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Billet de blog 6 juin 2022

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RHETORIQUE DE L'EMPIRE

Le discours russe est il fondamentalement inaudible ??

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Rhétorique de l’empire. Le discours russe est-il fondamentalement inaudible ?


Il ne s’agit pas ici de porter un jugement de type moral sur la guerre en Ukraine, mais de comprendre la rhétorique qui la supporte dans les deux camps. 


La guerre a naturellement surpris la plupart des commentateurs qui ne croyaient pas son déclenchement possible. Elle a été de fait mal préparée des deux côtés. Les journalistes des deux bords affirment que la victoire est proche, qu’elle ne saurait tarder. Si on regarde les choses avec un minimum de détachement, il faut sans doute dire que la situation est enlisée et que le conflit va durer. Dur principe de réalité : mais il s’agit du diagnostic le plus probable. 


Si on analyse la réalité non plus du terrain, mais des motivations de cette guerre, on s’aperçoit que celle-ci repose sur deux idéologies opposées qui ont un socle commun : l’impérialisme.

On doit prendre ici le terme « impérialisme » en son sens le plus technique qui a été donné par Hannah Arendt. Elle déclarait : « l’expansion en tant que but politique permanent et suprême » est l’idée politique centrale de l’impérialisme ». 


La Russie qui s’en prend à l’Ukraine pour des raisons quelconques (peu importe lesquelles après tout) fait preuve d’impérialisme. Et cette politique est qualifiée de politique du passé. Cette politique renvoie à une compréhension de la « grandeur », la « grande Russie » dont le Kremlin nous parle. Ce discours a naturellement des consonnances complètement désuètes. On considère en effet dans le camp opposé qualifié de « camp occidental » que l’impérialisme appartient au passé et qu’il est définitivement mort avec la fin de la guerre froide. 


De ce point de vue-là, on pourrait dire que la Russie a tout faux et qu’elle veut expliquer le monde d’aujourd’hui avec les catégories du XIXe siècle. 
Un tel diagnostic n’est probablement pas faux et les erreurs russes sont colossales à bien des égards. Cependant, il n’est pas du tout certain que le point de vue idéologique occidental (cet inconscient politique) en soit lui-même exempt. C’était aller vite en besogne que de considérer que l’expansion était finie du fait de la fin de l’URSS.

Il y a toujours eu une tendance à l’expansion de fait dans l‘économie. Le fait par exemple que la bonne ou mauvaise santé d’une économie soit mesurée en termes de croissance du PIB est un cadre impérialiste. On dit des capitaines d’industrie moderne qu’ils bâtissent des Empires et ceci dans un cadre de colonisation. Ce simple fait semble indiquer que l’expansion reste le but recherché par les hommes qui décident de notre monde aujourd’hui. Ceci va profondément de pair avec un système inégalitaire, un système où la compétition entre magnats de l’industrie est la règle et où les systèmes inadaptés disparaissent, ce qui ne constitue probablement pas un progrès comme le montre la catastrophe du réchauffement climatique. Ce dernier événement semble devoir s’accomplir de façon inévitable avec l’entrée en jeu à plein régime de la Chine et de l’Inde de cette tendance à l’expansion de l’économie mondialisée. 


Il n’est donc pas sûr que l’impérialisme ait disparu des pensées du camp occidental.

Cependant cet impérialisme ne se traduit pas véritablement d’un point de vue militaire et il paraît moins guerrier que celui de la Russie. Pourtant, on peut se demander si cet impérialisme sympathique véhiculé par l’Occident et l’impérialisme meurtrier de la Russie ne décalque pas avec quelques différences cependant l’opposition que fait Hannah Arendt entre l’impérialisme d’outre-mer et l’impérialisme continental. Question ennuyeuse, question peut-être à ne pas poser.

Car si l’impérialisme continental est meurtrier sur les champs de bataille et dans tous les camps, l’impérialisme d’outre-mer reste un impérialisme qui tue au sens propre de manière aussi sournoise comme l’a montré Hannah Arendt. 


Réflexion à suivre. Mais grosse interrogation sur la légitimité des discours de part et d’autre.    

je pose une question et demande une reflexion globale sur les responsabilités encourues par les ambitions fatales de la croissance impérialiste à tous prix. Tous les impérialismes tuent.

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