Les meurtres du Général Soleimani et du Vice Président Al Muhandis de Elhachd Ashaabi (Groupe armé chiite du Corps militaire irakien) tourneront une page de l’antique livre des prophéties irakiennes, "Epics and Tribulations". Ces assassinats ajouteront un nouveau chapitre dans l'histoire de l'Irak : la génération précédente et les deux générations suivantes ont vécu une période terrible de soixante-dix ans. Ce sera peut être l'évènement le plus important de cette décennie de notre siècle, du moins en Irak et dans sa géographie arabe, persane et turque. En bref, cet évènement et ses conséquences vont souffler sur les braises de l’ incendie du Moyen-Orient qui brûle depuis des années.
La question la plus importante aujourd'hui est : qui est le vainqueur et qui est le perdant dans cette mascarade mortelle?
La bataille briseuse d’os se déroulera en Irak entre les États-Unis et leurs alliés et l'Empire de la République Islamique d’Iran. Certainement dès demain commencera le prélude de l’affrontement. La révolte populaire irakienne qui se déroule depuis début octobre, avec ses centaines de morts et ses milliers de blessés, sera la première perdante et sera vaine. Les menaces de vengeance de la foule et des branches armées du parti Chiite pro-iranien d’une part, et les menaces américaines d’autre part, seront pour certaines, mises en œuvre sur le sol irakien, et laisseront le pays dans un état de guerre et d'affrontements permanents. En conséquence, les manifestations se calmeront et ne seront que des murmures, sous le tonnerre des missiles et le rugissement des avions américains. Parallèlement, les évènements sanglants, l’émotion et la colère, mettront la foule populaire et les groupes armés des partis religieux au premier plan, avant l'État, son armée et l'appareil de sécurité. Ainsi le Parlement, la Présidence et le Conseil des ministres resteront sans aucun pouvoir de décision. Les derniers mots seront la traduction de l'enthousiasme et le désir de vengeance pour un "honneur perdu" des chiites en Irak et en Iran. Cela signifie la mise à l’écart de ce qui reste de l'État irakien, incapable d’engager un effort politique et militaire. Peut-être que l'ancien slogan "Tout pour la bataille" reviendra automatiquement au milieu du chaos qui frappera le pays des deux fleuves, ce qui créera une nouvelle force doctrinaire chiite en Irak.
La République islamique d'Iran attendra, comme d'habitude dans l'histoire ancienne et moderne, sa revanche contre l'assassinat de Qasim Soleimani. Inévitablement, elle ne s’appliquera pas avant une réflexion approfondie sur ses moyens. Alors ce serait peut être le début d'un nouveau style de guerre avec les États-Unis et ses alliés dans la région. L'Iran s’est toujours comporté avant tout comme un Etat ayant des intérêts, mettant de côté l’Internationale Chiite. La réponse iranienne sera lente et sera testée sur les terres irakiennes, syriennes, libanaises et yéménites, et peut-être dans d'autres pays, avant d'être une confrontation directe avec le "Grand Satan". N’oublions pas que l’Irak a toujours été le terrain favorable pour les perses, dans leurs multiples expansions vers l’ouest, depuis Darius Le Grand au troisième siècle avant J.C, Kambiz et Tahmaseb puis Khomeini au vingtième siècle. L’ histoire stratégique iranienne est toujours en vigueur, et les deux mers Rouge et Méditerranéenne, restent l’espace vital pour chaque expansion perse à l'Ouest. Le projet iranien en Irak est toujours le point de départ du projet de l'empire de la République islamique. En conclusion, l'Iran n’ appliquera des représailles décisives qu'après avoir testé la résistance de l’ennemi sur le sol irakien. Les États-Unis d'Amérique, malgré l'ambition de Trump et de son équipe, ne se lanceront pas dans une guerre ouverte avec l'Iran. La guerre contre l'Iran n'est pas une promenade en irak. L'Iran est un pays à la géographie très complexe, proche des puissances chinoise et russe, et le peuple iranien, malgré son rejet du régime, est un peuple aux sentiments nationalistes rares. Rappelons que l'Iran, au cours de son histoire, n'a jamais été envahi si ce n’est que pendant quelques années à de rares occasions. De plus, aujourd’hui, il est à l'apogée de sa puissance militaire. Les milieux décisionnaires américains savent que l'Iran est à l’image de la déesse maléfique "Shiva" de la légende indienne. Si elle danse , elle danse avec ses six bras: Irak, Syrie, Liban, Gaza, Yémen, Afghanistan ... Ainsi les États-Unis n’oseront pas. Une guerre, de nos jours, provoquera une crise pétrolière majeure, plus grave que celle des années 70. De plus, cette année, les économistes annoncent une crise économique mondiale, l'économie américaine sera sa première victime.
La situation irakienne est la plus dramatique, car les solutions semblent lointaines et confuses. Un coup d'État militaire et un gouvernement d'urgence ne fonctionneront pas, et cela semble irréalisable, même si une partie de l'Administration américaine y voit une solution temporaire. Cela mènerait la région à une sorte de Vietnamisation, qui s’était terminée par une défaite écrasante de la présence américaine en Indochine. Un nouveau gouvernement en Irak, comme il était envisageable et attendu, est devenu, à certains égards, un souvenir de l'année écoulée, surtout si les manifestations disparaissent. Peut-être que le gouvernement actuel de Adel Abdul Mahdi continuera de gérer la crise jusqu'à nouvel ordre?
En attendant, l'Irak et son peuple continueront leur histoire quotidienne sous les nuages du désespoir, le bruit des bombes et les pleurs sous les chapiteaux dressés pour les “martyrs”, dans une symphonie sanglante, la musique la plus méprisable orchestrée par l'Histoire.