Le juge a tranché ainsi : 1430 renards seront tués.
« Les montants annuels des dégâts communiqués par l’administration au vu des déclarations de sinistres dont elle a eu connaissance de 2014 à 2018 atteignent « la moyenne de 32 282 euros », selon le juge. »
Soit 32282 / 1340 = 22.57 euros le renard, cette merveille.
Aux dernières nouvelles, le 5 septembre, l’arrêté a été suspendu…
Comment introduire mieux Paul Shepard ?
Dans son livre, « Nous n’avons qu’une terre » (2019) on trouve en effet ceci :
« Les enfants qui jouent, ravis, sur l’herbe verte, ou sont pétrifiés devant un hibou en forêt, grandiront inconscients de l’intérêt de la nature s’ils ne dépassent pas cette fascination momentanée. Lorsque, comme adultes, ils évalueront la valeur littérale du hibou, en l’opposant aux autres valeurs littérales, telles que le remplacement de la forêt par un hôpital, un système d’évacuation des eaux usées ou un puits de pétrole, leur jugement penchera probablement vers le progrès. »PS
De lui aussi, ce beau texte en forme de lettre adressé par « Les Autres », depuis la Forêt, la Mer, le Désert, la Prairie, à l’espèce humaine :
« Nous avons pris soin des humains bien avant qu’ils n’atteignent leur forme actuelle. La première fois que nous avons rôdé autour d’eux, ils étaient, comme tous les animaux, à l’abri d’une modeste niche. Leurs évidentes particularités étaient celles des primates supérieurs, que ce soit par leur obsession, leur position sociale ou leur identité individuelle. Ils étaient ainsi devenus intelligents, subtils et retors, engagés dans un syndrome de pouvoir tumultueux, a-saisonnier, érotique, hiérarchique.
Comme leurs plus proches parents, ils avaient développé une forme particulière d’attention jusqu’à un niveau d’acuité remarquable. Cela les avait rendus aimants, protecteurs, vicieux et mauvais, étrange mélange entre un visage riche en capacités expressives, et l’habituelle mesquinerie des singes…
Dans les anciennes savanes, nous les avons lentement attirés hors des bornes de leur chauvinisme. De nos plumages, nous leur avons donné l’esthétique. Par nos parades, nous leur avons enseigné la danse. Dans les gestes de nos ramures, nous leur avons montré le rituel et le pouvoir des masques. De nos sabots galopants, nous leur avons révélé la force secrète du grain.…
Du dehors, nous avons été leurs professeurs. En nous dansant, ils ont commencé à voir en nous les formes agissantes de leurs idées et de leurs sentiments. Nous sommes devenus la forme concrète de leur moi secret. Nous les mangions et ils nous mangeaient, et c’est ainsi que nous leur avons appris la première métaphore de leur sociabilité effrénée : qu’ils étaient extérieurs à eux-mêmes, et que nous étions leur intériorité.…
Engagés dans cette voie, nous avons accompagné les humains depuis lors, d’abord comme nourriture, puis sous la forme d’un imaginaire de situations et de processus variés, depuis les signes vus en rêves jusqu’aux symboles de la métaphysique. Ayant fait d’eux des humains, nous continuons désormais à l’échelle des individus. De plus en plus, nous leur servons de thérapeutes : leur tenant la main, si l’on peut dire, pendant qu’ils détruisent notre nature sauvage…
Quand nous serons partis, ils ne sauront plus qui ils sont. À se prendre pour la raison d’être de toute chose, toute raison d’être finira par leur échapper. Leur monde s’effacera dans un long crépuscule, sans un engoulevent pour appeler la chouette à la tombée du jour, et sans grive pour faire une aurore.» PS ( Revue Billebaude, traduction A.G.Cohen et B. Morizot )
Au cœur du livre se trouve cet apologue de l’ours professeur : « Il était une fois un homme qui vivait dans la forêt profonde et il y était parfaitement content. Tout ce qu’il désirait était à portée de main, et il suffisait de tendre seulement le bras pour saisir tous les fruits de la forêt avait à lui offrir. Il était en sécurité et se sentait à l’aise. Il remarquait à peine les autres animaux, mais eux aussi paraissaient ne manquer de rien.
Mais lentement les choses changèrent. La forêt devint clairsemée et la nourriture plus éparpillée et difficile à trouver. Le temps se modifia et devint saisonnier. Le danger apparut, de sorte que rien ne fût aussi simple et facile que cela avait été…
Graduellement, avec un respect grandissant, il se rendit compte que les autres animaux avaient réussi, et à quel point, chacun à sa façon, au-delà de sa propre capacité … et il comprit ce qu’il pouvait apprendre d’eux.
C’était comme si chaque animal était une partie de la totalité de la nature et, en même temps, un tuteur ou un enseignant pour l’homme.
L’ours était la voix de la terre elle-même. Alors l’homme, se souvenant que l’ours avait été son mentor, réalisa que lui-même disposait de cette voix, si seulement il parvenait à chanter aussi doucement que l’ours. »PS
Rien n’est perdu : « L’humain commun en nous sait comment faire danser les animaux, il connaît la force de l’adhésion à un clan et la revendication profonde en même temps que la libération provoquées par des rites journaliers d’actions de grâce. Occultée par l’histoire, cette personne secrète est restée intacte en chacun de nous et peut être dorénavant réveillée dans les actes les plus ordinaires de la vie. »PS
Même si le constat est accablant : « Avec la transformation de groupes humains primitifs en Etats, nous sommes passés de l’homicide à la guerre, du meurtre au génocide, de la disette familiale à la famine, de la diversité sous toutes ses formes à l’homogénéité, de la maladie, en tant que défaillance organique individuelle ou atteinte de parasites, à des épidémies de masse mortelles, d’un pouvoir centré sur le groupe ou un conseil à une hiérarchie d’empires, d’une folie occasionnelle à une aliénation mentale de groupe. »PS
Un jour nous réinterrogerons cette notion d’Etat, en reprenant, bien des années plus tard, la lecture de Pierre Clastres : « La Société contre l’Etat ». La mort inopinée de David Graeber, pour qui Clastres était une référence, doit nous y conduire, comme un hommage à lui rendre. Lui-même, David Graeber, s’intéressa à la notion de jeu chez les animaux :
« Zhuangzi avait raison. Tout comme June Thunderstorm. Nos esprits ne sont que des morceaux de la nature. Nous pouvons comprendre le bonheur des poissons – ou des fourmis, ou des chenilles – parce que ce qui nous entraîne à penser et à débattre ces questions est, en fin de compte, exactement la même chose. »DG, dans Revue du MAUSS 45 (2015).
Pour l’instant, ce sont les éléphants
https://explore.org/livecams/african-wildlife/tembe-elephant-park
que nous prendrons comme professeurs de lenteur……