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Billet de blog 11 septembre 2012

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The We and the I : un flow de jeunesse

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Le premier mot qui vient à l’esprit à l’issue de la projection du dernier film de Michel Gondry, The We and the I, c’est le mot flow. Ça tombe bien, le terme vient du rap américain, la musique qui emplit jusqu’à l’écoeurement les cœurs et les esprits des héros du film (et donc sa BO), des gamins du Bronx coincés dans le bus qui les ramène chez eux le dernier jour de l’année scolaire. Surexcitée jusqu’à la cruauté, cette micro-société nous émeut, nous agace, nous amuse, et nous interpelle.

Du cinéma-vérité et du burlesque

On pouvait craindre le mauvais remake du subtil Entre les murs de Laurent Cantet, puisque Michel Gondry a travaillé durant 3 années avec des adolescents du Bronx, et qu’ils jouent leur rôle, enfin pas tout à fait, et c’est évidemment dans ce « pas tout à fait » que se niche la vérité de ce para-documentaire. The We and the I est autant le film d’une expérience que l’expérience d’un film. Mais ici, pas de professeur désillusionné, les quelques adultes qui émaillent le film paraissant lointains, effacés, moins désabusés que pris dans les mailles de leurs propres vies. Ils n'apparaissent que comme un décor, incapables d'être des garde-fous pour les adolescents qu'ils laissent s'insulter les uns les autres sans intervenir. Deux adultes font (tristement) exception : la conductrice du bus, qui ne voit d’autre avenir pour l’une de ces jeunes que l’armée, et une grand-mère raciste qui traite 3 garçons noirs de singes dans une séquence de pur comique chaplinesque.

Le bus qui n’arrivait jamais…

Dans cet espace-temps étroit, la caméra de Gondry se montre virtuose, parvenant à insuffler du mouvement et de la vie au sein d’un unique décor. Un bus plus métaphorique que réel qui semble ne jamais parvenir à son terminus, et qui d’ailleurs n’y arrive vraiment jamais, puisque le dernier plan nous laisse à un arrêt en compagnie de deux personnages, le véhicule repartant dans les lueurs d’un crépuscule urbain incertain. Au cours du voyage, divisé en trois parties (« les tyrans », « le chaos » et « le je »), on craint un moment que la violence ne dégénère entre les jeunes gens et que le film ne soit que ça, l’émulation d’un groupe d’adolescents le dernier jour de l’année scolaire. Mais Gondry nous raconte une autre histoire, celle du groupe qui déploie et fait se recroqueviller dans le même temps les identités de chacun. Quelle est mon identité propre ? Est-il seulement possible d’aimer quand la communauté cloisonne et hiérarchise ? Ces jeux de rôles sont exacerbés à l’adolescence, période de toutes les remises en question identitaires, mais nous n’en doutons pas en voyant le film, ils ne sont qu’un miroir de nos propres masques à l’âge adulte…

Mise en scène de la gouaille

The We and the I n’est presque construit que de mots. Ça parle, ça s’invective, ça s’esclaffe, ça gouaille. Au risque d’étouffer le spectateur. Mais c’est trop tard, la porte est refermée, et les seules pauses nous sont accordées lors des arrêts du bus. On peut ainsi recevoir The We and the I comme un chant à plusieurs voix. Un chœur d’enfants d’esclaves, ceux que l’on ne fait qu’entrevoir ou deviner, lors des travellings sur un paysage urbain aux airs de fin du monde. D’évidence, Gondry filme les rejetons des communautés pauvres du Bronx, il faudrait être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas le voir mais il n'y a pas de regard à prétention sociologique dans son film. Et c’est heureux. En cela, il y a quelque chose de L’Esquive d’Abdellatif Kechiche : ferveur des mots, beauté des visages jeunes, invectives passionnelles, relations surjouées jusqu’au malaise, répliques cinglantes.

Circulation des images

XXIème siècle oblige, les images et les vidéos plus ou moins fantasmatiques, sont omniprésentes. Ne pas recevoir la vidéo que tout le monde s’échange par téléphone portable, c’est être exclu. Ni aplats, ni artificiels, ces échanges de textos et de mms sont brillamment rendus par le montage qui les agglomère et les juxtapose de sorte à nourrir le récit. Chacun s’esclaffe et glousse des mésaventures filmées d’un camarade de classe. Jusqu’au drame...

Sortie en salles mercredi 12 septembre

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