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Billet de blog 19 août 2015

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Levallois, Louise Michel & Taslitzky ?

Par delà des données locales, par ailleurs symboliques, ce scandaleux fait-divers n'est-il lié à un problème de fond ? 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par delà des données locales, par ailleurs symboliques, ce scandaleux fait-divers n'est-il lié à un problème de fond ? 

L'art dérange parce qu'il fait réfléchir et développe les capacités de réflexion et d'action de chacun et de tous.

Quand pour la seconde fois en quelques mois une oeuvre du parcours d'art de Saint-Apollinaire-de-Rias, village de 200h en Ardèche profonde, est victime d'un vol (il y a qualques mois) puis refaite et réinstallée par l'artiste, endommagée, il y a quelques jours, par une nouvelle tentative de vol ou destruction, il y a de quoi s'inquiéter.

Le "Demain c'est loin" de Pablo Garcia  renvoie certes au groupe "I am", mais aussi au non signalement sur l'autoroute Narbonne-Bordeaux, avant Toulouse, du camp de Bram où furent internés par le gouvernement français de l'époque, les républicains/réfugiés espagnols de la "Retirada" comme à Rivesaltes ou autres camps, dont, en Ardèche, celui de Chomérac.

Vols, destructions, vandalismes de lourde portée. L'art est moyen de connaissance, comme les sciences, la philosophie...intervenant souvent avant constitution des problématiques scientifiques et simples "mises en mots"... Non parce qu'il serait "prémonitoire" - comme cela a souvent été dit de l'expressionisme allemand (cf aussi "le cri" de Munch...) - mais parce qu'établissant, souvent par l'image, des liens non encore verbalisés, des courts-circuits osés, l'art creuse autrement la société de son temps, ses évolutions, ce qui y émerge... Une puissance grammatisante de l'image avant mises en mots, plus proche d'un poétique polysémique & où la forme fait sens que de l'explicatif.

Un domaine insuffisamment travaillé dans le système scolaire ce qui ne peut qu'accroître les inégalités et la "reproduction sociale"et s'avère peu favorable au développement des capacités d'initiatives populaires.

Et pourtant... Nous pourrions évoquer l'intervention de Bernard Stora aux Rias (association culturelle, loi 1901), il y a quelques années, sur ce thème - à notre demande-  intervention étayée par un travail approfondi sur "Le grand Charles"... Où en l'absence de documents historiques les comédiens ont inventé une scène - une construction fictionnelle - validée quelques mois plus tard par la découverte de documents inédits. 

Bref, une puissance cognitive de l'art, contribuant à la formation intellectuelle, aux capacités de compréhension et prise de décision, y compris collective. Donc outil de formation à l'exercice innovant et sous des formes émergentes de la démocratie ?  De quoi faire peur ! Et une dimension irréductible au seul cas de Levallois, ce qui donne plus de poids encore aux demandes de sauvetage de la fresque...

Un phénomène qui n'est pas nouveau... Cf Goebbels "quand j'entends parler de culture, je tire mon revolver", les livres brûlés par les nazis, l'inquisition, les mains coupées du guitariste, l'atroce exécution de Lorca... Cf les difficultés des poètes allemands après 1945 à utiliser la langue des bourreaux... les échanges Celan/Adorno... Cf l'extinction par le stalinisme du formidable essor artistique qui a suivi, à ses débuts, la révolution russe, le suicide de Maäkovski, la publication par Les Lettres françaises du portrait de Staline par Picasso, l'autorisation que s'est donnée Miro d'utiliser des coulures, exceptionnellement dans ses toiles d'hommage aux derniers garottés du franquisme...

Bref le souhait que les symboliques évènements de Levallois, soient comme "coup de bêche dans le terreau de l'histoire"pour développer une nécessaire et urgente réflexion sur la formation scolaire et non scolaire de la population à l'art contemporain (donc à l'art tout court) quand maintes pratiques, même sans démolitions physiques ni vandalisme, entraînent néanmoins de redoutables confusions...

On pourrait, en contre-exemple évoquer la remarquable et populaire exposition présentée en 2014 à la Cité des sciences de La Villette sur art et robotique (et notamment ces vagues de lits médicalisés...)...

Une réfexion de fond qui s'impose d'urgence sur art (donc contemporain), numérique et citoyenneté (nouvelles formes de citoyennetés, inédites et planétaires...

NB. Comme ici, en petit village d'Ardèche, l'oeuvre/ponton de Tallagrand, de plus tête de réseau numérique du "réel enrichi par tous du parcours d'art", érigé en un lieu, à plus de 700m d'altitude, baigné par la mer il y a 200 à 230 millions d'années, fait beaucoup réfléchir au changement climatique et aux mesures à prendre (même pour ceux qui contestent le fait qu'un ponton puisse être une oeuvre d'art, celle-ci fonctionne bien en tant que telle)...

-> Donc le souhait que le regrettable fait-divers de Levallois débouche, par delà de simples commentaires, même tout à fait justifiés, sur un urgent débat de fond sur art, numérique et nouvelles formes de citoyenneté... 

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