On ne peut pas parler de George Ibrahim Abdallah sans connaître la situation géographique et politique du Liban.
Le Liban est un pays du Moyen-Orient de 10 500km² (~ dépt de la Gironde) et peuplé de 5.800 000 habitants soit 3,5 fois plus dense.
C’est une bande bordée à l’Est par des montagnes et à l’Ouest par la mer Méditerranée. Ses pays limitrophes sont au Nord et à l’Est sur 376 km la Syrie, et au Sud sur 80 km Israël. Le régime politique est basé sur le confessionnalisme, c-à-d que les postes de responsabilité sont distribués suivant le poids des communautés religieuses au nombre de 18.
Damas est à une centaine de km de Beyrouth.
Une histoire riche et complexe : Byblos fondée au IVe millénaire. Les Phéniciens, navigateurs et commerçants colonisèrent tout le bassin méditerranéen ( commerce de la pourpre obtenue à partir du Murex ) et fondèrent de nombreuses cités : Carthage, Palerme, Cadix, Tanger…
L’indépendance s’achève au IVe siècle avant J.-C. Avec l’arrivée des Perses qui seront balayés par Alexandre le grand en 333 avant J.-C. Pour devenir une province romaine en 54 avant JC. Puis vinrent les conquérants omeyyades (635), francs (1098-1292), mamelouks d’Égypte (1292-1516).
Au XVIe siècle, c’est un émirat druze vassal de la puissance ottomane. Il y aura des relations avec les états occidentaux : la France de François 1er et les principautés italiennes.
Au XIXe siècle le Liban devient le terrain privilégié de la rivalité des puissances européennes. Beyrouth est alors le 2e port de l’Empire ottoman et la montagne libanaise est le premier fournisseur de cocons de l’industrie lyonnaise de la soie.
Grande-Bretagne, France, Autriche et Russie trouvent chacune dans une communauté un appui à leurs ambitions politiques.
Des affrontements éclatent en 1840 entre druzes et maronites. Les Turcs en profitent pour supprimer l’émirat et rétablir l’administration directe du Liban en deux cantons.
Des massacres de chrétiens en 1860 suscitent l’intervention du corps expéditionnaire français et l’octroi d’une autonomie garantie par six puissances européennes en 1864.
A l’issue de la première guerre mondiale, il y a l’instauration d’un gouvernement arabe à Damas avec la proclamation en avril 1920 d’un royaume de Syrie qui réserve au Mont-Liban le statut de région autonome.
C’est à ce moment là que la SDN confie à la France un mandat sur les régions syriennes du Levant. Le général Gouraud fixe les frontières internationales du Grand-Liban le 1er septembre 1920.
Il y a à cette époque un réel développement économique qui transforme le Liban en place boursière internationale, qualifiée de « Suisse du Moyen-Orient ». Des mouvements d’indépendance se développent et le Liban obtient son indépendance le 22 novembre1943. Le Liban subit la contrepartie de sa financiarisation : la corruption. A partir de 1948, le Liban doit faire face à l’afflux de 140.000 réfugiés palestiniens, suite à la Nakbah, l’expulsion des arabes par les juifs, et une nouvelle vague en 1967 après la guerre des « Six Jours ». La situation se tend entre les chrétiens qui se tournent vers les occidentaux, et les palestiniens qui vivent dans des camps de réfugiés. Du 16 au 18 septembre 1982, les milices libanaises, aidées par les troupes israéliennes d’occupation, envahissent les camps de Sabra et Chatila et se livrent à une tuerie abominable, massacrant femmes, enfants, éventrant des femmes enceintes. La France, n’ayant pas oublié son passé colonial, conserve des troupes au Liban et un attentat contre l’immeuble le Drakkar en octobre 1983 provoque la mort de 48 parachutistes.
