Les hommes pour apaiser leur faim
N'ont pas assez des fruits que Dieu met sous leur main.
Par un crime envers Dieu dont frémit la nature,
Ils demandent au sang une autre nourriture.
Dans leur cité fangeuse, il coule par ruisseaux,
Les cadavres y sont étalés en monceaux.
Ils trainent par les pieds, des fleurs de la prairie,
L'innocente brebis que leur main a nourrie.
Et sous l'oeil de l'agneau, l'égorgeant sans remords,
Ils savourent ses chairs et vivent de sa mort.
De cruels aliments incessamment repus
Toute pitié s'efface en leurs coeurs corrompus.
Et leur oeil qu'au forfait le forfait habitue
Aime le sang qui coule et l'innocent qu'on tue.
Ils aiguisent le fer en flèches, en poignards.
Du métier de tuer, ils ont fait un grand art.
Le meurtre par milliers s'appelle une victoire,
C'est en lettres de sang que l'on écrit la gloire.
Lamartine.