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Billet de blog 1 avril 2023

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Milton Friedman : le maître à penser du président

La réforme des retraites repose sur un argument d'une rare hypocrisie : le sauvetage du régime de retraites par répartition. Le but est en fait, d'éteindre ce régime pour lui substituer la capitalisation. Le report de l'âge légal est un élément de cette manipulation

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MILTON FRIEDMAN : le maître à penser du président

 Milton Friedman (31/07/1912 – 16/11/2006) est un économiste américain ; Prix Nobel d’économie en 1976, c’est un combattant du libéralisme, ardent défenseur du capitalisme et anticommuniste militant.

 Après un master d’économie en 1933 à l’Université de Chicago, Milton Friedman prend en 1946 un poste de prof d’économie dans cette même université ; il va créer ce que l’on appellera « l’école de Chicago » ; il y formera les « Chicago Boys » qui auront une influence considérable sur l’installation des dictatures en Amérique du Sud.

Dans les années 1950, il est à Paris avec les administrateurs américains du plan Marshall. En 1964, dans le cadre de l’élection présidentielle américaine, il est conseiller économique du candidat républicain Barry Goldwater, farouche anticommuniste et fervent soutien de la politique de Mac Carthy.

Il deviendra pas la suite conseiller de Nixon et de Reagan, deux présidents ultra conservateurs, ultra-libéraux et résolument anticommunistes.

Pour faire avancer ses idées, Friedman s’appuie essentiellement sur 4 piliers : la Banque Mondiale, le FMI, l’OMC et les églises.

 1 & 2) La Banque Mondiale et le FMI sont deux institutions créées par les Etats-Unis au sortir de la seconde guerre mondiale en 1944 et 1945 et dont le siège est à Washington.

 Leur fonctionnement se base sur ce qui s’appellera plus tard, dans les années 1980, le consensus de Washington, à savoir essentiellement :

 Libéralisation du commerce extérieur.

  • Élimination des barrières aux investissements directs étrangers
  • Privatisation: Il faut privatiser les monopoles ou participations de l'État ou entreprises publiques, dans une optique de désendettement 
  • La déréglementation des marchés et de l'Économie (par l'abolition des barrières à l'entrée ou à la sortie) ;

 Ces principes sont taillés sur mesure pour assurer la mainmise des Etats-Unis sur l’économie mondiale ; le plan Marshall n’étant rien d’autre que leur volonté de colonisation de l’Europe de l’Ouest.

On remarque que dans un tel système, seuls les États-Unis n'ont pas besoin de se soucier, a priori, du cours de leur monnaie vu qu'elle fait office d’étalon. Ainsi les États-Unis pouvaient connaître d'importants déficits sans être soumis aux remarques du FMI.

 3) L’Organisation Mondiale du Commerce est née en 1995, sous l’impulsion des Etats-Unis qui y voient un moyen d’affirmer leur impérialisme économique. En 2001 la Chine devient membre de l’OMC, les Etats-Unis pensant faire de ce pays très peuplé un débouché considérable pour les produits américains. Un calcul qui s’est avéré totalement faux, l’élève ayant dépassé le maïtre et le client étant devenu le marchand.

 4) Enfin, l’idéologie ultra-libérale de Milton Friedman s’appuie aussi sur le pouvoir des églises, dont l’anticommunisme en fait un allié de poids. On connaît le rôle joué par l’église catholique au Chili de Pinochet, en Argentine et en Pologne, tout comme les églises évangéliques auprès de Bolsonaro.

 Avec l’aide des dictatures, des régimes de droite ou sociaux-démocrates, les thèses de Milton Friedman se sont répandues en Amérique du Sud, en Europe et en France en particulier.

 Amérique du Sud : l’exemple du Chili

En 1956, l'école de Chicago conclut un partenariat avec l'université pontificale catholique du Chili. Milton Friedman donne des cours à l'université de Chicago à des étudiants en économie de l'Université pontificale catholique du Chili, les Chicago Boys. Ces derniers nouent alors des liens avec l’extrême-droite chilienne.

Démocratiquement élu en septembre 1970, Salvador Allende procède à la nationalisation d’un certain nombre d'entreprises. Les Chicago Boys rédigent clandestinement un rapport de 189 pages appelant à la privatisation immédiate des entreprises publiques chiliennes ; le jour même du coup d’État renversant Allende, le 11 septembre 1973, le texte est imprimé, et remis dès le lendemain aux dirigeants de la dictature militaire de Pinochet.

