Cette affaire de Poitiers est une illustration du climat délétère que le gouvernement est en train d'instaurer en essayant de surfer sur les événements des 7 et 9 janvier. Cela a commencé avec l'instrumentalisation de l'émotion populaire et la manifestation à laquelle ont été conviés des chefs de gouvernement aussi soucieux de la liberté de parole que Netanyahou, Orban ou Bongo. Puis cela a été les mises en examen et même les condamnations en comparution immédiate de pauvres gens avinés parfois, ou d'adolescents impulsifs pour des propos plus ou moins provocateurs qui sont devenus des "apologies du terrorisme". Qui ne sait pourtant que "l'on n'est pas très sérieux quand on a dix-sept ans"? Si nos ministres ont jamais lu Rimbaud, ce qui, à la réflexion, n'est pas certain, il y a longtemps qu'ils l'ont oublié Dans le Libé du 28 janvier, on apprend même qu'à Nice un instituteur a demandé à un gamin de huit ans (8 ans!) "s'il était Charlie". On admirera au passage la délicatesse du personnage. L'enfant ayant répondu "non" le dirercteur de l'école a porté plainte contre le père du gamin pour "apologie du terrorisme".
Ce climat de délation nous ramène soixante-dix ans en arrière, aux plus beaux moments de la terreur nazie, quand de "bons Français"dénonçaient, qui une famille juive, qui un voisin qui écoutait la BBC, qui des résistants qu'ilsconnaissaient.
Et ce qui est terrible à vivre, c'est de voir que l'actuel gouvernement, toute honte bue et toute dignité jetée aux orties, est prêt aux actions politiquement et moralement les plus injustifiables pour que l'état de sidération qui a frappé notre pays après les attentats, se transforme en un état de grâce dont il espère profiter.
Oui, en France aujourd'hui, "le ventre est encore fécond d'où est sortie la bête immonde" (Bertold Brecht, La résistible ascension d'Arturo Ui).