Ecole annexe intégrée à l'Ecole Normale de filles de La Rochelle, enseignant donc devant des normaliennes, puis suivant leurs premières années de pratique en école annexe, puis en responsabilité à l'extérieur. Quant à l'expérimentation "Méthode globale" elle était suivie par la directrice et les professeurs de français de l'école normale et par les équipes de l'inspection d'académie et du rectorat à Poitiers où s'effectuaient les mises en commun critiques et synthèses.
A l'époque les feutres n'existaient pas. Mon père coupaient des morceaux de bambous dans le jardin que ma mère trempait dans des encres de couleur pour écrire avec application, en cursive, sur grandes feuilles de bristol blanc quadrillé et épais, le texte du jour, généralement extrait d'un conte qui - à confirmer - avait préalablement été lu ou raconté aux enfants, comme ce "Maccoco" qui plaisait beaucoup aux petits... Plusieurs albums étaient dans la classe, à disposition des élèves, comme d'autres livres dont on leur lisait un fragment tous les soirs...
Bristol affiché -> situation problème : comment ces signes cabalistiques pouvaient-ils porter ce nouvel extrait de l'histoire de "Maccoco". Et là chacun cherchait à identifier des mots, reconnaissait des lettres et associations de lettres connues. Comme un jeu, une énigme à résoudre pour découvrir l'épisode de l'histoire. Un travail de recherche, inductif,d'où émergeaient des acquisitions de mots ou groupes de mots qui, affichés à leur tour sur étiquettes de bristol, devenaient un bien commun de la classe... comme les syllabes extraites...
Un travail laborieux mais basé sur le conte, et ludique dans ces essais de déchiffrage des enfants qu'on voyait intéressés sinon passionnés par ces démarches de découverte où la construction et le maniement de la combinatoire, comme un jeu, formaient le pouvoir de savoir seuls déchiffrer et retrouver l'histoire... Les parents étaient informés, initiés.
A Noël chacun savait lire...
Certes l'Ecole Normale et l'école annexe étaient dans un quartier où vivait une population plutôt aisée.
Pourquoi l'expérimentation, qui se révélait fructueuse n'a-t-elle donné lieu à généralisation, en dehors d'initiatives individuelles ? Utilisée dans l'enseignement spécialisé, entre autres méthodes allant toujours du sens à la découverte et construction des savoirs méthodologiques , elle s'y est révélée féconde. Mais les enseignants spécialisés avaient alors une année de formation universitaire à temps complet en psychologie, psycho-pathologie et pédagogie... Quant aux enseignants tout venant à l'école élémentaire ils faisaient des "remplacements" pendant plusieurs années avant de passer un CAP qui validait un travail individuel sans guère de formation institutionnelle.
Des études scientifiques ont-elles été faites sur les pratiques de l'école et leurs incidences sur les apprentissages des enfants?
L'hypothèse émerge que s'il y a eu échec, ce qui reste à vérifier, c'est parce que la mise en oeuvre de cette "méthode" demandait un haut niveau de formation et d'investissement des enseignants à une époque où la croissance des effectifs a conduit à l'emploi de beaucoup d'"intérimaires" sans formation et à l'insuffisance en nombre et niveau de formation des formateurs et autres conseillers pédagogiques sur le terrain. En un mot il ne semble pas que ce ne soit tant la méthode qu'il convienne de critiquer que les conditions de travail d'enseignants "formés" sur le tas au début des années 60 - quand, de plus l'évolution des mathématiques a vite exigé, aussi, une autre formation des enseignants tant au niveau de la discipline même que de son enseignement.
Comme si la critique de la méthode avait servi de cache-misère vis-à-vis des conditions de travail faites à ces jeunes enseignants qui sillonnaient les routes comme parfois du sud-est de Paris le matin au nord de Paris l'après-midi sans même la possibilité de pouvoir arriver à l'heure sur le poste de l'après-midi.
Un beau sujet de thèse en sciences de l'éducation (volets historique et institutionnel)...