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Billet de blog 23 janvier 2025

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FORCES ET FAIBLESSES DE LA FIGURE DE DOMINIQUE DE VILLEPIN

Dominique de Villepin nous invite à rechercher un monde nouveau

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Forces et faiblesses de la figure de Dominique de Villepin

Dominique de Villepin fait un retour remarquable sur la scène médiatique : on l’entend à la radio, on le voit dans les journaux. Et sa parole porte une voix forte et probablement juste sur le monde. C’est peut-être d’ailleurs là son défaut.

Pour rappeler les faits d’arme de ce brillant diplomate, ancien chef du quai d’Orsay, il suffit de parler d’une occurrence en 2003 où par sa voix, la France posait, après un vibrant discours son véto à la grossière tentative américaine de faire avaliser par le droit une guerre injustifié en Irak. Peut-être inspiré par Jean Giraudoux, Dominique de Villepin tentait de nous convaincre que la guerre de Bagdad n’aurait pas lieu. Mais malgré son brio, malgré sa terrible lucidité (si la guerre de Bagdad a lieu, alors le monde ira à sa catastrophe), les décisions furent prises par les Américains. On fera la guerre parce que l’Amérique est suffisamment puissante pour la faire malgré les réticences de quelques sages proclamés européens. La puissance des armes contre la diplomatie donc.

Plutôt tuer que discuter. Car la guerre tue. Les chiffres évidemment sont variables selon les points de vue. On parle a minima de cent mille morts, mais les estimations les plus pessimistes parlent de plus d’un million. La mort plutôt que la discussion.

Dominique de Villepin avait sans doute raison à l’époque : on a choisi de tuer plutôt que de discuter et l’on a accru les problèmes.

Le problème nous dit-il tient à la politique de la pæuissance : puissance qui signifie capacité à imposer sa volonté à l’extérieur de ses propres frontières nous dit Max Weber dans économie et société ou nous dit Spinoza dans son Ethique : capacité à persévérer dans son être. Ces deux définitions ne s’opposent pas. Bien au contraire, elles se complètent et se rejoignent.

Et c’est peut-être là le cœur de la réflexion de Dominique de Villepin. Il constate que l’Amérique, la puissance hégémonique depuis la fin de la guerre froide, l’ « hyperpuissance » dont nous parlait Hubert Védrine, est une puissance aux abois, une puissance chancelante, une puissance qui doute, non pas au sens cartésien (doute cartésien dont Dominique de Villepin nous fait l’éloge, même si en toute rigueur on peut ici le voir comme à la limite du contresens dans son interprétation, détail qui n’a cependant pas trop d’intérêt ici), mais au sens spinoziste de la fluctuatio animi, cette fluctuation de l’âme où est plongé un être qui ne sait plus trop où il en est parce qu’il est harassé par des passions contradictoires qui le vouent à sa perte.

Or incontestablement l’hyperpuissance se voit dépasser d toute part : par la Chine d’abord, mais par d’autre puissance qui viennent également la menacer comme l’Inde, la Russie ou éventuellement l’Union européenne.

D’où la question lucide de Dominique de Villepin : puisque toute puissance est amenée à être un jour dépassée par une autre ne faut-il pas tenir pour absurde et vaine cette course à la puissance ? Ne faut-il pas trouver une politique alternative. Essayer poétiquement au sens fort de ce terme de dire ce qui pourrait être de fonder un ordre et un monde nouveau et un monde autre.

Cela est sans doute vrai, cela est sans doute juste. Et pourtant…

Pourtant on ne peut oublier l’objection simple et triviale : ce discours qui veut remplacer la puissance par autre chose n’est-il pas le discours de la faiblesse et du déclin ? La France d’où parle Dominique de Villepin aujourd’hui n’est plus que l’ombre de la puissance qu’elle était jadis. Proposer une autre politique que la course à la puissance, n’est-ce pas implicitement reconnaître qu’on n’est plus apte à participer à cette compétition ?

On ne peut donner que raison à Dominique de Villepin en un sens : la politique de la puissance recèle en elle un nihilisme indigne et honteux : nihilisme d’une course à la croissance économique qui conduit à détruire notre environnement et notre planète, et nihilisme de la guerre : guerre en Irak, il y a vingt ans, guerre en Ukraine aujourd’hui (pour les mêmes raisons que la guerre en Irak d’ailleurs, c’est-à-dire rien de valable sinon le fantasme inavoué et puéril de la course à la puissance) guerre entre Israéliens et Palestiniens (dont les raisons sont données de manière exhaustive dans l’ouvrage l’odyssée d’Astérix).

Dominique de Villepin est assurément un diplomate et haut rang et incarne une humanité exemplaire. Mais curieusement, c’est peut-être là sa plus grande faiblesse. N’oublions pas qu’en 2007 les Français lui préférèrent Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire un homme plus proche de la figure de Donald Trump aujourd’hui : un homme de la recherche de la puissance au sens ancien de ce terme.

La seule question qui se pose est de savoir si les conditions d’émergence d’une politique autre que celle-là sont réunies. C’est à cette seule condition que le travail de Dominique de Villepin pourra ne pas être vain.  

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