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Billet de blog 5 janvier 2025

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Trace 88-Go 2

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après le Larzac, il y a près de 50 ans, la ZAD de Notre Dame des Landes (NDDL) est désormais à son tour le centre d’une attention intense de la part de sociologues, anthropologues, écologistes, … Serait-elle une des cases, ou mieux, un des territoires du jeu de Go évoqué dans les Traces 87 ?

Frédéric Lordon est formel : « Le lyrisme des forêts, des cabanes et des zones fouette sans doute notre imagination, mais ne soutient pas une perspective politique pour le nombre. » (Monde Diplomatique, octobre 2019). Nous entendons ici apporter des preuves du contraire…

Le mieux que l’on puisse faire pour en savoir plus est de s’adresser directement aux acteurs. Par exemple ainsi : https://www.facebook.com/zadnddlinfo/ Ou ainsi : https://zad.nadir.org/

Enfin, d’y aller. En attendant, des livres l’évoquent comme exemple :

Jérôme Baschet : « Basculements » (2021)

Miguel Benasayag et Bastien Cany : « Les nouvelles figures de l’agir » (2020)

Et bien sûr,  « La recomposition des mondes » (2019) d’Alessandro Pignocchi

Nous y reviendrons. En attendant, voici quelques témoignages d’acteurs, ou de proches, parus dans des revues, et que nous ausculterons, dans notre perspective de jeu de Go.

Jade Lindgaard : Association Vacarme | « Vacarme » 2017/4

Topophile : 1 mai 2021 (Topophile)

Pierre-Guillaume Paris : « La désobéissance civile à l’épreuve des Zones à Défendre »

Frédéric Barbe: La « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ou l’habiter comme politique (2016)

Jade Lindgaard s’exprime en journaliste, en voisine, et en sympathisante :

« «Zad partout» proclame un tag devenu familier sur le mobilier urbain de la France des années 2017 –et que l’on retrouve jusque sur les murs de l’université polytechnique d’Athènes. Il ne signale pas qu’un cri de guerre. C’est aussi la marque d’une dissémination. »JL .Dont acte.

Au-delà de la lutte contre le projet d’aéroport, bien des champs, évoqués dans ces Traces, sont expérimentés quotidiennement à NDDL :

« Les pratiques (de la ZAD)  touchent des domaines à la fois modestes et essentiels de la vie quotidienne : habiter, gérer des terres, trouver des règles communes lorsque l’on vit sans police ni système judiciaire, agir contre les violences discriminatoires et apprendre à cohabiter avec les non humains. Concrètement, cela passe par des actions aussi simples que construire sa cabane, élever collectivement un troupeau de vaches, repenser une filière du bois, nourrir des migrant·e·s à Calais et Vintimille, soutenir des travailleurs en grève, pratiquer les soins du corps et de l’esprit sans hiérarchie de savoirs, organiser une bibliothèque en autogestion. » JL

Tisser un réseau champignonnesque, voilà bien le but :

« Dans son livre «  Le champignon de la fin du monde » (voir bientôt dans Traces 99), l’anthropologue Anna Tsing fait l’éloge des collaborations entre humain·e·s et non humain·e·s. Elle utilise un terme a priori péjoratif, celui de contamination, pour décrire en positif des formes intenses de coopération. Certaines expériences nous contaminent en nous transformant comme, sans doute, nous modifions aussi notre partenaire, qu’il s’agisse d’un champignon, d’une forêt, de lecteurs ou d’un habitant·e de la zad. Une carte réaliste de la zone ressemblerait aux mille filaments d’un réseau fongique, souterrain et invincible. » JL

A la revue Topophile, se sont confiés des acteurs, en un texte construit, remontant aux origines : La T.A.Z.: The Temporary Autonomous Zone, et abordant aussi tant de thèmes qui nous tiennent à coeur :

« Nous ne cherchons pas à vendre la TAZ comme une fin exclusive en soi, qui remplacerait toutes les autres formes d’organisation, de tactiques et d’objectifs. Nous la recommandons parce qu’elle peut apporter une amélioration propre au soulèvement, sans nécessairement mener à la violence et au martyre. La TAZ est comme une insurrection sans engagement direct contre l’État, une opération de guérilla qui libère une zone (de terrain, de temps, d’imagination) puis se dissout, avant que l’État ne l’écrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou l’espace. Dès que la TAZ est nommée (représentée, médiatisée), elle doit disparaître, elle va disparaître, laissant derrière elle une coquille vide, pour resurgir ailleurs, à nouveau invisible puisque indéfinissable dans les termes du Spectacle. » Topophile citant Hakim Bey (1985).