Macron, le sauveur, se précipite à Beyrouth lors de l’explosion du port, le 4 août 2020 en promettant de mettre fin à la corruption. Fidèle à lui-même, on ne l’y a pas revu. A noter qu’Ariel Sharon, pour éviter la justice internationale après Sabra et Chatila a provoqué la 2nde Intifada en violant l’Esplanade des Mosquées.
Qui est George Ibrahim Abdallah, incarcéré à la prison de Lannemezan sous le n° d’écrou 2388/A221 ? Il est le plus ancien prisonnier d’une prison européenne, et libérable de puis le 25 octobre 1999. Agé de 74 ans, il est incarcéré depuis 1984, il y a 40 ans soit 14728 jours
Comment a-t-il été interpellé ?
Un individu est arrêté à Trieste en Italie avec des explosifs ; la piste conduit à un appartement lyonnais dont le locataire est mis en filature. Craignant être suivi ar le Mossad, il se rend au commissariat où on lui demande son passeport. Il est en possession d’un faux passeport algérien ; un autre, maltais, sera retrouvé dans son appartement. Il est alors arrêté le 24 octobre 1984. Il est identifié 15 jours plus tard comme George Ibrahim Abdallah, ressortissant libanais , chrétien, communiste, pro-palestinien et fondateur des FARL, les Forces Armées Révolutionnaires Libanaises qui revendiquent plusieurs attentats en France :
Le 12/01/81, tentative d’assassinat contre Christian CHAPMAN chargé d’affaires à l’ambassade US
Le 18/01/82 assassinat de Charles RAY attaché militaire à l’ambassade U.S.
Le 03/04/82 assassinat de Yakov BARSIMENTOV, 2ème secrétaire ambassade Israël.
Septembre 82 explosion voiture piégée devant le Lycée Carnot
26/03/84 tentative d’assassinat du Consul américain à Strasbourg HOMME
Les FARL apparaissent à la suite de l’invasion du Liban par Israel, avec 90.000 soldats, le 6 juin 1982 qui provoquera 20000 morts libanais et palestiniens. Et du 16 au 18 septembre, c’est le massacre de Sabra et Chatila, orchestré par Israël.
Le 23/03/1985, Gilles PEYROLLES, directeur du centre culturel de Tripoli est enlevé ; Les FARL menacent de l’exécuter si George Ibrahim Abdallah n’est pas libéré.
Yves BONNET, directeur de la DST est favorable à la libération de Abdallah, suspecté uniquement de faux papiers et détention d’armes. Gilles PEYROLLES est libéré, mais Abadallah ne l’est pas, car l’arme qui a servi à tuer RAY et BARSIMENTOV est découverte dans un appartement où est passé Abdallah. Coïncidence ? Ceci ressemble étrangement aux « Irlandais de Vincennes », toujours sou le règne Mitterrand.
Un 1er procès en juillet 1986 Accusé de détention de faux papiers, association de malfaiteurs et détention d’armes, Georges Ibrahim Abdallah est condamné à 4 ans de prison.
Les ETATS-UNIS entrent alors en action pour mettre en place un procès pour complicité d’assassinat.
En juillet 86, William CASEY, directeur de la CIA rencontre Robert PANDRAUD, ministre délégué à la sécurité de Charles PASQUA ; il lui rappelle que REAGAN a évoqué le cas ABDALLAH lors de sa rencontre avec MITTERRAND le 4 juillet pour le centenaire de la statue de la Liberté. PANDRAUD sait que les E.U. ont envoyé un émissaire auprès du juge d’instruction pour faire pression. Selon Patrick de MERITENS, journaliste, CASEY annonce clairement : « Si jamais la France ne condamne pas Abdallah à perpétuité, ça va mal se passer entre nos deux pays. Il y aura rupture diplomatique ; ce sera le scandale absolu »
PANDRAUD lui propose alors de le libérer et de laisser la CIA le liquider à son retour au Liban.
