jacques anglade

Abonné·e de Mediapart

245 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 janvier 2025

jacques anglade

Abonné·e de Mediapart

Trace 87-Go 1

jacques anglade

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quoiqu’ils en disent, les puissants de ce monde, états, ou entreprises, n’ont aucune intention de réaliser ce que nous avons essayé de développer, au long des 86 textes précédents, c’est à dire assurer les moyens d’un maintien équitable de la vie sur terre. J’ai beau m’être interdit de le faire, de prime abord, il faut bien penser, et parler, stratégie… Affrontements face à face, comme les flics et les gilets jaunes, les noirs et les jaunes, comme sur un échiquier ? Si l’on en croit P.Lusson,G.Perec et J.Roubaud, auteurs du « Petit traité invitant à la découverte de l’art subtil du go » (1969), fi des échecs, et vive le go !

Il n’est pas question ici de vous enseigner le Go, que je pratique très mal. Mais, comme dans un jeu d’ombres chinoises, ou japonaises, de déceler ce qui, dans l’introduction que nous livrent ces auteurs, peut nous éveiller. Nous irons ensuite voir les 10 règles, ou « Les Mystères du Weiqi -- Règles d’Or du Roi »  d’après Youyi Chen, traduit et adapté par Laurent Lamôle, pour terminer en passant un moment, en Chine avec Sun Tzu. Le texte suivant évoquera les travaux pratiques, en quelque sorte.

Quelques éléments préalables du Go : A tour de rôle, chaque joueur pose une pierre sur une intersection, d’une grille comportant 19x19 intersections. Le but est de créer des espaces contrôlés par ses pierres. Ainsi, la fin du jeu est décrétée d’un commun accord lorsque toutes les intersections sont « attribuées ». ..Lorsque toutes les libertés sont occupées par des pierres adverses, la pierre est comme « étouffée » et, ainsi, automatiquement capturée par le camp adverse. Mais lorsqu’une de ces libertés est occupée par une pierre de même couleur, alors les deux pierres deviennent soudées et forment une chaîne. Une chaîne est solidaire…

On voit qu’il est question d’espace, de libertés, de solidarité aussi. Continuons donc avec nos Oulipiens, pionniers de cet art en France. Il est ainsi question :

D’égalité : « Tous les pions sont semblables, pas un ne vaut plus qu’un autre et ils ne valent eux-mêmes que par les régions vides qu’ils entourent. »LPR

De voir le mouvement dans l’immobilité, et de rester ferme dans le mouvement général : « Les pierres posées sont immobiles. Pourtant le Go est un jeu de mouvement : Ce qui dans d’autres jeux est obtenu par des déplacements résulte ici de la relation d’un pion à un autre, d’une ligne à une autre, d’un groupe à un autre, de la construction de configurations tantôt rapprochées, épaisses, prudentes, tantôt espacées, aériennes. Aussi parle-t-on de glissements, d’encerclements, de progression rapide, d’attaque sur les flancs, de percées, d’avalanches… » LPR

De ne pas se concentrer sur les choses, mais sur les vides entre elles, sur leur relation : « On joue au Go avec des pierres, mais ce ne sont pas ces pierres par elles-mêmes qui décident de l’issue du duel. Elles se contenteront d’entourer ou de contrôler des intersections vides ; chaque joueur devra en acquérir le plus grand nombre possible. En d’autres termes le but du jeu n’est pas de mettre le plus de pierres possibles sur le Go ban (l’échiquier) vide initial, mais au contraire de contrôler le plus de territoire possible avec le minimum de pierres, et ce en perdant le moins possible de pions. » LPR

Enfin de ne pas perdre de vue une vision globale : « C’est le joueur qui, au début de la partie s’implante le mieux dans le plus grand nombre de régions qui finira par l’emporter. » LPR

Finissons  cette lecture par cette introduction à la stratégie à l’usage des jeunes générations :

« Si tu sais estimer dans son ensemble la situation à un moment donné de la partie.

Si tu sais avoir une idée un peu précise de l’endroit où tu pourrais jouer tes prochains coups.

Si tu as une idée un peu claire de ce que mijote l’adversaire.

Si tu connais ses points faibles.

Si tu n’oublies jamais que ton adversaire a de fortes chances de les connaitre aussi.

Si tu sais qu’il sait ; si tu sais qu’il sait que tu sais ; si tu sais qu’il sait que tu sais qu’il sait.

Si tu sais où et quand il faut déclencher un combat.

Si tu sais quand il faut arrêter ce combat, pour ailleurs l’allumer.

Si tu sais garder des menaces en réserve.

