Dans le mail de remerciements que j'ai envoyé hier à Carlo Ossola, professeur au Collège de France, je lui disais combien notre groupe, A Ricuccata, avait été touché de voir l'intérêt que les universitaires de Lugano portaient à notre musique, à notre langue, à notre culture. Nous avons été invités par l'université de cette ville à venir chanter le 17 décembre un extrait de la Divine Comédie de Dante, le Chant XXXIII du Paradis en terzetti, une forme musicale corse qui date du 14ème siècle écrite justement en vers undécasyllabiques.
Au mois de novembre, au colloque intitulé "Philosopher en langues", dans lequel était prévue une lecture dans différentes langues du poème de Parménide, la philosophe et philologue Barbara Cassin qui en était l’organisatrice, à la lecture de ce texte traduit du grec ancien en langue corse, nous a proposé de le chanter en paghjella , une forme particulière de la polyphonie inscrite aujourd'hui au patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO.
Quand on voit l’intérêt et l’estime portés à notre travail par des personnes de cette qualité intellectuelle et morale, il est toujours surprenant de lire ensuite des propos méprisant s dans des organes de presse qu’on ne saurait a priori soupçonner de racisme. Voici pourtant ce que je lis dans le Télérama N°3388 comme commentaire sur le film Au cul du Loup : « Où l’on nous refait le coup du nouveau départ et de l’hospitalité légendaire du « peuple corse ». Etait-ce vraiment nécessaire ? » On peut effectivement poser la question : Etait-ce vraiment nécessaire de faire ce petit commentaire fielleux sur la soi- disant hospitalité du (notez les guillemets) soi-disant peuple corse ? L’auteur(e) anonyme de l’article est-il professeur à Sciences Po pour définir ce qui constitue un peuple ou non ? Peut-il nous faire part de ses lumières ? Il (ou elle) devrait pourtant savoir que le peuple corse existe : Un procureur de Nice n’avait-il pas déclaré il ya quelques années que ce peuple possédait le chromosome de la criminalité ? Et un ancien ministre de l’Intérieur, actuellement premier ministre d’un gouvernement de gauche ne nous a –t il pas attribué il y a peu une culture de la violence ? Ainsi va et se conforte ce racisme de bon aloi à l’égard des Corses et, sauf eux, ça ne dérange personne. D’ailleurs sont-ils un peuple, une tribu, un clan, une mafia, une secte ou un peu de tout ça ?
Il se trouve aussi que l’auteur de ce film est belge, ce qui en France n’est pas toujours une qualité. Or j’étais en Belgique le mois dernier. J’ai été à nouveau surpris par l’accueil chaleureux, l’abord sympathique des gens dans la rue, leur amabilité quand ils vous servent dans les bars ou les boutiques. J’ai dit à une amie Corse mariée à un Belge, paraphrasant un mot célèbre, que les Belges étaient des Français sympathiques. Elle m’a répondu : « surtout ne dis pas aux Belges qu’ils sont Français, ils ont horreur de ça. » Comme je les comprends ! J’ai pourtant fait remarquer que tous les Français ne tenaient pas des propos dignes du Café du Commerce.