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- le 21/01/2025, 21:51, à propos de l' Entretien L’échappée. Dominique de Villepin : « Faire face à une Amérique qui se moque du monde »
Forces et faiblesses de la figure de Dominique de Villepin
Dominique de Villepin fait un retour remarquable sur la scène
médiatique : on l’entend à la radio, on le voit dans les journaux. Et sa
parole porte une voix forte et probablement juste sur le monde. C’est
peut-être d’ailleurs là son défaut.
Pour rappeler les faits d’arme de ce brillant diplomate, ancien chef du
quai d’Orsay, il suffit de parler d’une occurrence en 2003 où par sa voix,
la France posait, après un vibrant discours son véto à la grossière
tentative américaine de faire avaliser par le droit une guerre injustifié en
Irak. Peut-être inspiré par Jean Giraudoux, Dominique de Villepin
tentait de nous convaincre que la guerre de Bagdad n’aurait pas lieu.
Mais malgré son brio, malgré sa terrible lucidité (si la guerre de Bagdad a
lieu, alors le monde ira à sa catastrophe), les décisions furent prises par
les Américains. On fera la guerre parce que l’Amérique est suffisamment
puissante pour la faire malgré les réticences de quelques sages proclamés
européens. La puissance des armes contre la diplomatie donc.
Plutôt tuer que discuter. Car la guerre tue. Les chiffres évidemment sont
variables selon les points de vue. On parle a minima de cent mille morts,
mais les estimations les plus pessimistes parlent de plus d’un million. La
mort plutôt que la discussion.
Dominique de Villepin avait sans doute raison à l’époque : on a choisi de
tuer plutôt que de discuter et l’on a accru les problèmes.
Le problème nous dit-il tient à la politique de la puissance : puissance qui
signifie capacité à imposer sa volonté à l’extérieur de ses propres
frontières nous dit Max Weber dans économie et société ou nous dit
Spinoza dans son Ethique : capacité à persévérer dans son être. Ces deux
définitions ne s’opposent pas. Bien au contraire, elles se complètent et se
rejoignent.
Et c’est peut-être là le cœur de la réflexion de Dominique de Villepin. Il
constate que l’Amérique, la puissance hégémonique depuis la fin de la
guerre froide, l’ « hyperpuissance » dont nous parlait Hubert Védrine, est
une puissance aux abois, une puissance chancelante, une puissance qui
doute, non pas au sens cartésien (doute cartésien dont Dominique de
Villepin nous fait l’éloge, même si en toute rigueur on peut ici le voir
comme à la limite du contresens dans son interprétation, détail qui n’a
cependant pas trop d’intérêt ici), mais au sens spinoziste de la fluctuatio
animi, cette fluctuation de l’âme où est plongé un être qui ne sait plus
trop où il en est parce qu’il est harassé par des passions contradictoires
qui le vouent à sa perte.
Or incontestablement l’hyperpuissance se voit dépasser d toute part : par
la Chine d’abord, mais par d’autre puissance qui viennent également la
menacer comme l’Inde, la Russie ou éventuellement l’Union européenne.
D’où la question lucide de Dominique de Villepin : puisque toute
puissance est amenée à être un jour dépassée par une autre ne faut-il pas
tenir pour absurde et vaine cette course à la puissance ? Ne faut-il pas
trouver une politique alternative. Essayer poétiquement au sens fort de
ce terme de dire ce qui pourrait être de fonder un ordre et un monde
nouveau et un monde autre.
Cela est sans doute vrai, cela est sans doute juste. Et pourtant…
Pourtant on ne peut oublier l’objection simple et triviale : ce discours qui
veut remplacer la puissance par autre chose n’est-il pas le discours de la
faiblesse et du déclin ? La France d’où parle Dominique de Villepin
aujourd’hui n’est plus que l’ombre de la puissance qu’elle était jadis.
Proposer une autre politique que la course à la puissance, n’est-ce pas
implicitement reconnaître qu’on n’est plus apte à participer à cette
compétition ?
On ne peut donner que raison à Dominique de Villepin en un sens : la
politique de la puissance recèle en elle un nihilisme indigne et honteux :
nihilisme d’une course à la croissance économique qui conduit à détruire
notre environnement et notre planète, et nihilisme de la guerre : guerre
en Irak, il y a vingt ans, guerre en Ukraine aujourd’hui (pour les mêmes
raisons que la guerre en Irak d’ailleurs, c’est-à-dire rien de valable sinon
le fantasme inavoué et puéril de la course à la puissance) guerre entre
Israéliens et Palestiniens (dont les raisons sont données de manière
exhaustive dans l’ouvrage l’odyssée d’Astérix).
Dominique de Villepin est assurément un diplomate et haut rang et
incarne une humanité exemplaire. Mais curieusement, c’est peut-être là
sa plus grande faiblesse. N’oublions pas qu’en 2007 les Français lui
préférèrent Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire un homme plus proche de la
figure de Donald Trump aujourd’hui : un homme de la recherche de la
puissance au sens ancien de ce terme.
La seule question qui se pose est de savoir si les conditions d’émergence
d’une politique autre que celle-là sont réunies. C’est à cette seule
condition que le travail de Dominique de Villepin pourra ne pas être vain.