Nicolas Sarkozy, l’homme pressé qui voulait être plus rapide que son ombre, a fini par trébucher sur ses propres lacets : il a voulu tellement effacer Kadhafi du paysage que, paradoxalement, il l’a gravé dans l’histoire judiciaire française à coups d’assignations, d’interrogatoires et d’inculpations en cascade.
Car oui, rappelons-le, l’affaire Sarkozy-Kadhafi n’est pas tombée du ciel comme une météorite libyenne. Elle est l’enfant adultérin d’une France qui aime à jouer les pompiers pyromanes. On finance dans l’ombre, on pactise avec les autocrates, on signe les contrats, et le jour où l’addition arrive, hop, on sort l’aviation et on joue au grand libérateur des peuples. Kadhafi, ce dictateur fantasque qui aimait poser sa tente sur les pelouses de l’Élysée, avait sans doute cru qu’il achetait une forme d’assurance-vie en glissant quelques mallettes dans la campagne de Sarkozy pour huiler la machine électorale. Mais il a oublié une chose : en France, rien ne dure plus de cinq ans, surtout pas les promesses d’un président. Sarkozy a dû se dire, dans son grand pragmatisme : « Quoi de mieux, pour enterrer l’affaire, que d’enterrer celui qui pourrait parler ? » L’ennui, c’est qu’en enterrant Kadhafi sous des tonnes de bombes françaises, on a surtout exhumé la vérité : oui, il y avait bien eu des valises, oui, il y avait bien eu des deals, et non, la France n’était pas ce chevalier blanc de la démocratie qu’elle prétendait être. Moralité : à trop vouloir maquiller les comptes de campagne à coups de Rafale, on finit au tribunal avec un bracelet électronique en guise de Légion d’honneur.
Et puis, au fond, cette histoire n’est qu’un chapitre parmi d’autres du grand roman noir de la Françafrique. Car ce qu’on ne saura jamais, ou plutôt ce qu’on saura toujours trop tard, sur les agissements de la France en Afrique est forcément accablant. Derrière les discours enrubannés sur la liberté, l’égalité et la fraternité, il y a ces contrats d’uranium au Niger, ces bases militaires, ces présidents africains qu’on félicite le jour de leur réélection truquée et qu’on abandonne le lendemain quand ils ne servent plus.
La France, patrie de Voltaire, se comporte dans certaines régions du monde comme une brute épaisse qui cogne d’abord et discute ensuite. Mais comme elle a inventé la Déclaration des droits de l’homme, elle bénéficie d’une sorte de blanc-seing moral. Comme si les siècles de philosophie et de littérature pouvaient absoudre les Rafale qui larguent des bombes sur des mariages - affaire du Mali - ou les manœuvres louches de campagnes électorales financées par des dictateurs. C’est un peu comme si on pardonnait à un tueur en série parce qu’il lit Proust : charmant sur le papier, mais terrifiant dans la réalité.
Par :Ismail Zanoune.