Les Chicago Boys soutiennent et participent à la dictature. En 10 ans, Dans le même temps, la part du budget de la Défense passe de 10 % en 1973 à 32 % en 1986. Les coupes drastiques dans les budgets sociaux et le programme de privatisations massives provoquent une hausse importante des inégalités. Si les classes aisées ont ainsi bénéficié de l'expansion économique, ce fut moins le cas des classes populaires.

Ainsi, entre 1974 et 1989, les revenus des 10 % des ménages chiliens les plus riches ont augmenté 28 fois plus vite que les 10 % des ménages chiliens les plus pauvres.

 Deux Chicago Boys parmi d’autres : José Piñera et Hernán Büchi

En tant que ministre du travail et des retraites (1978-1980), José Piñera mit en place 2 mesures d’importance : la retraite par capitalisation et l'ouverture d'un système d'assurance maladie individuel

Le 4 novembre 1980, Piñera introduisit une réforme du système de retraites qui remit à plat le système de retraite par répartition conçu en 1925, en ouvrant la possibilité au recours à l capitalisation. Il autorisait les travailleurs à se retirer du système public de retraites et d'utiliser les cotisations qu'ils y consacraient (10 % du salaire, plus 2 % de commission pour la gestion du fonds) pour cotiser à un fonds de pension géré par des investisseurs privés. Ces mesures entraînèrent une privatisation du système de retraites chilien et introduisirent deux changements majeurs au système de santé : privatisation du système d'assurance contre les accidents du travail et autorisation pour les travailleurs de quitter le système public d'assurance maladie (7 % du salaire) à condition de cotiser à une assurance privée.

Le passage de la retraite par répartition à la retraite par capitalisation a été rendu possible par la création d'un fonds de garantie auquel ont été apportées les recettes tirées des privatisations d'entreprises publiques.

En 1994, Piñera a fondé le Centre pour la réforme des retraites afin de promouvoir le « modèle » chilien dans le reste du monde. En 1995, il rejoint le Cato Institute comme vice-président de son projet pour la liberté de choix dans les retraites. « Vers la fin 2006, 28 pays ( surtout en Amérique latine, en Europe centrale et orientale) avaient déjà introduit des systèmes de retraite obligatoires fondés sur la capitalisation individuelle dans leurs régimes respectifs.

L’Ukraine et la Roumanie ont déjà adopté des réformes qui seront mises en application en 2008 et 2009 et qui incluent l’introduction d’un système de capitalisation obligatoire dans leurs régimes de retraite. »

Un autre Chicago Boy : Hernán Büchi

Au début des années 1980, il occupe diverses fonctions importantes dans l'administration du général Pinochet, notamment celle de sous-ministre de la santé (1980-1983), ministre de la planification nationale (1983-1984. Il est nommé ministre des finances le 2 février 1985.

Il mène une politique drastique de réduction des dépenses publiques en réduisant notamment les dépenses sociales, le nombre d'emplois publics, les charges fiscales des entreprises et la TVA.. Il mène également les privatisations des entreprises d'État tels la Compagnie nationale d'aviation, les entreprises sidérurgiques et les sociétés d'électricité ou de communications. La réduction des dépenses sociales augmente le fossé entre les riches et les pauvres, faisant du Chili un des pays ayant la plus grande inégalité de revenus, et les pensions de retraite sont réduites au minimum, entre autres effets.

Peu avant d'être assassiné par la dictature, l'économiste et diplomate Orlando Letelier reproche aux Chicago Boys le fait que leur « projet économique doit être imposé de force. » Il ajoute que « cela s'est traduit par l'élimination de milliers de personnes, la création de camps de concentration partout dans le pays et l'incarcération de plus de 100 000 personnes en trois ans. […] Au Chili, la régression pour la majorité et la liberté économique pour une poignée de privilégiés sont l'envers et l'endroit de la même médaille. ».

Les coupes claires dans les dépenses sociales entraînaient des pertes substantielles pour les familles juste au-dessus du seuil de pauvreté, et qui dépendaient des aides garanties par l'État pour maintenir leur niveau de vie. En conséquence, les inégalités et la pauvreté s'accrurent au Chili, malgré de grands taux de croissance atteints à la fin des années 1970 et à nouveau dans la seconde moitié des années 1980 ».