Si tu as soin à tout instant de regarder du côté des coins, du côté des bords, du côté du centre.

Si tu sais regarder partout.

Si tu sais aux instants opportuns t’arrêter un instant, te lever et considérer de haut, de loin, de l’autre côté, le jeu dans son ensemble en le voyant d’un œil neuf.

Si tu sais imaginer.

Si tu te goures pas.

Si tu ne t’affoles jamais.

Si ta main elle tremble pas.

Tu seras un joueur de Go, mon fils. » LPR

Pour qui aime les listes, voici encore les 10 règles, ou « Les Mystères du Weiqi -- Règles d’Or du Roi »  d’après Youyi Chen, traduit et adapté par Laurent Lamôle

« 1 : La gourmandise n’apporte pas la victoire

 2 : Restez posé lorsque vous entrez chez l’adversaire

3 : Quand vous attaquez votre adversaire, faites attention à vous-même

 4 : Abandonnez des pierres pour gagner l’initiative

 5 : Laissez tomber le petit pour vous intéresser au gros

 6 : En cas de danger, abandonnez quelque chose

 7 : Jouez des coups solides, évitez la précipitation

 8 : Gardez à l’esprit la situation globale ; vos différents coups devant agir de concert

9 : Si votre adversaire est fort, jouez la sécurité

10 : Au milieu d’une influence adverse, recherchez la paix.

En fait, la réalité est que le go ressemble à quelques autres jeux, et, que les règles d’or de Wang Ji Xin ont une chose en commun : « l’équilibre ». Comme l’a d’ailleurs fait remarquer Otake, ces règles discutent de « l’équilibre entre la rapidité et la lenteur », « l’équilibre entre la force et la faiblesse », « l’équilibre entre le territoire et l’influence » YC

Notre problème aujourd’hui, justement, est de restaurer des équilibres …

De Sun Tsu, qui  nous parle, dans son «Art de la guerre » de choses plus meurtrières, on retiendra :

 « Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie. »ST

 Ce qui aide à comprendre la duperie continue, en face, comme un acte de guerre sourde.

En réponse, comment se comporter ?

Cultiver la surprise : « Surgissez aux endroits qu’il faut atteindre ; transportez-vous rapidement là où il ne vous attend pas. »ST

Observer le silence : Ho yen Hsi : « … Je fais en sorte que l’ennemi prenne mes points forts pour des points faibles, mes points faibles pour des points forts, tandis que je transforme en points faibles ses points forts et que je découvre ses failles… Je dissimule mes traces de façon à les rendre indécelables ; j’observe le silence afin que nul ne puisse m’entendre. » ST

Connaitre aussi les animaux, les imiter, lire dans les ruisseaux et dans les arbres :  « Li Ch’ing a dit : « … Nous devons choisir les officiers les plus courageux et ceux qui sont les plus intelligents et les plus zélés et, recourant à des guides locaux, franchir en secret les montagnes et les forêts sans bruit et en dissimulant nos traces. Tantôt nous fabriquons des pattes d’animaux artificielles et nous les chaussons, tantôt nous adaptons à nos couvre-chefs des oiseaux factices et nous nous cachons tranquillement dans les buissons épais. Ensuite nous prêtons l’oreille aux sons lointains et nous clignons des yeux pour mieux voir. Nous gardons l’esprit attentif à toute occasion qui serait bonne à saisir. Nous observons les indices atmosphériques, nous cherchons dans les cours d’eau d’éventuelles traces d’un passage à gué de l’ennemi et nous guettons l’agitation des arbres qui dénote son approche. » ST

Savoir lire le vol des oiseaux : « Un envol d’oiseaux indique que l’ennemi se tient en embuscade ; lorsque les animaux sauvages, effrayés, s’enfuient, il essaie de vous prendre par surprise.  La poussière qui s’élève soudain verticalement en hautes colonnes signale l’approche des chars. Celle qui reste suspendue à faible altitude et se répand en nappes annonce l’approche de l’infanterie. Tu Mu : « Lorsque les chars et la cavalerie se déplacent rapidement, ils arrivent l’un derrière l’autre comme un chapelet de poissons et c’est pourquoi la poussière s’élève en colonnes hautes et minces. …  Lorsque les oiseaux se rassemblent au-dessus de l’emplacement de son camp, c’est que celui-ci est vide. » 

Toutes choses qui rappellent les dialogues des oiseaux entre eux, leurs chants, durant l’attaque de Notre Dame des Landes dans « La recomposition des mondes »(2019) d’Alessandro Pignocchi. Et justement le prochain texte parlera de ZAD !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.