Dans les textes précédents, nous avons examiné l’éolien et l’hydro-électricité, deux sources d’énergie renouvelables souvent citées comme des solutions à la crise énergétique et au réchauffement planétaire, parfois au mépris d’autres facteurs : destruction de la biodiversité, ou organisation sociale de la production, entre autres, moins immédiatement liés à notre confort de vie mais aussi essentiels pour retrouver un mode de vie équilibré, et donc pérenne, sur cette terre. L’énergie solaire sera le troisième volet de cette enquête.
« À la suite de la crise du III° siècle, l'empire était au bord de la dislocation. L'empereur Aurélien, vainqueur de la reine Zénobie et restaurateur de l'ordre, décida d'instaurer un culte commun à tout l'empire afin de renforcer le lien unitaire entre les provinces : en effet chaque cité, chaque province, restait attachée aux cultes locaux, dont les rites et les formes pouvaient varier considérablement. Ce nouveau culte devait donc être suffisamment neutre pour être accepté par les différentes populations de l'Empire romain. Il choisit un culte solaire, le Soleil étant censé être universel, le culte de Sol Invictus, le Soleil invaincu. Aurélien lui fit édifier à Rome un temple sur le Champ de Mars, créa un collège de pontifes du Soleil et fit du culte de Sol Invictus une sorte de religion de l'État, se substituant au culte impérial tombé en désuétude. » Wiki
Donc tout le monde est bien d’accord aujourd’hui pour produire de l’énergie solaire, c’est à dire de l’électricité à partir du soleil, ce qui est déjà réducteur : ne peut-on pas dans un premier temps jouir du soleil, sans adjonction d’une technologie coûteuse, et conserver cette énergie d’une autre façon qu’en utilisant des batteries ? Car il n’y a pas de soleil la nuit, heureusement pour notre repos, mais malheureusement, au moment où, que ce soit pour s’éclairer ou pour se chauffer, nous aurions besoin d’énergie. Ainsi, ce mode de captation de l’énergie solaire renvoie tout de suite à l’exigence de moyens de la conserver : hydrogène, mais le plus souvent batteries.
L’unanimité autour du Sol Invictus suscite ainsi une fièvre de créations de « giga-factories ». Assurément il y a là de quoi gagner de l’argent. A quel prix ? Il semble que là où l’on projette de creuser des mines de lithium, la belle unanimité se lézarde, de la Serbie au Portugal, de la Bretagne au Nevada, les protestations se multiplient : alors, on arrête le progrès ? Ou bien on creuse la question ?
On les comprend un peu : à quoi bon ouvrir un trou, si déjà les informations sont contradictoires :
Suivant les uns : « d'après les prévisions, en 2030, en Europe, les besoins en lithium dépasseront les 500 000 tonnes/an, dépassant la production mondiale actuelle de 82 000 tonnes/an, selon https://fhe-france.com/enr/lithium
Suivant les autres : on parle déjà de batteries au sodium, qu’on trouve dans l’eau de mer, mais ceci nécessite aussi du diséléniure de titane, qu’on ne trouve pas sous les sabots d’un cheval… (on vous tiendra au courant des futurs rêves et désillusions).
Revenons un instant au passé : Dans nos régions tempérées, aux hivers froids, chacun, construisant sa maison, a eu soin depuis toujours de l’orienter vers le soleil, autant que possible. Loin des fièvres de spéculation sur des matériaux clés, qui seront sans doute l’objet des prochains conflits, tentons de dégager des leçons de l’architecture vernaculaire. Pour me cantonner, entre mille exemples possibles, à un que je connais bien, ce seront les maisons landaises des Traces 53 et 54, mentionnées dans le texte de Christian Lassure : « Auvents de maisons à nef et bas-côtés de la Grande Lande. » (2006).
http://www.pierreseche.com/grande_lande_auvents.htm
L’auvent est orienté à l’est et capte les premiers rayons du soleil, bienvenus dans les matins d’hiver. Cet espace est protégé des vents, qui soufflent de l’ouest, venant du proche océan, et emmagasine la chaleur. Les après-midi d’été les plus chauds se passent à l’ombre de l’auvent, derrière un portail protégeant la maison de l’incursion des poules.
Le CAUE des Landes confirme : «Une avancée de toiture en forme d'auvent à l'Est, vers la Haute-Landes et jusqu'à l'Armagnac. Voici donc l'auvent, un portique également appelé "estantad" dans la grande Lande, ou « emban » dans les petites Landes. Et si l'auvent est beau, et confère un charme inégalé aux maisons d'ici, sa fonction première était climatique, plus qu'esthétique. En exposant la maison au soleil matinal, il la protège toutefois de la chaleur de milieu de journée. Contrairement au "lorio" basque ou "debantin" de Chalosse, le pignon des fermes landaises du Nord de l'Adour abrite souvent une véritable pièce supplémentaire, dans l'auvent central ou latéral. S'il n'est pas caractéristique des maisons de maîtres, son élégance s'interprète souvent comme un signe de distinction sociale. Vestibule ouvert, il est un espace de transition entre l'intérieur et l'extérieur de la maison. Souvent, il est l'espace de représentation du travail des artisans, notamment des charpentiers... »CAUE40
Ainsi, comme on le verra par la suite, il ne s’agit pas seulement, et il s’agira de moins en moins, de se cantonner à une utilisation du soleil comme chauffage du logis, mais aussi de s’en prémunir dans des étés devenus sans cesse plus chauds.