Alain MARSAUD cherche des indices de l’implication d’Abdallah dans les attentats de Paris et ne trouve rien malgré plusieurs déplacements à Chypre et au Moyen-Orient. Bernard GERARD, patron de la DST, déclare à J LES SUEUR (Le Point) le surlendemain de la rue de Rennes : « La piste la pus sérieuse nous mène à des sympathisants pro-iraniens ». Il faut noter qu’à l’époque c’est la guerre Iran-Irak et la France livre des armes à l’Irak de Saddam Hussein et ne veut plus lvrer à l’Iran d’uranium enrichi. Tous les médias chargent ABDALLAH et Edwy PLENEL reconnaîtra par la suite le « plantage »
Entre décembre 1985 et le 17 septembre 1986 (rue de Rennes 7 morts 55 blessés) il y a eu 8 attentas, dont 7 à Paris. Ils sont revendiqués par le CSPPA, Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques Arabes et Palestiniens , qui demande entre autres la libération de George Ibrahim Abdallah. En fait les auteurs s’avèreront des membres du Hezbollah iranien, commandés par Fouad Ali Saleh.
Robert PANDRAUD écrit dans un livre paru en 1996 :
« Nous avions lancé la piste des FARL sur la base des 1ers témoignages même si nous savions que pour des Français qui pensaient avoir reconnu les frères Abdallah sur les lieux des attentats, tous les barbus proches-orientaux se ressemblent. Nos contacts, notamment algériens nous assurent que le clan Abdallah n’est pour rien dans ces attentats mais ne nous en apportent pas la preuve. Je me suis dit que, au fond, mettre en avant la piste Abdallah ne ferait pas de mal, même si ça ne faisait pas de bien. En réalité, nous n’avions alors aucune piste ».
Les ETATS-UNIS se portent partie civile dans ce dossier, ce qui est exceptionnel et prend pour avocat Georges Kiejmann, et Steve KASHKETT, chargé de la lutte anti-terroriste à l’ambassade américaine à Paris se met en contact direct en 1986 avec le juge BOULOUQUE qui instruit le dossier : Il déclare à J. LE SUEUR (Le Point) : Quand je l’ai rencontré, je lui ai offert l’appui du gouvernement américain dans son enquête, je lui ai exprimé notre opinion que Abdallah était le chef et le cerveau d’un groupe terroriste assez dangereux et que à mon avis c’était un procès très important dans la lutte anti-terroriste. »
Le 2nd procès s’ouvre le 23 février 1987.
D’entrée George Ibrahim Abdallah fait une déclaration :
« Je suis ici pour vous demander de bien vouloir laver vos mainsmaculées de notre sang et du sang de nos gosses avant de prétendre nous juger. Je veux redire à cette cour, vous laissant le plaisir d’écouter le représentant du bourreau vomir sa haine contre les déshérités de la terre »
A l’issue des plaidoiries, le procureur général a demandé de «ne pas prononcer à l’encontre de l’accusé une peine de réclusion criminelle qui soit supérieure à 10 ans.» Il faut dire que la veille, le procureur général de Paris l’a convoqué pour lui passer la consigne. Après 5 jours de procès, George Ibrahim Abdallah est condamné le 28/02/1987 à la réclusion criminelle à perpétuité.
Le 6 mars 1987, Jean-Claude MAZURIER, l’avocat d’Abdallah reconnaît avoir livré à la DGSE les renseignements que lui donnait Abdallah. Il déclare à la télévision : « J’ai les mains sales, j’ai fait un sale boulot. Le fait d’avoir trahi Abdallah fait que moralement, je ne me sens plus capable d’exercer cette profession ». . Il confirme dans un livre paru en 1987 : « L’Agent noir, une taupe dans l’affaire Abdallah » chez Robert Laffont. Il sera radié du Barreau et lâché par l’Etat. On lui refusera tous les emplois
D’après le droit français, G. I. ABDALLAH est libérable depuis 1999.A partir de cette date, les demandes de libération conditionnelle se succèdent, toutes rejetées, car la pression américaine est permanente. Selon Wikileaks, les administrations américaines, de George. BUSH à Joe BIDEN suivent le dossier avec assiduité et maintiennent la pression.
