L’idée de Jacotot et de Rancière se développe aujourd’hui, en voici une preuve vivante :
En 2005, au cours d’un voyage d’étude au Vorarlberg, Mecque de la construction en bois, j’ai eu la chance de découvrir Bunker Roy, venu à Bregenz pour y tenir une conférence : c’est là mon meilleur souvenir de ce voyage. Voici une de ses conférences : vous comprendrez pourquoi je dis cela !
https://www.ted.com/talks/bunker_roy_learning_from_a_barefoot_movement?language=fr#t-314039
Faute de m’être rendu moi-même à Tilonia, j’ai rassemblé ici :
La notice Wikipedia sur Barefoot College, dûment référencée.
Le récit de voyageurs enquêtant sur le thème : « Périple en la demeure » (PELD)
http://www.peripleenlademeure.com/spip.php?article108
On peut aussi lire dans Libération un article sur les « grand-mères » de Barefoot College.
https://www.liberation.fr/planete/2012/12/23/les-solar-mamas-font-des-etincelles_869691
Les textes cités ici se passent de commentaires, et permettent de comprendre comment le projet de Barefoot College s’inscrit parfaitement dans celui formé ici.
Notice wikipedia :
« Bunker Roy est un fils d’une famille influente du Bengale et a reçu une éducation élitiste. En 1966, une visite bénévole d'un village de l’état de Bihâr touché par la famine l'encourage à s'engager dans des associations.
À 19 ans, il part travailler dans un village au Rajasthan pendant 5 ans, comme ouvrier non-qualifié dans le nettoyage et construction de puits. Bunker Roy se met à aider les jeunes habitants du village à avoir la confiance nécessaire pour mettre en avant leurs compétences auprès des employeurs.
En 1971, un collègue de Bunker Roy l'invite à visiter Tilonia pour quelques jours. Il y découvre un sanatorium abandonné que le gouvernement lui cède au prix symbolique d'une roupie. Il décide d'y construire le premier « collège des pieds nus », par les pauvres et pour les pauvres. » Wikipedia
Accès à l'eau potable :
La solution d'accès à l'eau potable envisagée par Roy est de récolter de l'eau de pluie dans une citerne sous un amphithéâtre du bâtiment.
Roy décide de former des grands-mères du village comme agents de développement pour l'accès à l'eau potable. Le choix de cette population vient du fait qu'elles sont déjà responsables des enfants et du village et qu'elles ont plus de temps, ainsi que le fait qu'elles ne risquent pas de quitter la région pour trouver un emploi en ville.
Énergie solaire :
Le deuxième grand obstacle matériel au développement humain est l'accès à l’électricité. Une fois les grands-mères formées à la rétention de l'eau potable, Roy les entraîne à la construction de panneaux solaires, qu'il fait installer par un prêtre hindou.
Tilonia devient le premier village entièrement approvisionné à l'énergie solaire en Inde en 2003. Chaque année suivante, une centaine de grands-mères analphabètes du village sont formées au sein de promotions qui incluent des femmes d'autres pays : toutes communiquent entre elles par signes. D'après l'association, le concept aurait fourni de l'énergie solaire à 450 000 Indiens dans 1 160 villages isolés et dans 50 autres pays. » Wikipedia
Extraits du récit des voyageurs de « Périple en la demeure » :
« L’accueil est souriant et décontracté, et tout de suite une visite des campus, l’ancien et le nouveau, nous est proposée. Le guide nous emmène des panneaux solaires (production d’énergie pour tout le campus) au théâtre de marionnettes (média traditionnel utilisé dans les villages à des fins éducatives), en passant par les ateliers où sont fabriqués les outils didactiques pour l’enseignement des sciences, des mathématiques, l’atelier des tisserands, l’exposition d’artisanat. La récupération et l’imagination sont au pouvoir. Nous rencontrons des groupes de femmes (Bouthan et Mauritanie) en séjour à Tilonia pour des formations de maçons, techniciens en informatique, en maintenance d’installations solaires. Une fois formées, elles retourneront vers leurs inaccessibles villages, pour propager à leur tour leur savoir-faire.
Tilonia, petit village du désert du Rajasthan situé à quelque 400 kilomètres au sud-ouest de Delhi, est le théâtre d’une expérience éducative sans égale. Le « collège aux pieds nus » mobilise les compétences, le savoir et l’expérience pratique des villageois eux-mêmes pour faire face aux besoins essentiels de la communauté : l’éducation, l’eau potable, l’emploi, la santé, l’habitat, l’alimentation, l’éclairage, le combustible et le fourrage. Leur action a transformé la centaine de villages autour de Tilonia, répartis sur une superficie de 500 kilomètres carrés, en un centre de développement bourdonnant. Des « ingénieurs aux pieds nus » responsables des panneaux solaires côtoient des « mécaniciens aux pieds nus » chargés des pompes hydrauliques. Un parlement des enfants, des soins de santé, des possibilités d’emploi et quelque 150 écoles du soir dans les 89 villages alentour ont vu le jour.
