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Billet de blog 3 janvier 2025

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Trace 83-Eau 5

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’objectif ici est de fournir à peu de frais, comme vu au Barefoot College de Traces 82, une eau gratuite pour tous, ce malgré les changements climatiques pouvant réduire la pluviométrie, mais surtout faire alterner périodes de pluies  abondantes (les preuves hélas ne manquent pas cette année) avec étés de sécheresse, et de canicule (là aussi, preuves abondantes).

Ceci passe par un changement de notre rapport à l’eau, comme esquissé dans Traces 7, parlant des puits sacrés sardes : l’eau sera désormais vue comme précieuse , et rare.

Ce qu’ont très bien perçu les firmes qui visent à s’accaparer cette ressource, une vieille tendance, comme l’observait déjà Montaigne à Sienne, en 1580 : Voir Traces 24.

Sienne, dont la distribution initiale d’une eau gratuite dans les fontaines, complétée par les citernes individuelles alimentées par l’eau de pluie, servira encore une fois d’inspiration, sinon de modèle.

Dans un premier temps, nous parlerons de citernes. Pourquoi en construire ? Simplement en raison de ces différences qui vont s’accusant toujours entre précipitations abondantes d’hiver, et sécheresse estivale,  et qui nous imposent  de changer notre rapport à l’eau, à sa consommation, à sa conservation aussi. Nous verrons aussi dans Traces 159 leur utilité en cas d’incendie…

Et comment les construire ?  Nous le verrons, en lisant le cahier du GRET, de 1984, consacré au sujet :

 https://www.gret.org/publication/la-construction-de-citernes/

On peut s’inspirer aussi des citernes de Barefoot College, dont nous parlions dans le texte précédent :

https://www.koshland-science-museum.org/water/html/fr/Sources/Rainwater-Harvesting-in-India.html

La solution de la citerne pouvant participer à la régulation thermique de la maison, comme dans les Trulli d’Alberobello, (voir Traces 23) mériterait d’être explorée, pour répondre à des étés de plus en plus chauds.

Puits, ou citernes, dans une moindre mesure, ne sont sains qu’en présence d’un système d’assainissement , qui est la base de l’urbanité. Il en sera question dans la Trace 143 (promis). Comme il est peu probable de trouver refuge en plaine, mais plutôt en moyenne montagne, les nappes sont loin, le puits n’est pas la plupart du temps une solution envisageable , et la citerne s’impose donc. Le recueil de solutions du GRET : « Le point sur la construction de citernes-recueil et stockage des eaux de pluie » (1984) a l’avantage de faire un rappel historique, et d’​être aussi très pragmatique . En voici quelques larges extraits : nous serons de plus en plus​ rêveurs, mais aussi de plus en plus précis ...

Formes : Les deux formes les plus courantes sont le cylindre ou le parallélépipède rectangle. La forme cylindrique est plus économique en matériaux surtout si le diamètre est proche de la hauteur. C'est également une forme plus résistante aux efforts…. La forme rectangulaire est beaucoup plus facile à construire; ce qui se traduit souvent par un gain de temps et moins de risques de malfaçons.

Techniques de construction : Le stockage de l'eau est devenu très tôt une nécessité pour le développement des peuples dans les zones à été chaud et sec. On trouve donc des traces de nombreux ouvrages dans les grandes civilisations bordant la Méditerranée ou au Moyen-Orient. Les techniques utilisées étaient souvent très ingénieuses et ce n'est pas sans admiration que l'on redécouvre des citernes de plusieurs millénaires encore en état de fonctionnement de nos jours.

En Phénicie (début du 2ème millénaire avant J.C.) : Les citernes phéniciennes complétées par un système de décantation étaient rectangulaires. Creusées dans le roc, elles étaient couvertes de grandes dalles de calcaire ou d'un plancher de bois. L'étanchéité était réalisée avec du bitume, de la poix ou de la résine, cette dernière appliquée seule ou sous forme de mastic qui était un mélange à chaud de cendres, de matières minérales pulvérisées et au besoin d'un peu de graisse.

La Palestine (2ême et 3ëme millénaire avant J.C.) : L'eau des terrasses dirigée vers une citerne par un conduit, traversait d'abord un petit bassin carré cimenté situé dans la cour au nord de la citerne. Là, les impuretés étaient recueillies et retenues pour permettre à l'eau purifiée de couler dans la citerne par une ouverture spéciale qu'on pouvait fermer avec une dalle de pierre. Lorsque la citerne était pleine, l'arrivée d'eau purifiée était donc coupée et le trop-plein s'écoulait alors par un conduit vers un réservoir supplémentaire.

