Que faisons-nous lorsque pour nous informer sur les évènements de l’actualité, nous lisons un journal, écoutons un propos, regardons la télévision, consultons les médias ?
La question peut paraître légitime puisqu’après tout, le consommateur doit finalement avoir envie de ne pas être totalement passif devant l’actualité. Il peut également avoir envie de la comprendre. La question qu’est-ce que comprendre apparaît donc comme une question première. Et ce n’est pas une question simple. Les plus grands esprits de l’humanité ont posé le problème. Il suffit de poser les noms de Platon qui demandait que se passe-t-il en Grèce à notre époque ; de Léonard de Vinci qui se demandait sans cesse comment puis-je comprendre, ce que je vois, comment comprendre le monde humain de manière à comprendre des machines qui vont l’améliorer ; de Baruch Spinoza qui montrait que toute compréhension passait dans le champ d’une éthique non moralisante, alors que ceux qui font de la morale sont justement ceux qui ne comprennent rien, mais imaginent ; de Martin Luther qui demandait comment comprendre le texte idéologique le plus important de son époque, à savoir la Bible, et le traduire dans une langue usuelle accessible à tous ; de tout le courant herméneutique de Schleiermacher à Ricœur en passant par Gadamer. Tous ces gens sont des exemples, parmi tant d’autres, d’hommes qui ont hissé le problème de la compréhension de l’actualité à son plus haut niveau.
Nous pensons avec le philosophe Eric Braun, que La question de la compréhension est primordiale aujourd’hui. C’est pourquoi nous proposerons dans les jours et les semaines à venir une série de textes destinés à éveiller les lecteurs à ce que peut signifier comprendre l’actualité aujourd’hui.
Comprendre, cela signifie d’abord être affecté par une chose. Le philosophe Spinoza avait établi ce point et il nous semble indépassable. Le fait est que le consommateur d’actualité est affecté par les nouvelles qu’il reçoit. Il peut ressentir à écouter une nouvelle de la tristesse, de la joie, de la haine, de la sympathie, de la compassion, de la peur ou bien un sentiment de sécurité. Il peut être animé par un instinct de jeu ou quelque chose d’autre. Tous ces sentiments, tous ces instincts qui sont une sorte de réceptacle par lequel le consommateur de nouvelles reçoit les nouvelles en question. Elles sont premières dans la compréhension du monde.
Comprendre l’actualité n’est pas simplement une activité cérébrale et un journaliste qui distille des nouvelles ne s’adresse jamais à un pur esprit. Il s’adresse à un être qui possède une vie affective complexe. Cette vie affective peut être organisée de manière sauvage ou rationnelle. Cela peut varier. Ce qui est certain, c’est que l’affectivité n’est pas contraire à la raison par nature. Il est également certain que la vie affective doit susciter chez nous la curiosité et une forme d’étonnement. Sans faire ce travail, nous ne saurons jamais ce que nous comprenons quand nous comprenons quelque chose.
Les textes que nous proposerons n’ont évidemment pas une valeur absolue et peuvent être critiqués sur le fond comme sur la forme. Ils ont néanmoins une valeur exploratoire qui nous paraît intéressante de partager pour comprendre ce que nous faisons quand nous lisons un journal. Il ne s’agira jamais pour nous de commenter directement l’actualité. Les journalistes feront cela mieux que nous. Il s’agira seulement pour nous d’éveiller les lecteurs à la conscience des affects qui peuvent s’emparer d’eux quand ils lisent telle ou telle nouvelle.