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Billet de blog 5 décembre 2024

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Trace 27 - Animaux 3

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On pourrait commencer ainsi :

https://www.lemonde.fr/international/article/2020/09/04/un-cargo-betailler-fait-naufrage-en-mer-de-chine-orientale-40-marins-portes-disparus_6050924_3210.html

40 marins, oui hélas, mais 5800 vaches, aussi, dont il n’est pas fait mention…

Le respect dû aux animaux non-humains ne peut simplement prendre source dans une sorte de gentillesse réciproque, qui n’existe pas, autant le savoir. Il doit s’enraciner dans une compréhension profonde de ce que nous sommes, les uns, et les autres.

Pour comprendre, donc, deux lectures, d’auteurs facilement lyriques, et rêveurs, plus que je ne me suis autorisé à l’être ici, mais qui m’aideront à l’être…

Emanuele Coccia : « Métamorphoses » (2020)

Paul Shepard : Nous n’avons qu’une seule terre (2019)

Une introduction au livre de Coccia pourrait être le beau film « Le quattro volte »

https://www.youtube.com/watch?v=BYvD2E2K3l0

de Michelangelo Frammartino : « Dans la poussière, Pythagore voyait les âmes voyageant à la recherche d’un corps »MF, dans cette bellissima interview :

https://www.youtube.com/watch?v=0njhn60D4BM

Ou dans celle-ci : « Les arbres sont circulaires : ils meurent et renaissent perpétuellement »MF

https://www.youtube.com/watch?v=JFqGiJWFi70

Et métamorphose, ici, pourrait s’appeler plutôt métempsycose …

Le titre d’Emanuele Coccia s’inscrit dans le prolongement des Métamorphoses d’Ovide, dont le livre XV rend hommage à Pythagore :

"Tout change, rien ne meurt. L'âme erre d'un corps a un autre, quel qu'il soit : elle passe de l'animal à l'homme, de l'homme à l'animal, et ne périt jamais. Comme la cire fragile reçoit des formes variées, et change de figure sans changer de substance : ainsi j'enseigne que l'âme est toujours la même, mais qu'elle émigre en des corps différents. » O

Et : « La Nature, qui renouvelle sans cesse les choses, ne fait que substituer des formes à d'autres formes. Croyez-moi, rien ne périt dans ce vaste univers; mais tout varie et change de figure. Ce qu'on appelle naître, c'est commencer d'être autre chose que ce qu'on était auparavant; et ce qu'on appelle mourir n'est que cesser d'être ce qu'on était; et, quoiqu'il y ait changement perpétuel de forme et de lieu, la matière existe toujours. » O

On peut faire connaissance avec Emanuele Coccia, à travers deux interviews :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/03/emanuele-coccia-la-terre-peut-se-debarrasser-de-nous-avec-la-plus-petite-de-ses-creatures_6035354_3232.html

« Nous avons rêvé d’être les seuls responsables de la destruction. Nous faisons l’expérience que la Terre peut se débarrasser de nous avec la plus petite de ses créatures. »EC

Ou bien, plus précisément avec son livre « Métamorphoses » :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/05/emanuele-coccia-nous-sommes-tous-une-seule-et-meme-vie_6048227_3232.html

«Nous sommes faits d’une matière qui circule de corps en corps, et d’une énergie aussi, qui va :

 Une pomme, une poire, une pomme de terre : ce sont de petites lumières extraterrestres encapsulées dans la matière minérale de notre planète. C’est cette même lumière que chaque animal recherche dans le corps de l’autre lorsqu’il mange (peu importe qu’il mange d’autres animaux ou des plantes) : tout acte de nutrition n’est rien d’autre qu’un commerce secret et invisible de lumière extraterrestre, qui par ces mouvements circule de corps en corps, d’espèce en espèce, de royaume en royaume. »EC

A la question : Y a-t-il une politique de la métamorphose ? Coccia répond :

« Ce n’est qu’en reconnaissant que tous les êtres vivants, quelle que soit leur espèce, vivent une seule et même vie qu’une politique planétaire et écologique peut être fondée. Ce n’est que lorsque nous reconnaissons que la vie qui nous anime et nous traverse est la même que celle qui anime et traverse un pissenlit, un oiseau de paradis, mais aussi les champignons, bactéries ou virus qui ont causé tant de morts que nous pouvons changer notre regard, notre attitude et nos actions envers la planète. Nous sommes tous une seule et même vie, qui ne cesse de produire des formes différentes sans changer sa substance. Face à cette identité, toute propriété, toute frontière perd sa signification. »EC

Le livre prend ces éléments pour base, et nous fait voyager de Naissances en Cocons, de Réincarnations en Migrations, pour se conclure par : Associations, plus précisément consacré à l’architecture et à  la ville, ce qui nous concerne ici, en dernier lieu :

« Ainsi l’architecture n’est pas seulement la relation active entre une espèce et le monde, mais la relation nécessaire entre elles. C’est en tant qu’architecte du monde que chaque espèce est en relation avec les autres. L’architecture n’est pas seulement une affaire humaine, ce n’est pas un fait culturel, ce n’est même pas la relation entre une espèce et l’espace, une forme de vie et son monde. C’est le paradigme de la relation interspécifique. »EC

Voilà de quoi revisiter l’architecture, et essayer de la réinventer…

 Sur les villes, il y a  également de quoi les revoir de fond en comble :

« … la ville humaine s’est constituée dès son origine contre l’idée de la vie comme association de formes, ethos et mondes disparates. Elle a été le laboratoire de la forme la plus radicale de monoculture éthique, écologique et biologique. En effet, nous avons tendance à penser la ville comme un espace entièrement minéral donc mono-spécifique : elle serait la collection d’êtres humains qui vivent de manière stable sur une portion de corps de Gaïa et qui manipulent la structure de ce corps pour construire des abris. Tout ce qui ne relève pas du minéral et de l’humain… est repoussé à l’extérieur de la ceinture urbaine, dans la forêt….Or cette opposition, qui a guidé la manière d’imaginer notre cohabitation et notre politique, est tout à la fois illusoire et dangereuse. »EC

Et là, Emanuele Coccia se fait vraiment visionnaire :

« En associant artistes, scientifiques, designers, architectes, agriculteurs, éleveurs, il s’agira de construire des associations multi-spécifiques à mi-chemin entre la ville, le jardin, la plantation et la grange, où chacun des vivants produit des œuvres pour les autres et pour lui-même. Dans cet exercice vertueux de l’imagination, à la fois esthétiquement et naturellement, les villes deviennent la pratique d’une métamorphose collective des espèces. »EC

Nous y sommes : voilà de quoi engager, ou continuer ici une vaste réflexion …

En matière de transition avec le « Nous n’avons qu’une seule terre », de Paul Shepard, cette dernière citation de « Métamorphoses » :

« Ce que nous appelons esprit est toujours une association entre la vie de deux espèces. Cette idée de l’esprit comme une écologie n’est pas étrangère à la biologie contemporaine. Le premier à avoir exploré cette idée a été Paul Shepard, dans « Thinking Animals ».

Il y démontre que la pensée est l’effet, et non la condition de possibilité, de la cohabitation symbiotique entre plantes, animaux, bactéries, etc. » EC

A suivre, donc, avec Paul Shepard.

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