Caractère éphémère ? « Si la ZAD a été belle, bouleversante, inspirante, c’est qu’elle a réussi à incarner de manière si éclatante cette idée de la liberté comme situation absolument ouverte, comme espace-temps où tout est possible. Mais, de manière aussi cruelle que cruciale dans la théorie de la TAZ, cette liberté a un prix : son caractère éphémère. . » Topophile

Futur Désirable ? « Ce processus d’élaboration d’un futur désirable en prise immédiate avec une réalité concrète est assez inédit. Il a autorisé l’esquisse d’horizons depuis d’autres imaginaires que ceux des mouvements révolutionnaires défaits, ou que ceux promus par l’utopie capitaliste dominante.» Topophile

Pratique des communs ? « Ce qui a changé, petit à petit … c’est l’ambition de la ZAD : d’éphémère zone de non-droit, elle peut devenir une expérience pérenne de pratique des communs à moyenne échelle, ce qui n’a pas les mêmes implications ni en ce qui concerne son fonctionnement interne, ni vis-à-vis des autorités. Cela constitue, d’une certaine façon, un enrichissement important du concept de TAZ : plutôt que de disparaître purement et simplement, la zone autonome temporaire a gagné la possibilité de se transformer. Elle est capable de plus que des percées sporadiques dans la trame historique, et cela est porteur de conséquences qu’il nous reste à éprouver. . » Topophile

Entretien sylvicole ? « On a vu que la défense de la forêt de Rohanne a été un enjeu majeur du combat contre l’aéroport : son sauvetage en 2012 a changé le cours de la lutte. Ce n’est pourtant que progressivement que son avenir est devenu une préoccupation du mouvement, avec notamment la création du groupe Abrakadabois qui intervient tout au long de la chaîne des rapports entre les habitant·es et la forêt, de l’entretien sylvicole à la construction bois. Cette prise en charge était en soit un défi car s’il est difficile de se situer sur l’échelle de temps qui correspond à la vie d’une forêt quand on est menacé d’expulsion tous les 6 mois, il l’est également d’imaginer qu’on va prendre soin d’un arbre pour en faire une charpente dans 50 ans quand on a été élevé dans le mode de vie occidental du XXIe siècle... . » Topophile.

Habiter en conscience d’habiter, c’est le leitmotiv de Frédéric Barbe dans son analyse, en tant que voisin et ami : « Cet habiter de résistance collective nourrit et se nourrit d’une critique de la modernité occidentale et des modes d’aménager issus notamment de la modernité stato--nationale et coloniale, puis de la mondialisation néo-libérale structurant une nouvelle compétition territoriale…. Habiter en conscience d’habiter, c’est faire de la politique avec son corps, avec sa vie. C’est être un, relié aux autres et aux lieux. »FB

Relié, et inspirant : « Des Zad apparaissent à mesure que d’autres disparaissent, parce qu’elles réussissent à bloquer le processus d’un grand projet en créant les conditions d’un habiter spécifique, d’une large mise en réseau et d’une bonne médiatisation de la lutte, ainsi que d’un activisme judiciaire efficace.» FB

Un haut lieu inspirant, dit Barbe : « Avec sa géographie en permanence remaniée par les effets de son statut de haut lieu, la Zad est une coproduction entre habitants, occupants et visiteurs. Le haut lieu n’est pas sans effet dans les campagnes et la métropole voisines…. En ce sens, la Zad a permis la diffusion d’un habiter en conscience d’habiter en tant que ressource politique.» FB

Pierre-Guillaume Paris, dans « La désobéissance civile à l’épreuve des Zones à Défendre » défend l’idée qu’il s’agit là de formes d’utopie concrète, explorant aussi un autre rapport au temps :

« L’attention aux non-humains de toutes sortes se développe conjointement avec la logique d’habiter en harmonie avec le lieu. Le rapport au temps se modifie aussi rapidement, puisque chacun doit s’adapter à des contraintes nouvelles : l’absence d’électricité, par exemple, impose le rythme du cycle jour/nuit aux habitants. »PGP

Oui, le temps …Pour conclure, retournons au Go : y avoir le « sente », c’est à dire le coup d’avance, l’initiative, est le plus important. Comme l’a écrit aussi Sun Tsu : « Surgissez aux endroits qu’il faut atteindre ; transportez-vous rapidement là où il ne vous attend pas. »ST

Les ZAD sont une préfiguration d’un futur possible. Mais elles apparaissent, par définition, avec toujours un coup de retard. Il leur faut maintenant avoir un coup d’avance…Comme emblème, conviendrait la tortue de la fable, qui, partant la première, peut cultiver la lenteur… Lenteur que nous dégusterons dans les prochains textes.

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