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Billet de blog 24 avril 2025

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Le soupçon d’un sourire efféminé : pendaison préventive

L’homosexualité en Algérie est perçue comme une menace, punie avec une violence presque unanime. Derrière cette obsession punitive se cache moins une peur du sexe que celle de la liberté et de la différence. Cette cruauté collective révèle un malaise plus profond : l’incapacité à accepter la complexité du monde et à vivre avec ceux qui sortent du moule.

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L’homosexualité, hissée au rang de péché galactique, déchaîne des tirades dignes d’un Molière sous amphétamines.

Mais en réalité, les Algériens doivent ouvrir une conversation lucide sur la protection des homosexuels. Pas pour céder aux sirènes d’une propagande ultra-gauchiste, ni pour s’enliser dans les étendards arc-en-ciel d’un militantisme importé avec ses slogans et son mépris des réalités locales.

Non, pour protéger des vies sans faire de l’homosexualité une cause à promouvoir, car, l'Algérie est un pays où même les couples hétérosexuels peinent à respirer sous le poids des crises, les regards qui scrutent et les langues qui jugent.

Protéger les homosexuels ne signifie pas apposer des drapeaux multicolores sur les minarets ou transformer les souks en scènes de parades. Il s’agit de reconnaître que nul ne mérite la violence, la prison ou l’exil pour un amour différent, sans pour autant ériger cet amour en étendard. 

Protéger, en revanche, est une question de dignité. Il ne s’agit pas de chanter les louanges de l’homosexualité, mais de dire : un citoyen, quel qu’il soit, ne doit pas vivre dans la peur d’un lynchage ou d’une cellule. Pour aller vers une Algérie où l’on parle de droits sans ignorer les devoirs, de tolérance sans renier les croyances

Mais d’où jaillit cette obsession pour punir l’homosexualité d’une sentence aussi radicale ? Cette obsession macabre où l’échafaud s’érige en réponse à la différence, où la guillotine prétend régler ce que le désir complique ? En réalité, ce qui dérange, ce n’est pas la sexualité. C’est la liberté. L’homosexuel fait peur parce qu’il échappe à la norme, au moule, au contrôle. Il vit autrement. Il aime différemment. Il ne suit pas le scénario écrit à la naissance. Il devient, sans le vouloir, une insulte vivante au conformisme général. Alors on le hait. On veut le punir pour sa liberté. On veut le corriger pour son bonheur. On veut l’effacer pour que tout redevienne simple.
 
Ce qui sidère, dans ce théâtre de la cruauté, c’est l’unanimité du châtiment. L’homosexualité, érigée en péché suprême, déclenche des tirades dignes d’un mélodrame suranné.  Partout, la même sentence, scandée comme un refrain de raï mal inspiré. 

La lame, dans sa froideur, offre une solution illusoire : trancher pour ne plus penser, punir pour ne plus douter. C’est là que la comédie devient acide : dans ce réflexe de détruire ce qui dérange, au lieu de l’interroger, de le comprendre. Des solutions? Non, trop compliqué. On préfère fantasmer sur des guillotines décorées de zellige, des cordes parfumées à l’eau de fleur d’oranger, et des pancartes clamant : «  Vive la norme ! »

L’homosexualité obsède. Elle revient  comme un fantôme que l’on veut chasser à coups de pierres. Tuer. La solution est toujours la même, mécanique, réconfortante face à cette peur d'un autre qui désire différemment. 

Cette peur prend la forme d’un besoin frénétique de punir, de corriger, de purifier. La rumeur d’une homosexualité suffit à déclencher des fantasmes de pendaison, de lapidation, de lynchage. L’homosexuel n’est pas un citoyen, pas un voisin. C’est une anomalie, un poison, une tache qu’on veut effacer avec du sang

Une peur transmise aux enfants dès un bas âge. Dans les classes, les enfants apprennent très vite. Ils n’ont pas encore compris l’algèbre, mais ils savent déjà que pédé est une insulte. Ils la répètent, la mâchent, la distribuent comme un bonbon amer. Ils apprennent que l’homosexuel ne doit pas vivre. Qu’il ne mérite pas de respect. Pas de vie. À dix ans, ils savent déjà condamner à mort.

Alors, le peuple continue de réclamer la peine de mort. Pour se rassurer. Pour se nettoyer. Pour se persuader que tout va bien. Qu’il est pur. Fort. Viril. Droit.

Et au fond, cette obsession pour la guillotine n’est-elle pas le symptôme d’un malaise plus vaste ? Un peuple qui crie « À mort ! » face à un amour différent hurle peut-être son propre désarroi, son incapacité à embrasser la complexité du monde.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.