Le vote est libre. Pourtant à lire la presse ("des publications renommées", pas des canards locaux), une presse à fort tirage ayant pignon sur rue, ou à écouter les radios du groupe Radio France par exemple, la pression morale est forte sur les abstentionnistes.
Souvenons nous des positions exprimées dans Libération ou Le Monde lors de l'élection présidentielle précédente, de Nagui sur France Inter qui avait refusé l'antenne à un chroniqueur qui expliquait son abstentionnisme et provoqué le départ de la radio de ce dernier. Les cri d'orfraies poussés par d’autres intervenants de la radio face à cette dangereuse tentative de prise de position abstentionniste ; un d'entre eux, au moins, avait expliqué, après, qu'il ne votait pas depuis des dizaines d'années, mais que, dans son cas, c'était différent, c'était lié à son métier...
Sur beaucoup de fréquences, dans beaucoup de pages, par des figures influentes, l'abstention était vilipendée, l’abstentionniste cloué au pilori médiatique. La raison était claire, il fallait faire barrage à Le Pen. Barrage fut fait malgré l'incroyable moment de vérité quand tous les soutiens de Macron fêtèrent déjà la victoire finale au lendemain du premier tour, en dépit de la présence alarmante de l’extrême droite au second.
Beaucoup de gens bien intentionnés se chargeront encore de pousser les abstentionnistes à voter Macron au deuxième tour contre Le Pen si, comme les sondages nous le répètent depuis des mois et des années, c'est le sort qui nous échoit.
Passons outre le fait que, si d'aventure l’extrême droite arrive au pouvoir, ce sera sans conteste la faute de ceux qui ont voté pour elle plus que de ceux qui n'ont voté ni pour elle ni pour l'autre. Que disent les pourfendeurs de l’abstentionnisme, les défenseurs du vote barrage qui bientôt risquent de chanter plus fort encore leur petit refrain ? Que disent-ils pour le premier tour ? Que disent-ils d'offrir un choix qui ne soit pas une répétition du schéma bancal de 2017 ? Se proposent-ils de voter Mélenchon pour que nous n'ayons pas à faire un nouveau non choix ? Quelle légitimité auront-ils d'appeler à voter pour une droite compromise pour maintenir l’extrême droite loin du pouvoir s'ils ne s'appliquent pas le même raisonnement au premier tour ? L'argument est pourtant le même : "pour empêcher Le Pen d'arriver au second tour il faudrait appliquer le vote barrage et voter pour Mélenchon" (le seul qui aurait apparemment une chance de passer si cette stratégie était appliquée au premier tour comme on nous demandera de l'appliquer au second).
Alors, chers amis, avant de presser tous ceux qui seraient tentés de s'abstenir ou de voter blanc ou nul, avant de leur intimer de voter pour un candidat dont l’ambiguïté vis à vis de l’extrême droite, entre autres, n'est plus à prouver, appliquez-vous votre bel argument et allez tous voter Mélenchon. Sinon n'essayez plus de contraindre d'autres à accepter la morale de votre raisonnement dans quelques jours.