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Billet de blog 1 février 2025

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Trace 135-Ages de la vie 2

"Et surtout, surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée." Ariane Mnouchkine

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 « Et surtout, surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. Ils en sont encore aux tout premiers chapitres d’une longue et fabuleuse épopée dont  ils seront, non pas les rouages muets, mais au contraire, les inévitables auteurs. Il faut qu’ils sachent que, ô merveille, ils ont une œuvre, faite de mille œuvres, à accomplir, ensemble, avec leurs enfants et les enfants de leurs enfants.

Disons-le, haut et fort, car, beaucoup d’entre eux ont entendu le contraire, et je crois, moi, que cela les désespère.

Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n’est pas encore terminée et qu’elle leur appartient. » Ariane Mnouchkine, vœux pour 2014.

Certes …

Enfants, de In-fans « Celui qui ne parle pas », ou bien celle que l’on ne veut pas entendre : belle et salutaire colère de Greta Thunberg devant l’ONU :

"Ce n'est pas normal. Je ne devrais pas être ici. Je devrais être en classe de l'autre côté de l'océan.

Et pourtant vous venez tous nous demander d'espérer à nous les jeunes. Comment osez-vous ? 

Vous avez volé mes rêves et ma jeunesse avec vos mots creux. Et encore, je fais partie des plus chanceux ! Des gens souffrent, des gens meurent, et des écosystèmes s'écroulent. Nous sommes au début d'une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez c'est d'argent, et de contes de fées racontant une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ?

Depuis plus de 30 ans, la science est parfaitement claire. Comment osez-vous encore regarder ailleurs ?

Vous venez ici pour dire que vous faites assez, alors que les politiques et les actions nécessaires sont inexistantes.

Vous dites que vous nous entendez et que vous savez que c'est urgent, mais peu importe que je sois triste ou énervée, je ne veux pas y croire. Car si vous comprenez vraiment la situation, tout en continuant d'échouer, c'est que vous êtes mauvais, et ça je refuse de le penser.

L'idée commune qui consiste à réduire nos émissions de moitié dans dix ans ne nous donne que 50% de chances de rester en dessous des 1,5° de réchauffement, et du risque d’entraîner des réactions en chaîne irréversibles et incontrôlables. 50%, c'est peut-être acceptable à vos yeux, mais ce nombre ne comprend ni les moments de bascule, ni les réactions en chaîne, ni le réchauffement supplémentaire caché par la pollution toxique de l'air ou les notions d'égalité et de justice climatique…

Comment pouvez-vous prétendre que ceci peut être résolu en faisant comme d'habitude, avec quelques solutions techniques ?

Avec les niveaux d'émissions actuels, le budget CO2 aura entièrement disparu en moins de huit ans et demi. Aucune solution, aucun plan ne sera présenté pour résoudre ce problème ici, car ces chiffres dérangent, et que vous n'êtes pas assez matures pour dire la vérité.

Vous nous laissez tomber. Mais les jeunes commencent à voir votre trahison. Les yeux de toutes les générations futures sont tournés vers vous. Et si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis : nous ne vous pardonnerons jamais ! Nous ne vous laisserons pas vous en sortir. Nous mettons une limite, ici et maintenant : le monde se réveille et le changement arrive, que cela vous plaise ou non. Merci !" 23 septembre 2019.

Hélas, lui donnent raison le nombre croissant de suicides d’enfants en France, et dans le monde :

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/04/25/c-est-tres-evident-et-c-est-tres-franc-inquietude-face-a-la-hausse-constante-des-tentatives-de-suicide-chez-les-jeunes_6123575_1650684.html

“Les dernières données montrent que l’augmentation des gestes suicidaires se poursuit en 2022 chez les mineurs, principalement chez les filles. Une situation d’autant plus préoccupante que l’offre de soins est saturée. Dans toute la France, les professionnels de santé de l’enfance appellent à une mobilisation collective. » Le Monde

L’éco-anxiété pourrait être un des facteurs premiers de ce malaise profond :

https://reporterre.net/Ecoanxiete-ces-jeunes-racontent-le-mal-qui-les-rongent

“L’état dans lequel nous laissons entrevoir notre futur n’est pas acceptable. Il m’arrive parfois de me dire que se battre ne sert plus à rien, qu’il faut abandonner et arrêter de donner de l’énergie pour un combat déjà perdu. Ce sentiment me poursuit au quotidien, dans tous les aspects de ma vie. J’ai changé mon alimentation et ma façon de voir les choses. Je ne souhaite pas avoir d’enfant, je ne veux pas laisser quelqu’un vivre dans le monde que nous sommes en train de bâtir.” Marina, citée par Reporterre.

