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Billet de blog 24 avril 2025

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Palestine, l'excuse parfaite pour tout mélanger

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« Dehors l’ambassade des États-Unis ! » hurlent-ils, poings levés, visages crispés, certains avec cet air convaincu qu’on réserve aux grandes causes. La cause, au départ, semble claire : Gaza. Une solidarité brûlante, des cœurs qui battent pour une terre lointaine, des drapeaux palestiniens qui flottent fièrement. Mais très vite, ça dérape, comme une voiture sur une flaque d’huile.  « À bas l’Amérique ! » clame un barbu en keffieh, qui montre un immeuble quelconque, probablement,  le siège de A D L  mais l’Amérique est partout, donc pourquoi pas ici. Dans la foulée, il ajoute : « Sissi, ce traître ! »
Qu’a-t-il fait, au juste ? Personne ne le précise. On insulte, c’est tout. Ça soulage. Manifester, ici, c’est un art mal maîtrisé. Ils ont vu trop de vidéos sur Internet.  Les théories farfelues s’invitent, les slogans s’égarent, et la colère, sincère au départ, se dilue dans un grand n’importe quoi. Le Hamas devient un héros, un David contre Goliath, sans jamais interroger ses choix, ses erreurs, sa brutalité. Toute critique devient trahison. Toute nuance, suspecte. La foule préfère les certitudes faciles aux questions difficiles. Elle veut vibrer, pas réfléchir. Un policier, adossé à un mur, bâille en regardant l’heure. Il sait que ça finira comme d’habitude : la foule se dispersera, fatiguée, sans avoir rien changé. L’élan est là, l’envie de crier est là, mais la direction, elle, s’est perdue quelque part entre deux slogans.  Du vacarme pour se sentir vivant, pour se sentir utile, pour crier contre le vent et espérer que le vent réponde. « Palestine libre, à bas le régime marocain ! » Personne ne comprend, mais tout le monde applaudit. Et pourtant, il y a de la sincérité. Une sincérité brute, enfantine, qui veut bien faire mais qui frappe à côté. Qui vise le tambour et casse le violon. Qui croit que crier plus fort, c’est comprendre mieux. Ils croient manifester pour la Palestine. Ils manifestent contre leur impuissance. Ils hurlent contre des murs parce qu’ils n’ont plus de fenêtres. Ils s’inventent des combats comme d’autres s’inventent des vies. La cause est noble. Le décor est grotesque. La rage est sincère. Le discours est creux. Et pendant ce temps, la Russie est applaudie. Ovationnée, même. Comme une icône de la résistance. Moscou, nouvel eldorado des rêveurs autoritaires. La Russie, celle qui a bombardé des hôpitaux en Syrie, qui bâillonne la presse, qui envoie ses jeunes mourir pour un empire révolu… peu importe. Elle dit un mot contre Israël, ou même pas, et toute l'Algérie lui tresse une couronne de lauriers. La logique politique est troquée contre une émotion de comptoir. Et on oublie que soutenir la Russie, c’est danser avec un tigre, les yeux fermés, sur une corde tendue entre deux catastrophes. Mais l’Amérique, elle, reste le grand Satan. Trop grande, trop riche, trop réelle. On l’insulte avec ardeur, sans jamais mesurer le coût. Pas un mot sur le fait que l’économie algérienne dépend, directement ou indirectement, de cette même Amérique haïe.  Soutenir la Palestine, oui. Mais à quel prix ? Et avec quels alliés ? Manifester sans discernement, c’est crier dans une bouteille vide. Insulter les États-Unis, de façon concrète, c'est hypothéquer l’avenir pour un slogan. C’est croire qu’on peut affronter un empire en claquettes, avec pour seule arme une indignation numérique. Il faudrait se regarder en face. Réaliser que l’avenir de l’Algérie ne se joue pas à Rafah. Que la dignité ne se construit pas en applaudissant les dictatures étrangères. Et que pour vraiment aider la Palestine, il faut d’abord se libérer de ses illusions.
La ferveur, si elle est myope, peut coûter cher. Il faudrait commencer par comprendre. Par lire. Par écouter. Par désapprendre la géopolitique des réseaux sociaux. Par accepter que la solidarité ne doit pas tuer la stratégie. Que la Palestine mérite mieux que des pancartes.

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