Entre le Tigre et l'Euphrate (à partir du 4ème millénaire avant J.C.) :  Les citernes avaient de préférence une forme circulaire. L'étanchéité était généralement assurée par des produits bitumeux ou asphaltiques que l'on trouvait dans des gisements locaux. Les citernes étaient construites à l'aide de briques cuites jointoyées et enduites d'un mastic d'asphalte ou parfois d'un mortier d'argile ordinaire.

La Crête (2ème millénaire avant J.C.) :  A l'époque minoenne, chaque maison était équipée d'une citerne d'eau potable recueillie sur la terrasse. On commençait par creuser dans le sol une fosse ronde et profonde plus large que la future citerne. Les parois de la fosse étaient revêtues d'une maçonnerie de 65 cm d'épaisseur formant un parfait cylindre creux. Le fond était protégé par un lit de pierres brutes noyées dans un ciment de chaux et de sable remonté comme enduit sur toute la hauteur des parois verticales. Un escalier permettant d'aller puiser l'eau était ménagé dans le mur circulaire. Il y avait souvent un petit bassin de décantation quadrangulaire. A l'origine, ces citernes possédaient une couverture qui n'était autre qu'une toiture-terrasse appliquée au niveau du sol. Les supports étaient des poutres en bois dont les extrémités étaient garnies de plomb pour les protéger de l'humidité.

Chez les Romains : Les antiques citernes étrusques étaient taillées dans le roc et revêtues d'un enduit de stuc. Les citernes situées près de Scalae Caci illustrent une deuxième étape :  les parois étaient en minces dalles de cappellacio posées debout et laissant un intervalle entre elles et la fouille qui était rempli d'argile. Vitruve a décrit les procédés de fabrication : on creuse une tranchée cernant le volume de la citerne et d'une profondeur égale. On remplit cette tranchée d'un mortier composé de cinq parties de sable , et de deux parties de chaux . On y inclut des cailloux et on tasse fortement avec une masse. Lorsque le mortier a fait sa prise, on évacue la terre qui est à l'intérieur et on exécute de la même façon le fond qui est accordé avec les murs. Vitruve recommandait les citernes doubles ou triples "... de telle sorte qu'il puisse y avoir de l'une à l'autre transmission par décantation successive parce qu'elles donneront une eau plus salubre et suave".

Au Moyen-Age : Presque toutes les citernes médiévales avaient un citerneau destiné à recevoir tout d'abord les eaux et les rejeter clarifiées dans la citerne. Le citerneau se composait d'une auge percée de trous latéraux et remplie de gravier et de charbon. L'alimentation était assurée par les toitures au moyen de descentes en plomb ou en poterie. La citerne médiévale classique était généralement creusée en sous-sol à même le roc ou la maçonnerie. Elle formait de véritables salles souterraines divisées en nef par des piliers supportant des voûtes.

Renaissance : Les citernes étaient généralement voûtées avec un orifice de puisage au niveau du sol. Le fond et les parois recevaient une application d'argile fine pétrie, puis une maçonnerie…Les parois étaient en briques ou en pierres sèches sans mortier ni ciment, protégées par un rempart d'argile.

Citerne vénitienne :  C'est en fait une citerne-filtre à sable. On commence à creuser en terre une grande cavité de forme tronconique ou tronc pyramidal. Puis sur les parois du trou, on applique un revêtement d'argile épais d'une trentaine de centimètres, en commençant par le fond et en procédant par addition de boules d'argile pétrie, serrées les unes contre les autres, la masse étant finalement bien battue.  La dalle inférieure reçoit ensuite une dalle à cavité arrondie (pierre dure ou béton) capable de résister aux chocs répétés des seaux et dont le pourtour sert de fondation pour élever un mur. Ce mur circulaire qui s'élève jusqu'au-dessus du sol pour former la margelle, se construit en briques pleines. Celles du bas sont percées de trous coniques pour le passage de l'eau. On monte ce mur en même temps que le revêtement d'argile des talus par assises de 30 cm de haut. Avant de passer à l'assise suivante on tasse, entre le mur du puits central et les talus, une couche de sable bien lavé. Avant d'établir le dallage du sol, on dispose à chacun des angles de la pyramide un regard où pourront pénétrer les eaux de ruissellement. Vingt kilos de charbon de bois concassé (pour une citerne contenant 20 m3 d'eau) sont répandus dans les caniveaux pour le filtrage. L'eau de ruissellement transite ensuite par l'épaisse couche de sable, pénètre dans le puits par le fond où elle peut être puisée au seau. Basé sur le principe du filtre à sable lent, cette citerne peut purifier bactériologiquement l'eau. » GRET

Mais a priori, l’eau destinée à la boisson sera plutôt fournie par les fontaines dont nous parlerons dans le prochain texte 

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