Résumé :
Dans un bel ensemble les quatre tournois du Grand Chelem ont poussé Naomi Osaka à déclarer forfait parce qu'elle avait voulu éviter les affres des conférences de presse. Le tournois de Roland Garros a même tweeté un message stigmatisant la joueuse pour son refus de passer sur le grill - en plus du communiqué de presse dénué de toute empathie et de toute trace de respect pour la joueuse cosigné des quatre organisateurs. Le tweet avec la photo des stars ayant, eux, répondu aux passionnantes questions des journalistes : "Il ont compris leur devoir" (They understood their assignment)... une pétition sur http://chng.it/v75XLxQR
Au programme du journal 13-14 de France Inter ce premier juin 2021 (10'20) la fête de la radio avec Jean-Luc Hess en invité d'honneur et un petit sujet sur Roland Garros et le forfait de Naomi Osaka qui ne voulait plus subir les conférences de presse. J.-L. Hess interrompt Paul-Henri Mathieu pour demander "est-ce que ça donne un peu le bourdon aux adversaires quand on voit quelqu'un de déprimé en face ? ...". Rires gras dans le studio pour saluer le trait d'esprit de l'ex dirigeant. Les épisodes dépressifs de Naomi Osaka venaient d'être évoqués et sa décision de déclarer forfait annoncée. Elle ne voulait pas subir la pression médiatique des conférences de presse, elle avait écopé d'une amande et de la pression maximale des quatre tournois du grand Chelem qui menaçaient de l'exclure si elle ne se pliait pas à ses "obligations". Elle avait fait part de sa lutte contre la dépression et s'était excusée d'avoir provoqué une polémique avant de tirer sa révérence et de quitter le tournoi.
Grand moment de radio donc sur le thème : c'est pas trop dur de jouer contre Droopy ? Ben oui, parce-que ça ce voit sur le visage la dépression, hein Jean-Luc ? Et puis c'est bien poilant ces joueurs dépressifs, non ? Ben on peut bien rire quand même avec Naomi, c'est pas comme si elle était malade, ma brave dame. C'est vrai quoi elle va pas nous fatiguer avec ces humeurs quand même (tentative d'humour le l'auteur de ce billet). Comment ne pas en inférer que non seulement J.-L. Hess n'a rien compris à l'histoire qu'il annonce en duo, mais qu'en plus il n'a rien compris à la dépression et à la souffrance des malades. Comment ne pas se sentir un petit peu méprisé en même temps que N. Osaka si on a connu des épisodes dépressifs ou qu'on a vu des proches en souffrir. Les sous-entendus de J.-L. Hess sentent bon le propos de comptoir du millénaire dernier. Ça fait bien rire dans le studio et personne ne le reprend. Alors, faut-il en conclure que France Inter est un îlot isolé d'obscurantisme en ce qui concerne la dépression. Peut-on imaginer la crise de rire dans le studio si la joueuse avait été schizophrène, ou autrement psychotique, bipolaire, ... ? La maladie mentale, ça n'a pas l'air d'être pris très au sérieux sur cette antenne. Quant aux malades...
C'est assez triste d'entendre (encore) ce genre de choses sur LA grande radio publique française, mais le problème de fond est sans doute pire. Les instances du Tennis, françaises et internationales, ont dévoilé en forçant N. Osaka à quitter le tournoi pour se protéger, d'une part qu'à part l'argent rien ne les intéressait vraiment (et surtout pas la santé des athlètes) mais aussi qu'ils n'avaient probablement aucune idée de la souffrance que peut entraîner un trouble psychique et du fait qu'ils participaient largement à amplifier cette souffrance. Tout ce qu'ils ont fait depuis la première annonce de N. Osaka devrait figurer dans le b.a.-ba de ce qu'il ne faut pas faire, en termes de communication, mais surtout quand quelqu'un arrive à formuler un malaise dans une environnement artificiellement lisse et où la parole est terriblement contrainte.
L'articulation de l'affaire est, rappelons-le, la suivante
1/ une athlète évoque l'anxiété que lui provoquent les conférences de presse et sa décision de ne plus s'y soumettre ;
2/ après une petite tempête médiatique, les quatre organisateurs l'enjoignent à se plier à l'exercice sous menace d'amande ou d'exclusion ; Pression maximale donc (communiqué );
3/ ce n'était sans doute pas assez pour les décideurs de Roland Garros, le tournoi balance un petit tweet infantilisant et bien stigmatisant (reuters);
4/ l'athlète déclare forfait et demande pardon (si !) ici ;
5/ aucun des grands tournois ne semble avoir présenté d'excuse encore moins la démission des responsables de ce comportement bien vil.
6/ cerise sur le gâteau, Roland Garros retire son tweet mesquin et un responsable lit un plat communiqué sans excuses devant les journalistes et refuse de se plier au jeu de la conférence de presse et de prendre des questions d'iceux, si, si ;
7/ certains média décident du coup de ne pas poser de questions aux responsables et vont même jusqu'à bien rigoler aux dépends de la joueuse démissionnaire, voir ci-dessus.
Une pétition :
Référence supplémentaire :