Voici le 2nd de mes 3 articles sur la Révolution Espagnole :
…Ce refus du pouvoir va poser problème à plusieurs titres, à commencer par la gestion de la guerre (et plus généralement de l’armement des ouvriers).
La 1ère contradiction se situe dans le jeu de dupes qui se met en place entre le sacrifice au front de milliers d’ouvriers que l’on envoie mourrir face au troupes franquistes et la reconstruction progressive d’un appareil d’Etat Bourgeois. Les organisations ouvrières se retrouvent à devoir lutter sur 2 fronts : contre Franco sur les champs de batailles et contre le gouvernement qui tente de se reconstruire en reprenant par la force des territoires aux ouvriers ! (« On peut reconstruire un appareil d’Etat Bourgeois parfois avec 3 fois rien au départ »)
Ici, l’immobilisme des révolutionnaires et la difficulté dans laquelle il s’enfonce peuvent s’expliquer par contradiction insoluble dans laquelle les dirigeants de la CNT et du POUM sont pris. Ils refusaient de prendre le pouvoir, se retrouve à participer au gouvernement bourgeois et par conséquent lutte contre leur propre militant (et contre la classe ouvrière).
Ils se retrouvent dans une impasse : « car même ministres, ils ne contrôlent pas grand chose, mais ils se sentent obligés de justifier la politique du gouvernement et font pression sur leurs propres camarades dans le sens du compromis. »
Cette reconstruction progressive de l’Etat est amplifiée par 2 phénomènes conjoints : les défaites militaires qui s’enchaînent (dû a un manque d’armement faute d’une industrie performante et d’organisation structuré qui rend dépendant les révolutionnaires de l’URSS et qui a pour conséquence le dessein de la restauration de l’Etat contre la division (Démocratie contre Fascisme, plutôt que Prolétaire contre Bourgeoisie), ainsi que l’intervention massive de l’URSS (qui joue de sa puissance militaire et de prestige de la révolution russe pour entraîner activement et consciemment la révolution vers la défaite))
Une Séquence déterminante, la crise de mai 1937 à Barcelone
Une petite sélection d’événements significatifs qui ont précédés cette crise :
Novembre 1936, dissolution de toutes les milices à l’arrière (un décret de Madrid approuvé par la CNT)
Décembre 1936, le POUM renvoyé du gouvernement catalan (mais ne cesse de réclamer son retour au lieu de prendre la tête de la résistance)
Avril 1937, les premiers affrontements violents pour désarmer les milices (d’abord aux frontières) Dernière Événement notable :
Le 3 mai le gouvernement tente de s’emparer du central téléphonique aux mains des employés et gardés par la CNT. Grèves et barricades partout, une véritable insurrection partie à la base. Le gouvernement depuis Valence envoie 5 000 hommes supplémentaires mais Garcia Oliver et Federica Montseny prêchent le retour au calme !
Le 7 mai la révolution est vaincue. Le POUM n’a pas osé prendre la tête de l’insurrection.
Après, tout va très vite : En juin, Caballero est remplacé par Negrin. Les anarchistes sont démissionnés du gouvernement en Catalogne et à Madrid. La République n’a plus besoin d’eux. La répression à une grande échelle commence immédiatement : mise en place de la SIM (service d’enquêtes militaires) voulu par le gouvernement et entièrement contrôlé par le GPU. Des milliers de militants arrêtés et torturés, des dizaines de prison secrètes. D’abord le POUM. Puis la CNT mise hors la loi, ses locaux saccagés etc
La République bourgeoise révèle sa nature profonde : maintenant que l’Etat a pu être reconstruit (il a quand même fallu dix mois pour y arriver), la République utilise des moyens de terreur qui n’ont rien à envier à ceux utilisés par les fascistes.
C’est aussi une étape essentielle dans la formation du stalinisme. Car le phénomène stalinien ne s’est pas constitué d’un seul coup. Les staliniens ont eu évidemment une responsabilité écrasante dans la défaite du prolétariat en 1927 en Chine, et en 1933 en Allemagne. Mais c’était avant tout le résultat d’une politique d’aventuriers qui n’ont plus comme préoccupation première la victoire du prolétariat. En Espagne en 1936, Staline cherche consciemment à écraser la révolution espagnole. Comme le réformisme de la social-démocratie en 1919 en Allemagne, le réformisme stalinien en Espagne bascule du côté de l’ordre bourgeois.
Car c’est bien une contre révolution qui commence, politique et sociale. La lutte contre la collectivisation devient systématique dans les villes et les campagnes (notamment la décollectivisation des terres en Aragon). Le gouvernement interdira par décret l'émission de billets ou de monnaie par les comités, les mairies, les corporations, etc. En même temps, les grands propriétaires dont les terres avaient été collectivisées sont réintégrés dans leurs anciens droits. Les restes de la collectivisation sont progressivement détruits au cours de l'année 1938. Ce qui n’empêche pas les défaites militaires de continuer à s’accumuler. Désormais c’est une guerre classique. A ce jeu Franco soutenu par Hitler et Mussolini est le plus fort. Le camp de la révolution est désarmé et du côté républicain l’enthousiasme a disparu.
En janvier 1939, Barcelone est prise sans combat par les troupes de Franco. Symptomatique aussi la fin du gouvernement républicain : Négrin est renversé le 5 mars par un coup d’état militaire qui négocie en vain avec Franco. Mais du côté de Franco, pourquoi négocier avec un gouvernement qui n’est pas seulement battu militairement mais qui ne représente plus rien politiquement ? Le 28 mars 1939, Franco entre à Madrid. Son gouvernement reconnu déjà un mois avant par la France qui envoie un premier ambassadeur : Pétain.
Rendez-vous Mardi 13 Juin pour le dernier article sur ce sujet !