Que penser de Richard Millet et de son "Apologie de Breivik"?
Qu'il joue au chat et à la souris, en disant que son titre n'est que de l'ironie?
Peut on dire, comme Annie Ernaux dans son "Le pamphlet fasciste de Richard Millet déshonore la littérature" paru dans Le Monde du 10/09/12, que le texte de Richard Millet exsude autre chose que ce qu'il affirme?
Millet entame son texte ainsi: Au moment d'entreprendre ce qui pourrait être un Éloge littéraire d'Anders Behring Breivik, je voudrais que l'on garde à l'esprit que je n'approuve pas les actes commis par Breivik, le 22 juillet 2011, en Norvège.
C'est clair et net, mais apparemment pas pour tout le monde.
Il est donc là, l'intérêt de ce texte qui touche à ce que nous envoie en permanence le monde qui nous entoure, celui que nous voyons, comprenons et traitons selon notre sensibilité et notre culture. Il arrive que ce que nous en faisons n'est pas bien lisible.
Annie Ernaux catégorique et sure d'elle n'hésite pas à insulter Millet conformément, croit elle, à son devoir de femme de lettres, de professeur, de citoyenne responsable. Elle décrypte dans le texte de Millet des intentions coupables: J'ai lu le dernier pamphlet de Richard Millet, Langue fantôme suivi d'Eloge littéraire d'Anders Breivik dans un mélange croissant de colère, de dégoût et d'effroi. Celui de lire sous la plume d'un écrivain, éditeur chez Gallimard, des propos qui exsudent le mépris de l'humanité et font l'apologie de la violence au prétexte d'examiner, sous le seul angle de leur beauté littéraire, les "actes" de celui qui a tué froidement, en 2011, 77 personnes en Norvège. Des propos que je n'avais lus jusqu'ici qu'au passé, chez des écrivains des années 1930.
Cela pose la question de savoir si exsuder un sentiment équivaut à un jugement de l'objet de ce sentiment. Autrement dit, peut on deviner dans un texte et de reprocher à son auteur le contraire de ce qu'il affirme?
Bien sur que non, et c'est là qu'Annie Ernaux et de nombreux signataires, solidaires de son pamphlet à elle, ont tort.
A part ça, la lecture du seul l"Éloge littéraire d'Andréas Breivik" m'a déçu. Car mise à part l'excitante annonce de traitement de la tuerie comme une création littéraire avec les conséquences d'un tel pari qui mériteraient un développement ou du moins une amorce d'un vrai travail d'écrivain je n'y ai trouvé tout juste que quelques réflexions molles autour de la crise et l'évolution planétaire dont l'auteur semble déplorer la tournure.
Mais il ne me viendrait pas à l'idée de reprocher à Richard Millet autre chose que d'avoir raté un projet intéressant.
Billet de blog 23 septembre 2012
Millet, Breivik, Ernaux et les autres…
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