Plus de 250 réunions d’enseignants, 600 rencontres parents-enseignant, 1 250 réunions des comités d’éducation villageois sont organisées chaque année : elles ont pour seul but de partager l’information et de montrer aux parents et aux membres de la communauté combien il est important qu’ils participent à l’éducation de leurs enfants. Ce qui contredit radicalement la conception gouvernementale qui veut que, sous prétexte de technicité, l’enseignement soit l’affaire des seuls enseignants. La spécificité des écoles du soir du collège aux pieds nus tient au fait que 90 % du matériel éducatif est produit par les enfants qui y ont franchi le cap de la cinquième année. C’est une façon de susciter de l’auto-emploi, tout en équipant les écoles en tableaux, craie, matériel didactique et pédagogique, cahiers et nattes. Toutes les écoles du soir sont équipées d’éclairage solaire fabriqué par d’anciens élèves devenus « ingénieurs solaires aux pieds nus ». Ainsi, au terme de leur scolarité, ils servent leurs communautés en restant au village au lieu d’émigrer vers les villes et villages voisins.
Autre spécificité du collège : depuis sept ans, le contrôle, l’administration et la supervision des 150 écoles du soir sont assurées par un Parlement des enfants dont les membres sont élus pour deux ans par 3 000 enfants âgés de 9 à 14 ans. Le « premier ministre » forme un cabinet de dix ministres pourvus de portefeuilles spécifiques : éducation, énergie alternative, développement féminin, emploi, intérieur, etc. Les ministres, eux-mêmes garçons et filles de 9 à 14 ans, ont le pouvoir de recruter et licencier les enseignants, de visiter chaque école du soir et de faire un rapport au cabinet qui prend toutes les décisions importantes. » PELD
Retour à la note de Wikipedia :
« Le Social Work and Research Centre (SWRC) de Tilonia a apporté la preuve, au cours de ces vingt-neuf dernières années, que les jeunes ruraux peuvent contribuer efficacement au futur de leurs communautés. Comment lutter contre la désertification ? En rendant les campagnes habitables (emploi, eau, santé, éducation), en utilisant d’autres ressources de chauffage que le bois, en plantant et cultivant.
Roy affirme par ailleurs que ce genre de projet ne peut se développer qu’en zone rurale, car les savoir faire traditionnels y sont intacts, ce qui n’est pas le cas en zone urbaine.
« Quand on lui demande ce qu’on peut faire pour Barefoot College, Bunker Roy répond : « faites la même chose dans votre pays, travaillez avec les petites gens pour leur rendre la dignité dont le modernisme les a dépossédés ». Aucune nostalgie passéiste dans cette invitation, puisque les nouvelles technologies, alliées aux savoirs traditionnels, sont une des armes à saisir fermement. Mais les pieds nus, c’est aussi, nonobstant la fierté requise, assumer une pauvreté, ou une simplicité matérielle partagée. Ce n’est pas pour économiser le mobilier que tout le monde travaille, mange, assis à même le sol. C’est à cette hauteur que tout le monde est sur le même plan. » Wikipedia
Un jour prochain, nous parlerons de l’école des Tritons , à Notre Dame des Landes …
https://zad.nadir.org/spip.php?article6805
Mais, tout de suite, en guise de transition vers les prochains textes, consacrés encore une fois à l’eau, voici un dernier extrait du journal de voyage déjà cité :
« Enfin, dernière particularité, toutes les écoles du soir récupèrent l’eau de pluie provenant des terrasses. La capacité des réservoirs d’eau de pluie - construits avec des matériaux traditionnels, selon les connaissances et le savoir-faire locaux - varie entre 20 000 et 50 000 litres. Pour le prix d’une foreuse sophistiquée creusant la roche, il a été possible de collecter 12 millions de litres d’eau de pluie dans 107 écoles primaires rurales, offrant ainsi des emplois à 1 000 villageois pauvres qui ont construit les citernes en quatre mois. Le Barefoot College répond aux demandes des communautés villageoises. L’emplacement et la capacité des citernes sont calculés en fonction de la population de l’école et de la surface des toitures. BC fournit 90% de l’intervention financière et le village le reste. Les fosses sont creusées à la main, afin de fournir du travail à des ouvriers non qualifiés plutôt que d’enrichir un entrepreneur ou une riche famille. Les parents enverront d’autant plus volontiers leurs enfants à l’école qu’elle leur fournit de l’eau de bonne qualité : les objectifs se croisent souvent dans la démarche de Barefoot College. » PELD