Depuis sa retraite, il est là, quelque part entre Twitter et CNews. Il s’est reconverti en grand mufti du ressentiment post-colonial, activiste de clavier, militant d’un camp de base situé entre Neuilly et la mauvaise foi.
Il hante les plateaux comme un fantôme en quête de projecteurs. Dès qu’un présentateur lance un débat du style « L’Algérie : chaos ou méga-chaos ? », Xavier surgit, tel un ninja en costume-cravate. « L’Algérie ? Un labyrinthe sans issue ! », clame-t-il, le regard fiévreux.
Mais le vrai Colisée de notre héros, c’est Twitter, l’arène où il se rêve en gladiateur du retweet. Là, Xavier déploie une frénésie digne d’un hamster dopé. Chaque post anti-algérien, même le plus farfelu, est repêché avec l’enthousiasme d’un collectionneur de coquillages. Amirdz, le légendaire camelot des sextapes, tweete une ânerie ? Retweet ! Aïnouche, le caricaturiste dont les dessins font regretter l’invention du papier, pond un gribouillage ? Retweet ! décrète-t-il, ébloui par ce qu’il prend pour de l’art, mais qui ressemble à un accident de feutre.
Et puis, il y a l’affaire Boualem Sansal, l’écrivain emprisonné, que Xavier a transformé en étendard de sa croisade. Non pas par amour de la littérature – soyons sérieux, il préfère les tweets aux romans – mais parce que chaque polémique est une nouvelle flèche à son arc de justicier autoproclamé. Depuis, il tweete comme un possédé, multipliant les attaques contre l’Algérie avec la ferveur d’un influenceur en quête de likes. « L’Algérie réprime ! », hurle-t-il dans le vide numérique, oubliant que ses « sources » préférées incluent un vendeur de sextapes et Plantu, l'autre caricaturiste, dont le seul talent est de faire regretter à tout le monde l’invention du crayon - il rate même ses bonhommes en bâton.
Le matin, peignoir noué, café tiède à la main, rafraîchissant son fil Twitter toutes les cinq minutes pour voir si Amirdz a balancé un nouveau montage vidéo avec une voix trafiquée et une insulte mal orthographiée.
Le soir, il scrolle, solitaire et déterminé, pour trouver la moindre info qui critique l’Algérie, quitte à se baser sur un compte anonyme dont l’avatar est un coq photoshopé.
L’ex-ambassadeur de France, jadis incarnation du raffinement républicain, du tact, retweete aujourd’hui des énergumènes. Oui, la chute est verticale. Mais il sait tirer profit de la situation. Dès qu’un plateau français a besoin de dézinguer l’Algérie entre deux pubs pour paris sportifs, Xavier arrive, sourire pincé, regard de curé outragé. Il ajuste sa chemise, parle d’un ton grave, et commence à réciter ses psaumes préférés :
— “L’Algérie va mal.”
— “Les jeunes veulent tous partir.”
— “J’ai vu ça de mes yeux, en 2007, dans un salon de thé.”
Mais en réalité, Xavier ne veut pas sauver l’Algérie. Il veut qu’elle échoue, pour pouvoir dire "je vous l’avais dit" avec une petite larme de fierté au coin de l’œil. Il ne rêve pas d’une Algérie meilleure, il rêve d’une Algérie ratée, pour que son livre en solde ait l’air d’une prophétie.
Depuis que Boualem Sansal a été incarcéré, Xavier est en mode turbo. Il sort les grandes phrases :
— “C’est la fin de la liberté !”
— “C’est un crime contre la pensée !”
— “Je suis Sansal !”
Mais attention : il n’aime pas Boualem parce qu'il est écrivain. Il l’aime parce qu’il déteste l’Algérie. C’est une passion tordue, une bromance du chaos.
Et juste avant de dormir, Xavier refait le monde avec son chat (nommé "Bugeaud", probablement). Il dit à haute voix :
— “Je te l’avais dit ! L’Algérie va tomber ! Elle est en train de tomber !”
Mais elle ne tombe pas. Elle reste là, tranquillement, entre deux coupures d’eau, à ne pas lire son livre.