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Photo : Bernard Tournois, Merce Cunningham et Amélie Grand (disparue aussi récemment)...
Bernard Tournois, lui aussi, nous a quittés à 82 ans…
C’est pour moi un chemin de ma jeunesse qui s’éteint. C’est en 1978 que Bernard m’avait proposé de travailler avec lui à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, en tant qu’assistante, une petite équipe à l’époque, c’était bien tentant mais j’ai refusé à regret, difficile de quitter Paris et mes amis et j’avais encore tant à y faire. Les années 70 étaient passionnantes, vous savez… les luttes pour les droits des femmes et autres droits… ceux qui sont détricotés savamment aujourd’hui… Pourtant comme il n’y a pas de hasard, je suis restée dans ce milieu du spectacle toute ma vie ou presque et je suis finalement descendue vivre en Provence… comme quoi on n’échappe pas à son destin…
Bernard, avec ta bonne humeur, ton humour et tes compétences, tu as fait du CIRCA à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, un lieu tout particulièrement agréable en face de l’effervescent Festival d’Avignon. Elle faisait alors partie des Centres Culturels de Rencontre comme l’Abbaye Royale de Royaumont, celles de Fontevraud et celle de Sénanque, La Corderie Royale de Rochefort, Arc-et-Senans, etc. Tes programmations toujours intelligentes et sensibles, (je me souviens d’Esther Lamandier à l’Église, loin d’être restaurée à l’époque, ce qui était magique, comme dans le livre, Jean-Paul Farré au Tinel (1979) et tant d’autres…). Le petit restaurant convivial en plein air faisait de la Chartreuse un havre de paix empreint de musique, de théâtre, de rencontres. Puis une coupure s’est faite lorsque Bernard Faivre d’Arcier l’a rattachée au Festival In… pourtant symboliquement le Pont St Bénezet ne touche pas la rive de Villeneuve. Après, ce n’était plus vraiment pareil… et maintenant c’est un magnifique monument historique très bien restauré avec des actions culturelles formidables, des résidences d’auteurs confortables et certainement propices à l’écriture mais, pour moi, l’âme du début n’y est plus. Je m’y sens « touriste » alors que j’y m’y suis fondue pleinement pendant des années, encore du temps de Daniel et Françoise Girard. Mais on le sait… rien n’est immuable… D’ailleurs, même quand je travaillais au Festival d’Avignon, j’habitais Villeneuve, à deux pas de la Chartreuse, au milieu des rosiers et sous les amandiers d’où les écureuils me lançaient des amandes en pleine figure...
Le monde a changé, Bernard est parti et ma génération se trouve en première ligne pour rejoindre les nombreux amis partis en éclaireurs…
Cher Bernard, ta bonne humeur, ton rire et tes idées novatrices ont, bien évidemment, semé de bonnes initiatives dans ce monde de la culture, pourtant torturé actuellement …
En tout cas, ce que je fais avec la Licorne et le Dragon vient certainement de ta petite graine lancée il y a bien longtemps et de celles de gens formidables que j’ai croisés, côtoyés et rencontrés tout au long de ma vie.
(Yves Frémion me racontait votre tentative sérieuse de Radio privée (vous avez dit libre ?) avec Roger Louis et Patrick Farbiaz… en avance sur votre temps puis que Georges Fillioux ne l’a pas autorisée…)
Joëlle Cousinaud