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Billet de blog 7 juin 2022

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De l'HISTOIRE comme JUSTIFICATION des POSITIONS GUERRIERES

Il a été de bon ton ces derniers temps de considérer que la Russie de Poutine se livrait à une réécriture de l'histoire et à une falsification de cette dernière au sujet de l'Ukraine ..........

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  • De l’histoire comme justification des positions guerrières

  • µ

  • Il a été de bon ton ces derniers temps de considérer que la Russie de

    Vladimir Poutine se livrait à une «!réécriture de l’histoire!» et à une

    falsisication de cette dernière au sujet de l’Ukraine.

  • Et il faut bien reconnaître que cela est tout à fait vrai. Il faut toutefois

    demander au nom de quoi on peut émettre un tel jugement.

  • Car plusieurs logiques peuvent s’affronter ici.

    On peut considérer une logique de tiers exclus qui dirait si cela est faux,

    c’est que l’inverse est vrai. Il peut sembler difficile d’admettre qu’une

    telle logique soit applicable à des discours aussi complexes que les

    discours historiques.

    On peut considérer une autre forme de logique qui ne dirait pas si A est

    faux, non A est vrai, mais une logique qui dirait «!tout est faux!». A et non

    A sont faux. Une telle vision est probablement plus proche de la réalité.

    Cependant elle possède ce côté désespérant de conduire à se dire!: quoi

    qu’on dise de l’histoire, tout est faux. Assumer ce désespoir est sans

    doute une marque de lucidité, mais cela n’est pas à la portée de toutes les

    psychologies.

    Reste une troisième logique intermédiaire!: celle d’admettre que dans

    tout discours sur l’histoire, il y a une part de vérité et une part de

    fausseté.

    L’objet du discours historique n’est d’ailleurs pas forcément le vrai, mais

    plutôt la compréhension. Il s’agit de savoir quel est le sens de ce qu’on

    fait par rapport à un passé fantasmé sans doute (après tout le passé n’est

    plus là), mais par rapport auquel on se détermine.

  • Histoire donc dont la source serait la légende comme le remarquait

    Hannah Arendt. En France, légende de la Révolution française avec son

    discours révolutionnaire et contre révolutionnaire par exemple. Dans la

    guerre en Ukraine, opposition entre le discours de la «!grande Russie!» et

    celui néolibéral de la réconciliation de toutes les nations dans un

    prétendu «!ordre mondial!» privé de guerre et voué au commerce.

    Ces deux fables ont naturellement le défaut d’être factuellement fausses

    sur bien des points. Elles donnent néanmoins une forme et une vision (au

    sens de la Gestalt de la Gestalttheorie) de la manière dont les actions

    politiques vont être ordonnées dans les temps à venir. Hannah Arendt

    disait à ce sujet!:

    «!Les légendes ont toujours joué un rôle puissant dans la construction de

    l’histoire. L’homme qui n’a pas reçu le don de défaire, qui est toujours

    bon gré, mal gré, l’héritier des actes d’autres hommes, et qui porte

    toujours le fardeau d’une responsabilité qui apparaît comme la

  • conséquence d’une chaîne ininterrompue d’événements bien plus que

    d’actes conscients, cherche une explication et une interprétation à ce

    passé où semble cachée la mystérieuse clé de son destin futur. Les

    légendes ont constitué les fondements spirituels de toutes les cités, tous

    les empires, tous les peuples de l’Antiquité, promesse d’une conduite sûre

    à travers les espaces illimités du futur. Sans jamais rendre compte des

    faits de manière able, mais exprimant toujours leur signication vraie,

    elles sont la source d’une réalité au-delà des réalités, une mémoire au-

    delà des souvenirs!».

    La légende qu’on reconnaîtra comme factuellement fausse possède

    néanmoins une vérité comme sens. La légende est sélection et

    «!rectification après coup des faits (Hannah Arendt)!». Le problème est

    qu’aucun discours historique n’échappe vraiment à cette part légendaire.

  • On aura beau nous accabler de faits et prétendre opposer à une histoire

    légendaire une histoire «!scientifique!», étant entendu que la science

    c’est nous et la légende, c’est l’autre, on n’échappera pas au fait du

    caractère légendaire de tout discours historique.

  • Comme le disait Hannah Arendt, «!les légendes ne comptent pas

    seulement au nombre des premiers souvenirs historique du genre

    humain, elles constituent en réalité le commencement de l’histoire

    humaine!».

    Ou pour le traduire en termes de Gestalt-theorie, la vérité de l’histoire et

    sa forme n’est pas la collection des faits qui y ont eu lieu, mais quelque

    chose de plus.

    Alors oui, l’histoire est toujours falsication et l’on n’a pas de vérité à

    opposer à une fausseté, mais simplement une légende à opposer à une

    autre. Tout ceci relève d’un imaginaire.

    Ces considérations touchent directement la guerre en Ukraine. Tant

    qu’on ne s’accordera pas sur une légende commune avec l’ennemi, on ne

    verra pas les faits de la même manière et l’on ne comprendra jamais que

    la population Russe voit les choses avec un autre grille de compréhension

    que la nôtre.

    Gardons-nous simplement de penser que dans un tel con?it, nous

    puissions opposer une «!vérité!» aux falsications adverses. Il leur serait

    facile de nous opposer nos falsications qui par nature sont inévitables.

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