dead : Dr Malik Hassan’s body discovered beneath Vauxhall bridge”, titre The Times de ce matin-là.
— Jean-Jacques, tu as vu le titre du Times, ce matin ?
— Non. Qu’y a-t-il encore ? Le roi des rosbifs a encore fait des siennes à Ibiza ?
— Non, non... pire. Le corps du Dr Malik Hassan a été retrouvé sous le pont de Vauxhall, pendu ! Soi-disant victime d’un probable suicide !
— C’est ça, c’est ça... et ma grand-mère fait du vélo d’appartement au Kremlin. C’est complètement impossible, catholique comme il l’était... le suicide n’est même pas envisageable.
— Tiens, regarde... et ça c’est une photo !
Jean-Jacques Montsouris, docteur spécialisé en exomédecine pour la Nouvelle Agence Spatiale[2], est pratiquement tétanisé en voyant la photo de son confrère et ami, la corde encore au cou, sur ce cliché pris en gros plan.
— Louis-Henri, tu sais sur quoi il travaillait ?
— Sur le Node[3], on parlait de faits étranges et inquiétants au Guatemala, en Ukraine et en Birmanie.
— Vraiment ? Et il existe toujours ce vieux groupe... depuis 2025, c’est ça ?
— Eh oui... et tu vois, je crois qu’il est toujours utile !
*
Dans la nuit parisienne, londonienne, berlinoise, la soirée new-yorkaise ou la matinée tokyoïte, des doigts enfiévrés tapotent sur de vieux téléphones, que même les services gouvernementaux de surveillance ont pensé qu’ils n’existaient plus.
“J’y crois pas à ce suicide.”
“Moi non plus.”
“J’ai une femme qui a réussi à s’exfiltrer de Puerto Barrios.”
“Oh ! C’est vrai ?”
“Absolument, je vais la revoir demain.”
“On peut te rejoindre ?”
“Pourquoi pas, ça serait une bonne manière de remettre sur pied quelque chose de mieux que ce machin impotent de CST.”[4]
*
6 décembre 2081. Berlin,
Universitätsmedizin Berlin.
Quelques hommes, d’un certain âge, sont réunis dans la seconde salle d’un café associatif de la mouvance Die Rückstörer[5]. Ils discutent sans trop élever la voix, en regardant par-dessus leurs épaules.
— Alors, qu’a-t-elle dit cette personne que tu as vue... celle qui est revenue du Guatemala ?
— J’ai eu de la chance, en fait, il paraît qu’elle est morte, écrasée par un piano à queue qui passait par là, sur le chemin de notre rendez-vous à la station de métro de l’Alexanderplatz.
La douzaine d’hommes regardent effarés leur confrère. Une sensation de peur s’infiltre dans cette salle, soudainement silencieuse.
Quelques minutes plus tard, alors que les respirations reprennent un rythme normal, l’un d’eux, le professeur Jean-Jacques Montsouris, reprend la parole, sotto voce.
— Elle n’avait pas ton adresse sur elle ? Et tu es sûr de ne pas être sur écoute ? Rassure-nous, parce qu’après les affaires Libois et Hassan... les gens tels que nous tombent comme à Gravelotte.
— Aucun souci, mon ami. J’ai appris, durant mes années de médecine de guerre, notamment durant la guerre anglo-écossaise, de ne jamais communiquer de choses importantes que par notre groupe survivant d’une autre époque.
Un autre, le docteur Emílio das Corvéas, consultant principal en immunodysfonction post-infectieuse à l’Hospital de Santa Maria, à Lisbonne, intervient.
— Pourquoi as-tu dit “J’ai eu de la chance” ?
— Ah ! Une question qu’il fallait que ce soit toi qui la poses, cher ancien et respecté directeur général de l’OMS. Quand des hommes en tenue NRBCEMT[6] sont arrivés, des gens ont vu de loin, le visage de cette femme... bleu !


[1] Inauguré en 2016, ce Centre, mondialement reconnu en recherches biomédicales à Londres est spécialisé dans l’étude des maladies infectieuses, des pathologies émergentes et des risques biologiques globaux.
[2] Cette agence a été inaugurée, en 2036 après la fin de l’Union européenne.
[3] Groupe de discussion numérique crypté pour les universitaires, depuis la “Crise intellectuelle Trump”, sur le toujours évolutif “Signal”.
[4] Consortium Sanitaire Transnational qui remplace l’OMS depuis la fin de l’ONU.
[5] “Les détraqueurs du retour”, créé dans les années 2040, issu de la mémoire de la Bande à Baader, des écolos radicaux et de certains groupes LGBTQIAP+ de type “guérilla sociale”.
[6] Tenue de protection Nucléaire, Radiologique, Biologique, Chimique, Électromagnétique, Technologique.

(partie 3 épisode 5, samedi 28 juin 2025)

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