Il est vain de leur montrer combien depuis le XIXème siècle, et les lois contre le travail des enfants, les conditions ont changées, qu’il est révolu, le temps de Cosette : « Cosette était maigre et blême. Elle avait près de huit ans, on lui en eût donné à peine six. Ses grands yeux enfoncés dans une sorte d’ombre profonde étaient presque éteints à force d’avoir pleuré. Les coins de sa bouche avaient cette courbe de l’angoisse habituelle, qu’on observe chez les condamnés et chez les malades désespérés. Le feu qui l’éclairait en ce moment faisait saillir les angles de ses os et rendait sa maigreur affreusement visible. Comme elle grelottait toujours, elle avait pris l’habitude de serrer ses deux genoux l’un contre l’autre./…/ Toute la personne de cette enfant, son allure, son attitude, le son de sa voix, ses intervalles entre un mot et l’autre, son regard, son silence, son moindre geste, exprimaient et traduisaient une seule idée : la crainte. La crainte était répandue sur elle ; elle en était pour ainsi dire couverte ; la crainte ramenait ses coudes contre ses hanches, retirait ses talons sous ses jupes, lui faisait tenir le moins de place possible, ne lui laissait de souffle que le nécessaire, et était devenue ce qu’on pourrait appeler son habitude de corps, sans variation possible que d’augmenter. Il y avait au fond de sa prunelle un coin étonné où était la terreur. » Victor Hugo, “Les Misérables” (1862).

Portrait hélas actuel, car aujourd’hui, 160 millions d’enfants, travaillent  durement dans le monde : mines, agriculture, déchets … c’est même en recrudescence :

https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/06/10/le-travail-des-enfants-en-recrudescence-pour-la-premiere-fois-en-vingt-ans_6083540_3244.html

https://www.unicef.org/fr/communiqu%C3%A9s-de-presse/travail-des-enfants-atteint-160-millions-en-hausse-pour-la-premiere-fois-depuis-20ans

Parmi les produits fabriqués par des enfants, les smartphones, qui servent à permettre aux enfants d’ici de fournir eux aussi un travail gratuit, jusqu’à 4 h par jour, au service de ceux qui vivent de l’attention (voir Traces 111), et l’exploitent : les GAFA.

https://fr.statista.com/statistiques/690016/temps-passe-telephone-mobile-smartphone-age-france/

“Il faut comprendre que l’utilisation des smartphones dès le plus jeune âge nuit au bon développement du cerveau. Les appareils mobiles habituent rapidement le cerveau à leur utilisation par la production de la dopamine, plus connue sous le nom d’hormone du plaisir. La stimulation constante du cerveau, générée par les écrans provoque des « chocs cérébraux ». Il en résulte un phénomène de dépendance rapide chez les plus petits….Une exposition au numérique trop jeune déconnecte l’enfant des besoins de base nécessaires à son bon développement : l’alimentation, le sommeil, l’activité physique, le jeu, l’imagination et l’expérimentation concrète des objets physiques.

Si les enfants en bas-âge s’habituent aux écrans, le cerveau perd sa capacité à aller chercher sa dose de dopamine. Pourquoi aller jouer, sortir dehors, se faire des copains pour obtenir de la dopamine puisqu’on peut l’obtenir facilement avec son écran ?”

Quelles histoires raconter aux enfants, pour prendre la place de cette sujétion, et reconnecter avec le monde ? Mon père nous lisait chaque soir « Le merveilleux voyage de Nils Holgersson » de Selma Lagerlöf (1906) un des premiers romans écologiques : voyageant sur le dos de l’oie Akka, Nils découvre la vie des animaux, parlant leur langage, et accède ainsi à l’état d’homme…je viens de là, du  dos d’Akka.

Ou bien quelles histoires nous racontent-ils, les in-fans, quand on les laisse parler, en un parlement, comme à Tilonia ? (Trace 85) : https://www.peripleenlademeure.com/spip.php?article108

« Autre spécificité du collège : depuis sept ans, le contrôle, l’administration et la supervision des 150 écoles du soir sont assurés par un Parlement des enfants dont les membres sont élus pour deux ans par 3 000 enfants âgés de 9 à 14 ans. Le « premier ministre » forme un cabinet de dix ministres pourvus de portefeuilles spécifiques : éducation, énergie alternative, développement féminin, emploi, intérieur, etc. Les ministres, eux-mêmes garçons et filles de 9 à 14 ans, ont le pouvoir de recruter et licencier les enseignants, de visiter chaque école du soir et de faire un rapport au cabinet qui prend toutes les décisions importantes…Nous doutons que le pouvoir de ceux-ci soit aussi étendu que ce qui est affirmé par Bunker Roy. Néanmoins, donner la parole aux enfants constitue certainement une rupture culturelle évidente. »

Ici, les expériences se multiplient, pour donner à vivre aux enfants un autre rapport avec le vivant qui les entoure, comme à l’école des Tritons : https://zad.nadir.org/spip.php?article6805

Nous avons essayé de participer au mouvement, avec AAUN et Atelier NAO, dans le projet de l’école d’Argelliers, et sa cour de garrigue intouchée (espérons, le chantier est en cours). L’école de Nils Holgersson fut école buissonnière, ainsi appelions nous aussi notre projet…Nous en parlerons dans les prochains textes sur l’artificialisation des sols…

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