De l’héliolâtrie de l’époque impériale, nous sommes passés, et le mouvement moderne, tenant le congrès du CIAM 1933 sur un navire de croisière, découvrant les Cyclades au lieu du Mausolée de Lénine, choisissant d’adorer plutôt le soleil que le marxisme-léninisme, n’y est pas pour rien, à un héliotropisme exacerbé, privilégiant un monde méditerranéen en partie imaginaire : Dès lors partout les murs seront blancs, les toits en terrasses, sans débords, … L’idée ici n’est aucunement de copier des architectures vernaculaires, mais de s’inspirer de leurs logiques de réflexion, on l’aura compris, et notamment ici de leur rapport au soleil, et à l’ombre.
Car la violence du soleil n’a pas échappé à ceux qui vivent, et surtout qui travaillent sous ses rayons.
Le « Manuel d’architecture naturelle » (1978) de David Wright est l’un des premiers livres qui expose et défend des principes relativement low-tech de maisons solaires. Les maisons exposées là sont presque toutes mono-exposées au Sud : on revient ainsi un peu à l’âge des cavernes. Architecturalement pauvres, dénuées de toute capacité à créer une ville, formant des espaces où la lumière s’obtient moyennant de violents contre-jours, ces maisons mettent en avant ce seul critère, et, avant même de profiter des rayons du soleil, en seront sans doute victimes. Nous sommes pour des approches moins exclusives, plus douces, en somme, pour reprendre ce vieux terme d’énergies douces…
Parmi les procédés décrits par Wright, on trouve ce que l’on appelle en France le mur Trombe : une masse noire derrière une vitre, pour simplifier. Apparemment simple, le dispositif s’avère complexe si l’on veut éviter surchauffe, ou circulation à rebours …Dans le projet du CENTRE PERMANENT D'INITIATIVES POUR L'ENVIRONNEMENT (CPIE) Clermont-Dômes, de l’architecte Yves Perret, le programme de ce bâtiment à vocation pédagogique prévoyait une mise en scène de procédés écologiques, dont un mur Trombe. Nous nous y sommes pliés, avec un mur de béton végétal : http://perret.desages.free.fr/ftheix.html
Quelques autres projets où mon travail m’a amené à croiser l’énergie solaire :
- L’ECOLE SAINT EXUPERY A PANTIN : https://www.meandre-etc.fr/portfolio/groupe-scolaire-saint-exupery-a-pantin/
Première école dite « énergie zéro » de France, l’école recourt pour cela à toute une palette de procédés, parmi lesquels des toitures en panneaux photovoltaïques, qui viennent se superposer à une étanchéité . Le vide ventilé permet d’améliorer les rendements, affectés par un excès de chaleur. Les panneaux photovoltaïques sont là un peu comme une variable d’ajustement permettant de se prévaloir ainsi du « zéro énergie »
- PREAU DU LYCEE LES EAUX CLAIRES A GRENOBLE :
La Région Rhône Alpes a demandé aux architectes R2K http://www.r2k-architecte.com/projets/lycee-des-eaux-claires/ d’augmenter la taille initiale du préau et d’en faire une centrale photovoltaïque. La structure suit l’idée : des poutres en V portent les chevrons de toiture et accueillent les différents câblages, qui forment un réseau assez dense. Ici les panneaux, progrès, jouent le rôle d’une couverture effective : les poutres en V servent également de chéneaux.
- CENTRALE PHOTOVOLTAIQUE DE TOUL ROSIERES : MAISON DE L’ENERGIE SOLAIRE : https://www.archiliste.fr/cartignies-canonica-architecture/maison-de-l-energie-solaire-et-conservatoire-de-la-ba-163-toul
L’idée des architectes est de faire un soleil levant rougeoyant au sein de cet immense parc solaire de 306 Ha, sur une ancienne base aérienne de 522 ha. On y trouve 120 ha de panneaux, produisant jusqu’à 115MWc, c’est-à-dire crête, donc en fait 15 MW. Un rapide calcul établit que pour remplacer les 58 centrales nucléaires, il faudrait artificialiser (Voir T136) 1.420.000 ha. Et si on veut circuler avec des voitures électriques, (voir T109) , on atteint environ 2 millions d’hectare, soit plus de 7% de la surface agricole française…ce qui donne sérieusement à penser. La boule en bois est composée comme un igloo de boîtes de bois de peuplier, construit sans échafaudages, et habillée d’acier Corten.
Mais capter l’énergie solaire, la stocker, la transporter sans effort peut-être réalisé autrement : ce sera l’objet du prochain numéro !