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Billet de blog 3 octobre 2025

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Maroc-France : liaisons dangereuses et micros coupés

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Imaginez la scène : au siège de France Télévisions, un journaliste junior lève timidement la main :

— Chef, il y a des vidéos qui circulent, on voit des foules immenses à Rabat, à Casablanca, des heurts, des blessés… On en parle ?

Le rédacteur en chef, lunettes rectangulaires, tasse de café fumante, hausse un sourcil :

— Maroc, dites-vous ? (Il feuillette son agenda invisible.) Non, non, le Maroc, c’est “tourisme exotique, soleil garanti, et reportage sur la pastilla royale”. Les manifestations ? Classées “non diffusables”. Prochain sujet !

— Mais chef, il y a quand même des morts…

— Oui, oui, mais pas assez glamour. On garde ça pour les notes de bas de page, rubrique “faits divers” entre une grève SNCF et une météo capricieuse.

Le junior baisse les yeux. La télécommande magique a encore frappé : bouton Mute sur tout ce qui dérange le pouvoir français.


Le Maroc est en ébullition, ses places se transforment en théâtres populaires, ses boulevards en veines battantes d’un peuple qui réclame quelque chose – liberté, dignité, peut-être juste une pause café sans monarchie au-dessus de la tasse, qui sait ?

Mais ce bruit, aussi tonitruant soit-il, s’arrête à la frontière invisible d’une salle de rédaction parisienne. Là, miracle acoustique : les micros de France 24, de CNews, de France 2 deviennent soudainement sourds. Pas un mot, pas même un soupir journalistique. 

Surtout France 24 ! Cette chaîne internationale qui promet de “couvrir le monde”. Couvrir, oui, mais au sens littéral : un grand drap bien épais posé sur les images du Maroc, histoire qu’on ne voie rien.

Et pendant ce temps, chez CNews, on adore crier, hurler et s’indigner. On fait des débats de trois heures sur un scooter volé à Marseille, mais pour des milliers de Marocains descendus dans la rue, silence radio. Pas un bandeau rouge, pas une “ÉDITION SPÉCIALE” tonitruante.

Peut-être qu’ils attendent que les manifestants scandent “Zemmour président” pour s’y intéresser ? Ou alors que quelqu’un jette une poubelle aux couleurs de la France ? Sans ça, inutile d’espérer.

Et France 2 ? Ah, l’élégance de l’ellipse journalistique:

— Et maintenant, un reportage au Maroc…

Suspense dans les salons français : enfin, on va voir !

Eh bien non. Sujet du jour : “Les secrets des tapis traditionnels du Moyen Atlas”. Gros plan sur un artisan qui tisse, musique douce, commentaire apaisant. On entendrait presque le son des slogans dehors, mais chut, le micro est soigneusement coupé.

Le pacte franco-marocain : chuchotements au sommet.

Pourquoi ce silence obstiné ? Parce que derrière la vitre, il y a une main invisible. Une main française posée sur l’épaule du Maroc, douce mais ferme. Une main qui murmure : Toi, mon cher royaume, tu es mon ami. Tu achètes mes avions et mes trains. En échange, je te donne un label “stabilité politique garantie” et je demande à mes médias de se taire quand ça chauffe chez toi.

Le peuple contre le décor:

Car le vrai drame est là : le peuple marocain ne fait pas partie du décor médiatique français. Il dérange la belle image d’un royaume stable, partenaire fidèle, carte postale rassurante. Alors, on l’efface. On l’éteint. On le recouvre de tapisseries folkloriques.

Mais le peuple n’est pas un décor. Les vidéos circulent, les témoignages passent et les réseaux sociaux grondent. Et la France opte pour un silence qui hurle :

Par: Ismail Zanoune.

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