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Billet de blog 3 décembre 2024

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Trace 24 - Eau 4

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pourquoi Sienne ? C’est l’une des plus belles villes d’Italie, donc du monde, certes.

Et puis, elle a fait s’exclamer, à Charles Quint, qui avait visité les aqueducs souterrains, ceci :

 « Sienne est encore plus belle sous terre que dessus ! » FBP

Car nous ne comptons pas, dans ce projet, abandonner de vue la beauté, et sans pour rien imiter ce qui constitue celle, propre, de Sienne, les contraintes et les interrogations qui ont présidé à sa construction et à son histoire doivent continuer à nous guider.

Ici, la recherche d’une indépendance quant à l’approvisionnement en eau, la mettant à l’abri en cas de siège, mais surtout une juste répartition entre les habitants.

Quelques livres :

“Le Fonti di Siena e loro Acquedotti” , de Fabio Bargagli Petrucci (1906) : FBP

“Siena e l’Acqua », collectif sous direction de Venicio Serino (1998) : VS

« Siena Sotteranea » , sous direction de Luca Betti (2018) : LB

 Fabio Bargagli Petrucci insiste dans son ouvrage sur la difficulté du percement des « bottini », ces aqueducs souterrains : une beauté rudement acquise.

  « Les creuseurs d’aqueducs étaient gens habitués à un tel travail, qui exerçaient souvent ce métier traditionnel dans leur famille et se le transmettaient de père en fils, ou bien c’étaient des mineurs habitués à creuser la roche dans les galeries de Montieri (mines d’argent). Ces hommes s’appelaient les « guerchi ». Les « guerchi », donc, furent les mineurs des aqueducs : après avoir, non pas scientiquement, mais pratiquement, étudié la nature du terrain et après avoir, avec l’aide d’astrologues (sourciers) trouvé et repéré les veines d’eau entre bois et collines, allumé un cierge devant une image pieuse, commençaient à creuser. »FBP

« Une fois arrêtée la direction du premier tracé de l’aqueduc à la surface de la terre et donné le point de départ correspondant avec la fontaine, les « guerchi » creusaient sans autre aide d’instruments géodésique, et naturellement, sans boussoles. Le travail procédait lentement, traçant d’abord un tunnel grossier qui ensuite était amené à une certaine ampleur, et à un certain niveau de finition. »FBP

L’extrême perfection géométrique de ces travaux de percement n’en est que plus remarquable :

“L’unique instrument nécessaire pour le nivellement du fond des conduits était l’archipendule (voir illustration) qui servait de niveau et permettait de maintenir au cours de l’eau une pente minimale vers la fontaine. »FBP

Le travail fut donc lent et pénible, mais l’ouvrage en valait la peine :

“Pour un ensemble de raisons, mais principalement par manque d’instruments perfectionnés et de machines perforatrices, l’oeuvre grandiose des aqueducs, jusqu’à aujourd’hui, bien que ruinée et mal entretenue, représentant une longueur totale de 25 km, perdura au moins quatre siècles et résolut merveilleusement, avec la constance de ceux qui l’ordonnaient, et la persévérance de qui y travaillaient, le problème de l’approvisionnement en eau de Sienne. »FBP

Il y eut donc une fontaine par contrade (les 17 quartiers de Sienne) : ceci pour la consommation domestique, mais aussi pour aider à lutter contre les incendies.

Dans « Siena e l’acqua », les questions sont centrées sur l’usage de l’eau, publique, et privée :

La municipalité a certes encouragé l’usage de citernes personnelles :

“ Il s’agissait d’un système d’approvisionnement privé, dont la Commune s’occupa ensuite, se limitant à encourager la construction de citernes , avec une aide de 10 lires, et fournissant la chaux nécessaire. En outre, les gouvernants veillaient au bon écoulement des eaux usées, et aux infiltrations d’origine agricole, de façon à protéger les citernes creusées dans le tuf, et pas complètement imperméabilisées. »VS

Mais la principale source d’approvisionnement des Siennois, fut le réseau des fontaines (les Fonti), La construction en fut active dès le XIII° siècle. Après la grande Peste de 1348, elle se poursuivit encore assidument.

En voici une description, complétant les photos jointes :

“Chaque fontaine se composait de plusieurs bassins : le premier, le plus grand, le plus beau, toujours couvert, avec un garde-corps qui bloquait l’accès aux animaux et le permettait aux seules personnes, était la “fontaine” proprement dite, dans laquelle se déversaient directement les tuyaux d’eau potable ; le second bassin, l’abreuvoir des bêtes, était alimenté par le premier, mais de façon que le fil de l’eau reste à un niveau inférieur, pour éviter une contamination rétrograde ; le troisième bassin était dévolu au lavoir. De là l’eau passait dans le « guazzatoio », où elle servait à tous usages artisanaux (tanneurs, teinturiers, et autres) et enfin était canalisée vers les moulins. »VS

On le voit, le souci d’économie de l’eau était premier. Sa défense, dont atteste le caractère puissant de l’architecture des fontaines était la seconde priorité.

L’eau des fontaines était, jusque fin XV° siècle, entièrement publique :

“L’eau est un bien public, et l’usage en est garanti seulement par le biais du réseau des fontaines publiques. La rareté de l’eau, en fait, ne permet pas à Sienne de la vendre à des personnes privées, comme c’est le cas dans d’autres villes médiévales, même si cela aurait constitué un appoint important d’argent aux finances de la Commune. » VS

Puis, vers la fin du XV° siècle, des concessions sont accordées, à des gens “importants”. Le résultat ne se fait pas attendre :

“Bref, peu à peu, commença à se faire un chemin l’idée que les privés auraient leur propre droit à se relier aux aqueducs ; mais les demandes sporadiques en ce sens font penser qu’est encore courante la vieille mentalité et que la majeure partie des Siennois qui bénéficie des eaux publiques de manière privée le fait d’une manière frauduleuse. Pour preuve de ceci, quand en 1580 Michel de Montaigne passe par Sienne, parmi le peu de choses qu’il note sur son journal, on trouve ceci :

« Elle a grand foison de fontenes, desqueles la pluspart des privés desrobent des veines, pour leur service particulier »MM

Une chose qu’évidemment, à Sienne, on lui avait raconté tout d’abord, tant cela était ressenti comme un problème. » VS

Le droit à l’eau est premier, quoiqu’en pense le tribunal administratif de Toulouse,

https://www.lacimade.org/toulouse-labsence-dacces-a-leau-nest-pas-une-violation-des-droits-fondamentaux-selon-le-tribunal-administratif/

malgré le vote, en juillet 2010, par l’Assemblée générale de l’ONU d’une résolution, reconnaissant comme droit humain l’accès à tous à une eau de qualité.

https://www.lemonde.fr/planete/article/2010/07/29/l-acces-a-l-eau-potable-devient-un-droit-de-l-homme_1393627_3244.html#:~:text=Le%20texte%20%22d%C3%A9clare%20que%20le,du%20droit%20%C3%A0%20la%20vie%22.

C’est bien là le but de tous ces articles, entre autre : anticiper, et dans un esprit d’équité.

Après ces détours historiques, et géographiques, une synthèse des tesselles de cette mosaïque, s’impose, pour commencer à en entrevoir le dessin, ou dessein (même mot en italien !)

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