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Billet de blog 1 décembre 2024

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Trace 19 - Villes 5 : Bastides 1

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Qui suit la présente démarche peut se demander à bon droit comment peut-on imaginer que l’on puisse mettre en place, en peu de temps, tant de villes, basées sur une conception urbaine originale, permettant à la fois un développement urbain et agricole, le tout permettant également un autre type, sinon de démocratie, du moins de partages des pouvoirs ? Comment des pouvoirs centraux peuvent-ils envisager, voire encourager, la création de nouveaux centres urbains ?

La réponse, nous la cherchons, nous la chercherons. Mais il n’est pas inutile, comme nous l’avons fait ici pour les villes déjà, pour l’eau aussi, pour les migrations enfin,… d’explorer le passé.

Un passé qui est aussi mon passé : les bastides, dont il sera ici question, furent le cadre de mon enfance : c’était le marché avec le grand-père à Monségur ou Sauveterre de Guyenne, en Gironde. Plus tard les recherches de musiques traditionnelles m’ont entraîné à découvrir Cologne ou Fleurance, dans le Gers. Enfin, j’ai vécu et travaillé comme charpentier à Montbrun-Bocage, près de Montesquieu-Volvestre.

Ainsi, pendant 40 ans, chaque petite ville  du Sud-Ouest avait pour moi cette forme archétypale en quadrilatère , avec sa place centrale et sa halle …Toutes ces villes, ou villages cités font partie des quelques 300 à 500 bastides du Sud-Ouest. Que l’on s’imagine l’effort de construction de 500 villes au XIIIème siècle !

Y vivre, y passer juste, fait encore aujourd’hui apprécier la pertinence de la trame urbaine, des espaces, dont la place centrale et ses couverts, l’échelle humaine de ces lieux qui furent créés de toutes pièces, en l’espace d’un siècle environ, et qui subsistent encore pour la plupart 800 ans après leur création.

De quoi se pencher sur cette histoire. Le Wikipédia  consacré aux bastides, très documenté, sera abondamment cité ici, avec les contrepoints contemporains qui s’imposent.

« Dans la seconde partie du Moyen Âge et son essor économique, les habitants des villes renouent avec cette volonté de gérer et défendre ensemble la chose commune qu'est la Cité. Cela explique l'émergence du mouvement des révoltes communales dès le XIème siècle./…/

L’originalité de la bastide ne vient pas des progrès techniques, mais d'une réflexion qui vise à la fois à en faire un modèle attractif fondé sur la "paix sociale" et l'égalitarisme et aussi une technique de tracé totalement nouvelle. »W.

Nous n’attendons rien en effet d’un quelconque progrès technique : nous avons tout ce qu’il nous faut pour inventer une solution : elle est politique, dans tous les sens du terme, et non technique.

« Durant le Moyen Âge, le Sud-ouest de la France actuelle est une zone de friction entre trois zones d'influence : celle des rois de France, d'Espagne et d'Angleterre. L'enjeu en est le duché d'Aquitaine et le comté de Toulouse. C'est dans cette région que vont surgir durant 150 ans ces nouvelles cités, appelées bastides, au fil des gouvernances et des conflits. »W.

« L'antagonisme franco-anglais poussant Alphonse de Poitiers à fonder des bastides en limite du duché d'Aquitaine. L'implantation du pouvoir royal français sur le comté de Toulouse annexé est aussi une raison de fondation. »W

Ces cités apparaissent comme des pions d’un jeu de go, entre, pour simplifier, roi de France et roi d’Angleterre, le terrain de jeu étant l’Aquitaine.

Mais des pions qui, comme  les pions d’échec dans Alice de l’autre côté du miroir, acquièrent leur autonomie en profitant de leur position stratégique, de la même façon que les communes italiennes du onzième siècle ont tiré parti de l’opposition entre empereur et pape.

Aujourd’hui que les élus américains se bornent lors d’une audition « historique » à demander aux dirigeants des GAFA d’être gentils :

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/30/historique-attendue-inedite-une-audition-hostile-pour-les-dirigeants

Le monde apparaît clairement divisé entre entreprises régnantes, et états-nations réduits à dresser, comme unique prérogative restante, des murailles dérisoires que les vents balaient

https://twitter.com/ParisPasRose/status/1287503747464204289?s=09&fbclid=IwAR1fnXODZTVhr2RO1uvAjhh2U9KXf5ZpgUo13imQjBj4oWQBHCcvYDsP9s8

C’est le moment d’en profiter.

 « L'historien Félix de Verneilh définit les bastides comme : «… des villes neuves bâties tout d'un coup, en une seule fois, sous l'empire d'une seule volonté…». Alcide Curie-Seimbres reprendra cette définition en la précisant : « Les bastides furent toutes fondées a novo, d'un seul jet, à une date précise, sur un plan préconçu, généralement uniforme, et cela dans la période d'une centaine d'années (1250-1350)»W

« ….la création de ces nouveaux établissements et surtout les règles de gestion proposées traduiraient la volonté des pouvoirs locaux d’échapper au mouvement de l'émancipation communale qui prend vigueur à la même époque. Cela conduit donc à l'attribution de chartes et de franchises réclamées par les habitants des villes qu'ils soient bourgeois ou artisans et aussi leur volonté de se soustraire à l'arbitraire du pouvoir féodal ou abbatial et à leurs impôts.

 Ces fondations répondent à un certain nombre de caractéristiques communes et originales d'ordre politiqueéconomique et urbain, dans le contexte de l’essor urbain exceptionnel en Europe dans la seconde partie du Moyen Âge après l’An Mil qui induit un essor démographique important et aussi une velléité d'autonomie de la part des habitants des villes au regard des pouvoirs locaux, laïcs comme religieux. »

Répondre à un essor démographique important, et en faire un atout économique : ce qui a été reproché à Mme Merkel en 2015, mais sans traduire cela par des salaires de misère, comme en Allemagne.

Répondre par ailleurs au souci exprimé notamment par les gilets jaunes d’une désertification du territoire rural est un autre objectif : on ne peut pas déplorer une désertification des campagnes françaises, et dire qu’elles sont saturées et ne peuvent accueillir personne…

 « L’enjeu économique : la mise en valeur de terres incultes ou de forêts inexploitées est une des raisons économiques. De plus le développement de foires et de marchés dans les nouvelles bastides est le moyen de perception de revenus importants pour les fondateurs. »W

Aujourd’hui, la surface des forêts en France est redevenue plus ou moins la même qu’en 1250.

Un hectare de forêt vaut 4000 euros en moyenne. Un terrain agricole 6000 euros, un terrain constructible 1.460.000 euros. Combien chaque ville construite apporterait au patrimoine national ?

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