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Billet de blog 17 mars 2021

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Je t'aimais en chrysalide

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mon cher Roger je viens de te reconnaitre sur le plateau de l’émission de Philippe Labro « Langue de bois s’abstenir » aux cotés de Christine Ockrent notamment. Combien de temps s’est-il passé depuis que nous nous soyons vu la dernière fois ? 40 ans, 50 ? Nous étions à Paris au début des années 70 où, après tes études à Londres avec un mémoire autour de la langue française avec notamment François Mauriac et André Gide dont tu m’apprenais les désarrois homosexuels alors que moi qui arrivais, à peine, de ma Pologne de Gierek et de Wojtyla n’y croyais qu’à moitié, de passage donc à Paris où tu construisais ta carrière de journaliste et, quelques mois plus tard tu réussissais brillamment ton entrée à, déjà, je crois me souvenir, New York Times, je me souviens de ta joie communicative dès ton retour après tes épreuves américaines, de la joie que nous partagions avec nos compagnes féminines de l’époque et de nos bavardages du comptoir des bistrots parisiens que je découvrais. Je me souviens aussi d’une matinée dominicale cocasse dans une salle de sport du 15me arrondissement de Paris où nous nous sommes trouvés dans la section de ping-pong avec plusieurs tables disponibles mais sans la possibilité de louer des raquettes or nous n’en avions pas. Frustrés, nous avons, avant de partir, échangé quand même quelques balles à l’aide de nos lourds sabots en bois, à la mode à l’époque, et même insisté face à une réprobation générale et hostile des personnes présentes équipés et vêtus, eux, en adéquation avec le tennis de table, voyons. Et puis nous nous sommes perdus de vue alors que je me trouvais dans un brouhaha existentiel avec en projet un tour du monde initiatique pendant que tu prenais déjà, tu construisais en dur, ta place dans le métier de journalisme.

On s’est écrit une ou deux fois, tu es passé à la maison pour nous rendre mutuellement nos livres, plus tard je t’ai relancé à ton adresse londonienne et nous nous sommes revus lors d’une soirée dans un appartement parisien, tu as muri. Tu es resté toujours le même, toujours aussi charmant et aimable, tu es devenu un adulte. Je te regardais désemparé. Tu devenais ce Roger C. de la TV de ce dimanche soir, ce directeur de New York Times à Paris, cet homme aimable, responsable et respectable, ce père de famille de quatre enfants. Cet homme mur. Je perdais un proche. Je t’aimais en chrysalide.

Cela m’a fait plaisir de te revoir dans ma TV.

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