En 2003, la juridiction de Pau accepte la demande de libération, qui est rejetée par la Cour d’Appel de Paris saisie à la demande de Dominique Perben, ministre de la justice
En 2005, les services français invoquent une prétendue conversion à l’islam pour entraver toute libération conditionnelle.
Le 11/01/2013, Hillary CLINTON, secrétaire d’Etat écrit à Laurent Fabius, minisre des Affaires Etrangères :
« Cher Laurent, je voulais pendre un moment pour votre soutien pendant mon mandat. George Ibrahim Abdallah a été condamné à la prison à vie en 1987 pour sa participation dans les meurtres de l’attaché militaire anéricain Charles RAY et du diplomate israélien Yakov BARSIMENTOV ainsi que pour la tentative de meurtre du consul général américain à Strasbourg Robert HOMME. Bien que le gouvernement français n’ait pas l’autorité légale pour rejeter la décision de la Cour d’Appel, nous espérons que les autoroités françaises trouveront un moyen pour contester la légalité de cette décision. »
Manuel VALLS, en bon valet des Etats-Unis n’a pas signé l’arrêté d’expulsion et la Cour de Cassation a cassé l’arrêté 3 mois plus tard.
Juste avant la présidentielle de 2017, l’ambassadeur américain écrit à Washington le 27 avril : (Wikileaks)
« L’ambassadeur a reçu une lettre du directeur de cabinet du ministre français de la Justice l’informant que le procureur général avait donné l’instruction de s’opposer à la demande de libération conditionnelle de George Ibrahim Abdallah. Le soutien du gouvernement français est vital pour notre affaire, notamment parce qu’il peut faire appel en cas de libération conditionnelle d’Abdallah. L’ambassadeur a répondu en exprimnt sa gratitude et en demandant que le ministre de la justice informe son successeur de l’importance de l’affaire. Le soutien du gouvernement français est vital pour notre affaire, notamment parce qu’il peut faire appel en cas de libération conditionnelle d’Abdallah. »
De nombreux protagonistes de l’époque ont pris position en faveur de la libération d’Abdallah : Alain Marsaud, juge anti-terroriste, Yves BONNET, ex-patron de la DST, négociateur de l’échange PEYROLLES-ABDALLAH, conseiller régional RN de Normandie écrit dans La Dépêche en 2012 :
« Je considère qu'il avait le droit de revendiquer les actes commis par les FARL comme des actes de résistance. Après on peut ne pas être d'accord, c'est un autre débat. Mais il faut se souvenir du contexte, aussi, des massacres de Sabra et Chatila dont les coupables n'ont jamais été punis. Et aujourd'hui, la France garde cet homme derrière les barreaux alors qu'elle a libéré Maurice Papon ? »
Annie Ernaux, prix Nobel de littérature et beaucoup d’autres personnalités ont signé un appel à la libération de George Ibrahim Abdallah.
Le 15 novembre 2024, le Tribunal d’Application des Peines a accepté la demande de libération de Georges Ibrahim Abdallah ; le Parquet National Anti-Terroriste a fait appel. La décision qui devait être rendue ce 20 février 2025 a été reportée au 19 juin, au prétexte qu’il puisse ainsi justifier de l’indemnisation des parties civiles, ce qu’il continuera vraisemblablement à refuser.
Il va donc retrouver à la prison de Lannemezan sa cellule de 9 m² et son n°d’écrou 2388/A221
Georges Ibrahim Abdallah est une nouvelle fois victime d’un avocat manipulé par la DST et de la servilité d’un gouvernement français à la solde de l’impérialisme américain et du sionisme. Condamné sans preuve pour l’assassinat De Charles RAY, sans doute agent de la CIA, et à tort pour celui de Yakov BARSIMENTOV, probable agent du Mossad, dont l’assassin, Jacqueline ESBER, membre des FARL, est décédée en 2016