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Billet de blog 7 juillet 2009

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Neverland, j'ai vu, j'ai fui !

Neverland a failli disparaître, sauvé de justesse des mains des créanciers par un fond d’investissement privé, ses meubles récupérés in extremis avant une vente aux enchères. Michael Jackson n’y vivait plus depuis 2006 et ne pouvait plus payer les frais d’entretien pharaoniques.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Neverland a failli disparaître, sauvé de justesse des mains des créanciers par un fond d’investissement privé, ses meubles récupérés in extremis avant une vente aux enchères. Michael Jackson n’y vivait plus depuis 2006 et ne pouvait plus payer les frais d’entretien pharaoniques.

Mais il n’arrivait pas à renoncer à ce ranch de 11 km2 acheté en 1988 dans les collines californiennes, au nord de Santa Barbara. Et pas seulement parce qu’il y avait créé un univers parallèle où il rêvait, comme Peter Pan, de ne vieillir jamais. Mais, aussi, parce qu’il en avait fait une sorte de mausolée à sa propre gloire.

Comme s’il avait eu en tête de laisser derrière lui un lieu de pèlerinage prêt à visiter. Il faut être entré à Neverland pour réaliser que tout ce que l’on a écrit sur sa fascination pour le monde de l’enfance n’était qu’une des facettes du lieu. Le grand portail doré qui s’ouvrait comme par magie, la musique émanant des arbres, les statues d’enfants partout, le petit train, la salle remplie de jeux d’arcades… Tout cela est vrai. Mais on sait moins que Michael Jackson vivait entouré de tableaux le représentant, comme dans un Louvre dont toutes les peintures n’auraient eu pour unique sujet que lui-même.

J’ai eu cette rare opportunité en 2005, à la fin de son procès pour pédophilie, quand un soir, de retour du tribunal, Michael Jackson a ouvert les portes à une poignée de fans, avec lesquels je venais de passer les derniers jours pour un reportage dans Elle. Après avoir signé une clause de confidentialité, nous avons tous été stupéfaits de ne pas être dirigés vers le parc d’attraction et ses auto-tamponneuses, mais vers la maison à colombages dans le style Tudor. Et d’être accueillis sur le perron par MJ himself.

Dans le hall , il a serré la main de chacun, visiblement éprouvé par le procès. Main squelettique, regard distrait. Car juste à côté de lui, autre surprise, se tenaient ses enfants, sur la défensive face à ces étrangers envahissants leur monde de reclus. Vision étrange que ces trois enfants blancs semblant sortir d’une autre époque : Prince, 9 ans, les cheveux teints en blond depuis son tout jeune âge, habillé en petit Lord anglais, Paris, 8 ans, vêtue d’une robe de petite fille sage, et Blanket, 3 ans, la peau plus mat et les cheveux très noirs, réfugié dans les bras d’une gouvernante qui les fit vite disparaître tous les trois.

Sur les murs, comme dans le séjour, vrai capharnaüm de fausses antiquités et vraies photos souvenirs (de Liz Taylor notamment), trônaient d’immenses tableaux du maître des lieux : Michael en roi renaissance tenant sa couronne, Michael avec un manteau d’hermine, Michael en blouson rouge de Thriller entouré d’enfants dans un paysage bucolique, Michael en sauveur christique menant les enfants du monde… Autant de miroirs renvoyant une image kaléidoscopique au gré de ses transformations physiques. Mégalo et narcissique au plus haut degré, le Roi de la pop était obsédé par son image et les signes de royauté : les blasons, les armures, les trônes, jusqu’à une maquette de château qui occupait un quart du séjour, le tout aussi kitch que dans un hôtel de Las Vegas. Mais en beaucoup plus oppressant. Quand, en repartant, j’ai aperçu derrière une fenêtre, Prince et Paris, faire au revoir de la main avec la lenteur d’automates, je n’ai eu qu’une envie : quitter Neverland.

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