En Europe :

  • En Grande-Bretagne, la période Thatcher est typiquement la copie de l’époque Reagan aux Etats-Unis. On se souvient de l’anéantissement des mineurs gallois par Margareth Thatcher et celui des dockers de Liverpool par son successeur John Major.
  • La Pologne a toujours été le cheval de Troie des Etats-Unis en Europe. Avec l’aide du Pape Jean-Paul II et l’église polonaise, le syndicat Solidarnosc mène la lutte ouvrière contre la chape de plomb du régime communiste de Jaruselski. Plus que l’intérêt du peuple, le but premier est de faire avancer en Pologne un régime de droite, conservateur, ce qui sera confirmé par la suite avec toutes les mesures liberticides, dont la suppression du droit à l’avortement.

 Il est aisé de suivre à partir du 9 novembre 1989 le déferlement de la vague libérale qui a submergé l’Europe et qui nous conduit tout naturellement à la guerre en Ukraine, et peut-être à un conflit avec la Russie au déroulement imprévisible.

 Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin s’effondre et avec lui le pacte de Varsovie, regroupement des pays de l’Est sous la houlette de Moscou. C’est l’euphorie à l’Ouest, particulièrement chez les dirigeants américains qui sont prêts depuis longtemps à coloniser le monde soviétique. Les occidentaux gèrent pendant une dizaine d’année une guerre dans cette ex-Yougoslavie qui commence par la Slovénie, puis la Croatie, la Bosnie et le Kosovo. En mai 1999, sans mandat des Nations Unies, l’OTAN bombarde massivement la capitale serbe Belgrade.

  • Après la chute du mur, à partir de 1997, tous les pays du pacte de Varsovie, sauf la Biélorussie et l’Ukraine sont absorbés par l’OTAN. C’est une grande victoire pour les thèses de Milton Friedman, qui porte en germe la guerre que nous connaissons aujourd’hui.
  • On a vu le rôle de la troïka (FMI, BCE et Commission Européenne) dans la crise grecque. Le gouvernement d’Alexis Tsipras, censé être de gauche, a dû passer sous les fourches caudines de ces organismes financiers et accepter de mettre à genoux sa population, se discréditant par là-même auprès de ses électeurs et faisant la part belle au mouvement d’extrême droite Aube Dorée. Tout récemment on a pu constater les effets de la privatisation des chemins de fer grecs au profit de la société italienne Ferrovie dello Stato qui a conduit à l’accident qui a fait au bas mot 57 morts

 Et en France, qu’en est-il des thèses de Milton Friedman ?

 Le parti socialiste a été totalement imbibé de cette idéologie : Paul Quilès, ministre de Lionel Jospin lance la privatisation de France Télécom en 2004

On aura ensuite Dominique Strauss-Kahn, ex-patron du FMI, qui met en place le régime extrêmement favorable des stocks-options

On se souvient du discours de Vincennes de François Hollande en 2012, et son fameux « mon ennemi c’est la finance » qui sera suivi un mois plus tard à Londres de « I’m not dangerous ».

Et enfin, l’homme de Friedman, des Etats-Unis, de la finance, le président des riches, c’est Emmanuel Macron.

Son élection commence par un meeting de collecte à Las Vegas, dont les conditions d’organisation sont pour le moins douteuses. Puis des comptes de campagne validés à la va-vite, sur lesquels quelques doutes commencent à apparaître.

Les Etats-Unis gèrent la France au travers du cabinet Mc Kinsey, notre sécurité sociale finance Pfizer, l’institut Berggruen et l’institut Montaigne sont omni-présents. L’école est en voie de privatisation par le développement de la branche française de Teach for All, nommée « Le choix de l’Ecole ». Le fleuron de notre industrie, Alstom, a été bradé à General Electric. L’hôpital public part à la dérive.

Pour finir d’achever la destruction de ce que furent les acquis du Conseil National de la Résistance, il lui faut casser le système de retraites. Pour cela, on doit persuader les jeunes qu’ils n’auront pas de retraite ; il faut donc reculer au plus loin l’âge de la retraite et se diriger vers des retraites par capitalisation, au service des banques-assurances, pour ceux qui en ont les moyens.

 Pour les autres, MOUREZ !

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