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Billet de blog 24 avril 2025

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L’honneur des Sahaba n’a pas besoin de menottes

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Le ministre de la justice vient de décider que l’honneur des Sahaba nécessite une muraille de cinq ans. Cinq ans de béton, de silence, de repas tièdes servis dans des gamelles en fer-blanc, pour un mot de travers, une plaisanterie maladroite, un haussement d’épaule jugé trop insolent face à un rituel dont les gestes, répétés mille fois, avaient fini par user le sens, un geste trop libre face à un culte que l’habitude a rendu mécanique. Et pourtant, l’Algérie n’est pas ce pays-là. Elle n’a jamais eu besoin de fouiller les consciences pour tenir debout. Les Sahaba, dans leur gloire lointaine, n’avaient pas réclamé cette protection tardive. Ils avaient marché dans le désert, combattu sous un soleil qui ne pardonnait pas, et leur légende s’était bâtie sans l’aide d’un ministre en cravate. Ils n’ont pas réclamé qu’on les protège par des grilles et des serrures. Une loi incohérente.  Punir pour un passé qui ne mendie pas justice, dans un lieu qui ne connaît pas ce duel. Châtier au nom d’un hier qui ne quémande pas de revanche, sur ce sol qui n’a pas engagé ce combat.  Et Dieu ? Lui, l’Infini,  trône bien au-dessus des plaidoiries humaines, sourd aux zélateurs qui agitent des chaînes en Son nom. Ces zélateurs scandent que Dieu réclame des gardiens, eux, les élus, les purs, qui savent mieux que le Ciel ce qu’Il veut. Leur ferveur pue l’orgueil, ce besoin de se dresser en rempart d’un Tout-Puissant qui n’a jamais sollicité leurs bras. Leur zèle sent la suffisance, cette prétention à porter un étendard que l’Éternel n’a pas tissé. Cinq appels divins rythment la foi, cinq ans de fer rythment l’absurde d’une loi. Le peuple a applaudi, et des voix timides ça et là, ont émis quelques réserves. Le ministre, lui, ne bronche pas. Assis dans son bureau à  feuilleter des dossiers comme on consulte un oracle. Sa décision, dit-on, vient d’une nécessité profonde, d’un besoin de poser un rempart contre l’invisible. Mais l’invisible, en Algérie, est toujours une affaire personnelle : un djinn dans un coin de la maison, une vieille superstition murmurée par une grand-mère, un mauvais œil qu’on chasse avec du sel. Jamais il ne requiert l’intervention d’un code pénal. Pourtant, voilà que le droit, ce monstre froid aux articles numérotés, s’invite dans une querelle qui n’est pas la nôtre, importée comme un fruit hors saison, acide et hors de propos. Les juristes, ces scribes modernes aux lunettes épaisses, tentent d’expliquer. La loi, disent-ils, doit être claire, précise, un miroir de la société qu’elle régit. Mais celle-ci ressemble plutôt à un mirage : on y voit des formes, des promesses de justice, puis tout s’évanouit dans le flou des intentions. Offenser les Sahaba ? Qu’entend-on par là ? Un mot, une caricature, un silence trop appuyé ? Et les rituels, qui décide de leur outrage ? Le juge, cet homme en robe noire qui sue sous son col amidonné, doit-il scruter les âmes, peser les cœurs, devenir à la fois magistrat et devin ? L’extravagance s’installe, confortable, comme un chat sur un tapis usé.

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